International
Turquie : sa défaite à Istanbul ébranle le pouvoir d’Erdogan
« Qui remporte Istanbul remporte la Turquie » aimait à répéter Recep Tayyip Erdogan. Ça, c’était avant le séisme électoral qu’il a subi dimanche 23 juin dans la métropole où le président turc avait commencé son ascension politique en étant élu maire en 1994, puis réélu en 1998. Le candidat à la mairie de son « Parti de la justice et du développement » (AKP), l’ancien premier ministre Binali Yildirim, a été battu à plate couture par un outsider, Ekrem Imamoglu, quasi inconnu (il était maire d’un arrondissement d’Istanbul). La campagne électorale a marqué d’autant plus les esprits qu’elle avait abouti à une première victoire de l’opposition, le 31 mars, une victoire nette mais modeste aussitôt invalidée sur plainte pour fraudes déposée par l’AKP, experte en la matière ! Piqués au vif, les Stambouliotes se sont mobilisés pour amplifier le score et le rendre sans appel : 54,2% des suffrages, contre 45,1%, avec un taux de participation de 84%.
Outre l’habileté personnelle d’Imamoglu, qui tactiquement a pratiqué le judo face au boxer Erdogan, c’est l’alliance de sa formation sociale-démocrate avec les nationalistes du Bon Parti (LYI) et les pro-kurdes du Parti démocratique des peuples (HDP) qui a permis cette victoire. Moins que l’adhésion à un programme ou à un homme qui doit encore faire ses preuves, c’est le ras-le-bol anti-Erdogan et anti-AKP qui, pour la première fois depuis 2002, a « coagulé » dans cette version moderne et démocratique de la chute de Constantinople. Elle est d’autant plus retentissante que le président de la République s’était énormément impliqué dans la campagne pour la mairie d’Istanbul, et que les médias mis au pas avaient joué à fond la carte du candidat de l’AKP, n’hésitant pas à qualifier tous les opposants de collusion avec les « terroristes », mot valise désignant indifféremment les partisans de Fethullah Gülen, auquel Erodgan attribue la tentative de putsch de 2016, et les séparatistes kurdes du PKK.
Si Istanbul n’a pas marché, c’est sans doute autant à cause des échecs économiques d’Erdogan que de sa dérive islamique dictatoriale. Une partie du peuple, voire la majorité comme en Chine, peut s’accommoder de prospérité sans la liberté, mais il est difficile de se résigner à leurs disparitions concomitantes quand on a goûté tant soit peu aux deux, comme les Stanbouliotes. Que reste-t-il des promesses d’enrichissement, d’entrée dans l’Europe, de paix avec les minorités ? « Vous avez protégé la démocratie en Turquie et le monde entier vous regarde » a lancé le nouveau maire social-démocrate à ses électeurs au soir de sa victoire.
Cependant qui se risquerait à prédire les conséquences des élections municipales d’Istanbul pour l’ensemble de la Turquie ? Malgré ses 16 millions d’habitants, son poids économique (un tiers du PIB) et son prestige international, Istanbul, poumon économique et culturel du pays, n’est pas la Turquie. Cette réserve s’applique aussi à la capitale politique, Ankara, où l’AKP a déjà essuyé un revers cinglant en mars dernier, alors que le parti d’Erdogan et ses prédécesseurs islamistes contrôlaient la mairie depuis 25 ans. Recep Tayyip Erdogan n’a que trop montré de quoi il est capable pour conserver le pouvoir. Si l’homme fort du pays est fragilisé par le double séisme d’Istanbul et d’Ankara, la répression continue ; il pourrait la durcir. Ceux qui ont osé le défier doivent s’attendre à des « coups tordus », par exemple une paralysie d’Istanbul où l’AKP conserve la majorité au conseil municipal et contrôle encore 25 des 39 districts de la ville, assorti d’un appel à la ferveur musulmane du peuple rural, qui transformeraient leur succès électoral en victoire à la Pyrrhus. A moins que les fissures qui commencent à se faire jour au sein de l’AKP n’entraînent la chute d’Erdogan avant les législatives prévues pour 2023.
Outre l’habileté personnelle d’Imamoglu, qui tactiquement a pratiqué le judo face au boxer Erdogan, c’est l’alliance de sa formation sociale-démocrate avec les nationalistes du Bon Parti (LYI) et les pro-kurdes du Parti démocratique des peuples (HDP) qui a permis cette victoire. Moins que l’adhésion à un programme ou à un homme qui doit encore faire ses preuves, c’est le ras-le-bol anti-Erdogan et anti-AKP qui, pour la première fois depuis 2002, a « coagulé » dans cette version moderne et démocratique de la chute de Constantinople. Elle est d’autant plus retentissante que le président de la République s’était énormément impliqué dans la campagne pour la mairie d’Istanbul, et que les médias mis au pas avaient joué à fond la carte du candidat de l’AKP, n’hésitant pas à qualifier tous les opposants de collusion avec les « terroristes », mot valise désignant indifféremment les partisans de Fethullah Gülen, auquel Erodgan attribue la tentative de putsch de 2016, et les séparatistes kurdes du PKK.
Si Istanbul n’a pas marché, c’est sans doute autant à cause des échecs économiques d’Erdogan que de sa dérive islamique dictatoriale. Une partie du peuple, voire la majorité comme en Chine, peut s’accommoder de prospérité sans la liberté, mais il est difficile de se résigner à leurs disparitions concomitantes quand on a goûté tant soit peu aux deux, comme les Stanbouliotes. Que reste-t-il des promesses d’enrichissement, d’entrée dans l’Europe, de paix avec les minorités ? « Vous avez protégé la démocratie en Turquie et le monde entier vous regarde » a lancé le nouveau maire social-démocrate à ses électeurs au soir de sa victoire.
Cependant qui se risquerait à prédire les conséquences des élections municipales d’Istanbul pour l’ensemble de la Turquie ? Malgré ses 16 millions d’habitants, son poids économique (un tiers du PIB) et son prestige international, Istanbul, poumon économique et culturel du pays, n’est pas la Turquie. Cette réserve s’applique aussi à la capitale politique, Ankara, où l’AKP a déjà essuyé un revers cinglant en mars dernier, alors que le parti d’Erdogan et ses prédécesseurs islamistes contrôlaient la mairie depuis 25 ans. Recep Tayyip Erdogan n’a que trop montré de quoi il est capable pour conserver le pouvoir. Si l’homme fort du pays est fragilisé par le double séisme d’Istanbul et d’Ankara, la répression continue ; il pourrait la durcir. Ceux qui ont osé le défier doivent s’attendre à des « coups tordus », par exemple une paralysie d’Istanbul où l’AKP conserve la majorité au conseil municipal et contrôle encore 25 des 39 districts de la ville, assorti d’un appel à la ferveur musulmane du peuple rural, qui transformeraient leur succès électoral en victoire à la Pyrrhus. A moins que les fissures qui commencent à se faire jour au sein de l’AKP n’entraînent la chute d’Erdogan avant les législatives prévues pour 2023.