Économie

Donald Trump déclare la guerre au libre-échange

Par Raphaël Lepilleur. Synthèse n°2444, Publiée le 07/04/2025 - Crédits photo : Shutterstock
Washington, 2 avril 2025. Le président Trump a signé une déclaration d'urgence nationale, invoquant le «International Emergency Economic Powers Act» pour imposer des droits de douane de 10% sur toutes les importations, avec des taux majorés pour l'UE et la Chine notamment. Les véhicules importés, jusque-là taxés à 2,5% (soit un des taux les plus faibles de la planète), passent à 27,5%. Une décision qualifiée de «journée de la libération économique».

Loin d'une réaction déraisonnée, la stratégie tarifaire de Trump est exposée dans cette Fact Sheet dédiée. L'administration y dénonce, selon elle, un déséquilibre commercial profond et une dépendance critique à des puissances étrangères. Le président parle de rétablissement d'un principe d'équité, «Traitez-nous comme nous vous traitons».

Le document révèle à quel point les États-Unis se considèrent floués. Pendant qu'ils ouvrent largement leurs marchés (avec des droits de douane moyens de 3,3%, soit dans les plus bas au monde), les autres imposent des taux bien plus élevés.

Les barrières non tarifaires jouent aussi un rôle clé dans les déséquilibres. Souvent négligées dans le débat, elles restreignent l'accès des produits américains à de nombreux marchés. La Corée et le Japon imposent des normes spécifiques aux véhicules américains, entraînant la perte de 13,5 milliards de dollars annuels d'exportations potentielles. En Inde, des exigences de certification freinent les exportations, coûtant chaque année 5,3 milliards de dollars. En Afrique du Sud, des restrictions sanitaires limitent les exportations américaines de porc et de volaille, en baisse de 78% depuis 2019. S'ajoute à cela le poids considérable de la TVA étrangère, les entreprises américaines versant plus de 200 milliards par an en taxes, tandis que les exportateurs européens n'en ont pas pour vendre sur le marché américain.

Ford, Tesla, Hyundai ont déjà annoncé des relocalisations. Des milliards de dollars de recettes sont attendus, jusqu'à 600 milliards par an, selon certaines estimations (potentiellement utilisés pour atténuer les effets de la transition sur les citoyens).

En France, François Bayrou parle de «guerre», d'un «monde qui s'effondre». La France dénonce les décisions américaines, sans engager de réformes structurelles. Emmanuel Macron a déclaré «Le constat américain est bon, mais la réponse est mauvaise. Les États-Unis en sortiront plus faibles et plus pauvres». Qui aurait cru à tant de sollicitude pour les foyers de l'Iowa ?

Il poursuit en qualifiant la mesure d'«infondée», car «contraire aux bases de la théorie économique». De quelle théorie parle-t-on ? Celle qui a engendré désindustrialisation, dépendance, précarité, et explosion des inégalités ? Par la suite, il s'est entretenu avec Ursula von der Leyen, cheffe de file d'un projet européen tourné vers le mondialisme. Comment s'étonner que les fédéralistes, qui épousent les dogmes du libre-échange globalisé, voient d'un si mauvais œil toute remise en cause de ce modèle ? Rappelons que la promotion d'une Europe fédérale est inscrite dans les statuts du PPE.

Les détracteurs de la politique tarifaire de Trump s'y opposent fermement et dénoncent des conséquences graves. Selon la Tax Foundation, ces droits de douane réduiraient le PIB américain de 0,8%, supprimeraient 223 000 emplois et augmenteraient les taxes des ménages de 2 100 dollars par an, en provoquant une inflation potentiellement incontrôlable. Certains vont plus loin, suggérant que Trump pourrait délibérément orchestrer une récession mondiale pour en tirer des bénéfices politiques et stratégiques, affaiblir ses alliés et renégocier les alliances dans des termes plus favorables aux USA. Cette approche serait portée par des conseillers comme Scott Bessent, qui évoquent l'idée de forcer à un «Mar-A-Lago Accord» (une stratégie pour sortir du multilatéralisme traditionnel, s'émanciper d'organisations mondialistes comme l'OMC, et maintenir la suprématie du dollar, notamment face à la fin du Petro-Dollar, via le retour a une logique d'accords bilatéraux négociés au cas par cas). Les critiques craignent que ce bouleversement du système mondialisé n'entraîne des mesures protectionnistes de part et d'autre, accélérant un phénomène de démondialisation dans la douleur.

Il est essentiel de souligner que tous les pays ne sont pas touchés de la même manière par ces mesures. Le Royaume-Uni, le Mexique et le Canada en ressentent beaucoup moins les effets. Le Mexique, en particulier, voit ces décisions d'un très bon œil et s'en félicite, percevant ces nouvelles orientations comme une opportunité stratégique. Les réactions internationales sont loin d'être unanimes.

Une rumeur prétend que Trump aurait formulé ses propositions tarifaires avec ChatGPT. Pourtant, une interview de 1988 chez Oprah refait surface, où il exposait déjà sa vision d'un rééquilibrage commercial, ensuite défendue devant les électeurs, qui l'ont élu pour cela.

Pour justifier sa politique tarifaire, l'administration Trump s'appuie sur plusieurs études. Elles montrent que les précédents droits de douane auraient déjà renforcé l'économie américaine. La Commission du commerce international confirmerait la baisse des importations chinoises et la hausse de la production nationale. Enfin, une analyse macroéconomique chiffre qu'une taxe globale de 10% pourrait générer 728 milliards de dollars de croissance, créer 2,8 millions d'emplois et augmenter de 5,7% le revenu réel des ménages.

Dans une intervention, l'économiste Charles Gave souligne que ces mesures viseront, avant tout, les géants transnationaux, comme les GAFAM, ces entreprises qui, selon ses mots, «bénéficient de tous les avantages dans tous les pays mais ne payent nulle part». Une politique qu'il décrit comme éminemment sociale et corrective d'une asymétrie mondiale, illustrée par l'exemple de l'Irlande et de sa fiscalité avantageuse.

La mondialisation va se dématérialiser. C'est une raison de plus pour protéger ce qui peut encore l'être, à savoir l'agriculture, l'énergie, les biens industriels, les savoir-faire.

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Oprah Winfrey Interviews Donald Trump in 1988
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