Histoire

Pablo Escobar : la Colombie veut déboulonner son Robin des Bois

Par Martin Dousse. Synthèse n°2443, Publiée le 05/04/2025 - Photo : La fresque en l'honneur de Pablo Escobar a été effacée en janvier 2025 du quartier qu'il a créé à Medellín. Crédits : Shutterstock
Une récente proposition de loi fait jaser en Colombie : il s'agit d'interdire la vente d'objets à l'effigie de Pablo Escobar. Le plus célèbre des barons de la drogue est encore vu comme un véritable Robin des Bois par plusieurs familles qu'il a sorties de la misère. Il est aussi devenu une attraction touristique, popularisée par les « narcotours ». Au point de faire parfois oublier que, derrière l'icône, se cache le criminel.

« Chérie, prépare toi à devenir la Première dame (…), les portes du palais présidentiel s'ouvriront à nous» Telle était, à en croire les récits de sa femme, l'ambition dévorante du narcotrafiquant le plus célèbre de l'histoire. Celui qui a rendu fou le département américain de lutte contre les drogues, ne parvenant plus à endiguer les arrivées massives de cocaïne. Pablo Emilio Escobar Gaviria était devenu si riche dans les années 1980, qu'il aurait proposé au gouvernement colombien de racheter la dette extérieure du pays (13 milliards de dollars) en échange de le laisser tranquillement mener ses affaires.

Poursuivi par les forces spéciales colombiennes et des agents de la DEA (Drug Enforcement Administration), il a longtemps réussi à y échapper entre compromissions politiques et corruption, avant d'être pourchassé et abattu comme un vulgaire brigand. Une histoire à part, forgée par un homme issu d'une famille modeste, qui avait bâti un empire en découvrant que la poudre blanche se vendait très bien chez les « gringos ». Il avait alors créé ses propres laboratoires et fondé le cartel de Medellín dont il était le monarque absolu. L'usine marchait à plein régime, au point qu'elle est devenue le premier exportateur de cocaïne au monde : jusqu'à contrôler 80% du trafic vers les États-Unis. Pour amadouer la police, un slogan, appliqué à la lettre : « plata o plomo » (l'argent ou le plomb). Pour la plupart, les officiels choisissaient le premier.

Escobar avait compris également que pour se blanchir (sans mauvais jeu de mots), il convenait d'entrer en politique. Il a donc pris soin de s'attirer les faveurs du peuple. « Don Pablo » était généreux, offrant des centaines de maisons et aménageant des terrains de foot. « Du pain et des jeux », après tout il n'inventait rien. Les jeunes « sicarios » lui étaient dévoués corps et âme.

Quand il fut élu député à 32 ans, c'est le ministre de la justice colombien qui parvint à démontrer ses liens avec le narcotrafic et mit fin à sa carrière politique. Escobar ne sera jamais président mais la sentence fut sans appel : on retrouva son adversaire criblé de balles dans son véhicule particulier.

Aujourd'hui, il est encore pour certains un objet de dévotion : son effigie n'apparaît pas seulement sur des casquettes, t-shirts ou porte-clés mais aussi parfois sur des statuettes qu'on achèterait presque pour les placer dans un coin-prière. De son vivant, il distribuait l'argent de la drogue. Une fois mort, c'est son souvenir qui attire le tourisme. Mais Escobar est loin de faire l'unanimité en Colombie. Les autorités veulent abattre l'idole. En janvier, la mairie de Medellín a effacé une fresque murale à la gloire d'« el Patrón » à l'entrée de « Comuna 13 », le quartier qu'il a fondé. Une proposition de loi sera prochainement débattue pour tout bonnement interdire les objets portant son image.

Car qui fut réellement Pablo Escobar ? Avant tout un terroriste, responsable d'un attentat à la bombe dans l'avion, dont il pensait à tort, qu'il transportait le président colombien. Un meurtrier lié à l'assassinat de près de 10 000 personnes, coupable de la détresse de familles entières de policiers, juges, journalistes et hommes politiques qui combattaient, pied à pied, le cancer du narcotrafic. Un homme aux mœurs dépravées, qui faisait venir des adolescentes d'une quinzaine d'années pour participer aux orgies organisées dans sa villa de luxe.

L'une des premières fortunes mondiales également, classée pendant 7 années de suite au magazine Forbes. Il était le propriétaire de la « Hacienda Nápoles », dans la périphérie de Medellín : quasiment un village avec ses piscines, sa piste d'hélicoptère, ses écuries et même un zoo, où il avait apporté toutes sortes d'animaux exotiques.

Le chef de gang charismatique a marqué les esprits. Le général Miguel Zarza, son meilleur ennemi, décrit « un homme exceptionnel, un de ceux que la nature ne produit qu'une fois par siècle parmi des millions, qui a gâché sa vie en faisant le mal. »

Quelques traces d'humanité étaient restées chez le père de famille, capable de brûler des liasses de dollars pour réchauffer sa fille, transie de froid, alors qu'ils fuyaient à travers la cordillère. On pourrait aussi soupçonner de la sincérité dans son souci des pauvres : « Pablo croyait que toutes ces personnes devaient vivre dignement, avoir leurs propres maisons et églises », raconte son frère.

Quand l'étau commença à se resserrer autour de lui, il négocia l'autorisation de créer et s'enfermer dans sa propre prison : « La Catedral ». Mais la presse révéla qu'il y avait reproduit le mode de vie de son ancien domicile et ce fut le scandale de trop. La cavale reprit de plus belle. C'est le « Bloc de recherche », un commando composé de 500 soldats d'élite, qui finit par localiser puis encercler le roi de la coke, dans un quartier de classe moyenne. Il fut abattu au moment où il tentait de s'échapper par le toit d'une maison.

Narcos, la série emblématique de Netflix, fausse un peu la réalité. Juan Pablo Escobar raconte que son père a passé son temps à fuir la police et la violence qu'il avait lui-même engendrée, plutôt qu'à profiter de l'existence et faire la fête. « Tous ceux qui prennent l'épée périront par l'épée » avait annoncé Jésus à Pierre dans l'évangile selon Saint Matthieu...

La sélection
La verdadera historia de Pablo Escobar, el narcotraficante que asesinó a 10 000 personas
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