
Les premiers mois difficiles de Keir Starmer
Début février, Sir Keir Starmer est revenu de la Maison-Blanche confiant. Sa rencontre avec le président américain Donald Trump s'était étonnamment bien déroulée - ils semblaient alignés sur presque tous les sujets, à l'exception de l'Ukraine. Dans un tweet publié après la rencontre, Starmer écrivait sur X : «Le lien entre le Royaume-Uni et les États-Unis ne pourrait pas être plus fort. Merci pour votre hospitalité, @POTUS». Un mois et demi plus tard, le 1er avril, Downing Street a reconnu pour la première fois que le Royaume-Uni serait soumis aux droits de douane américains, comme les États membres de l'UE.
C'est la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, que les États-Unis semblent considérer le Royaume-Uni comme une puissance mondiale parmi d'autres. Pire encore, ils ont une nouvelle fois critiqué la position du Royaume-Uni en matière de liberté d'expression. En début de semaine, Le Telegraph a rapporté que le département d'État américain avait exprimé des inquiétudes «au sujet de la liberté d'expression au Royaume-Uni», citant le cas de la militante anti-avortement Livia Tossici-Bolt. Le 1er avril, le ministre du Commerce Jonathan Reynolds a tenté de rassurer les consommateurs et les entreprises, affirmant que le Royaume-Uni était «dans la meilleure position possible de tous les pays» pour persuader Donald Trump de revenir sur la politique tarifaire. De fait, le Royaume-Uni ne s'est vu imposer que 10% de droits de douane, loin des 20 à 25% de l'UE.
Ce choc reflète un changement plus profond déjà en cours dans les cercles diplomatiques. Lundi, un diplomate français de l'OTAN a exprimé son regret face à cette situation : «Ce que le Royaume-Uni savait faire, c'était d'être un pont entre les États-Unis et l'Europe. Maintenant que les États-Unis se sont retirés du continent, le Royaume-Uni est isolé, sans rôle attitré». Pour l'instant, la seule bonne nouvelle pour Starmer est l'approbation par Trump du projet du Royaume-Uni d'accorder l'indépendance aux îles Chagos — une victoire à la fois diplomatique et politique sur les conservateurs.
Plus inquiétant encore que l'érosion de la relation spéciale, c'est la fragilité de l'économie britannique, désormais vulnérable aux effets des droits de douane américains. La dette publique atteint un niveau record de 97% du PIB et le rendement des obligations d'État à dix ans s'élève à 4,65%, soit un niveau supérieur à celui des États-Unis et de la France. Mardi, l'Office for Budget Responsibility (OBR) a averti que les droits de douane de 20 à 25% proposés par Trump pourraient «éliminer toute la marge de manœuvre budgétaire dont dispose actuellement le gouvernement» s'ils étaient maintenus pendant cinq ans. Le resserrement des budgets demeure une priorité pour le Parti travailliste depuis l'automne 2024.
Dans le même temps, le gouvernement est contraint d'augmenter les dépenses de défense à 3% du PIB, tout en évitant les réactions négatives des députés travaillistes. Pour financer l'augmentation de 2,3% à 2,7% du PIB d'ici à 2030, M. Starmer a annoncé une réduction du budget de l'aide internationale de 6 milliards de livres. Jonathan Ashworth, directeur du think tank Labour Together, a qualifié cette décision de «très difficile» pour un gouvernement travailliste. «Les gens adhèrent au parti travailliste parce qu'ils se soucient de la pauvreté, tant dans leur pays qu'à l'étranger. Il ne faut pas sous-estimer la difficulté de cette décision» a-t-il poursuivi. Bien que la mesure n'ait pas nécessité de vote parlementaire, elle a reporté la promesse du programme de 2024 d'augmenter le budget de l'aide internationale à 0,7% du PNB.
Plus sensibles encore sur le plan politique sont les 3,4 milliards de livres de réduction d'aides sociales. Celles-ci ont provoqué une forte réaction de la part des députés travaillistes, dont vingt-cinq d'entre eux se sont opposés à cette réforme. «Le fait d'imposer un changement de politique sans analyse complète n'est pas seulement une mauvaise gouvernance, mais ne cherche pas aussi à évaluer l'efficacité d'une politique», a déclaré la députée travailliste Rachael Maskell. En Écosse, Neil Findlay, député au Parlement écossais, a démissionné du Parti travailliste écossais à la suite de ces annonces.
Avec les élections locales de mai 2026, le gouvernement devra montrer que les sacrifices qu'il exige au contribuable porteront leurs fruits. Cependant, la confiance du public est faible et les électeurs du Pays de Galles et de l'Écosse, foyers traditionnels du parti travailliste, sont désillusionnés. Les derniers sondages prédisent que les travaillistes devraient perdre le Pays de Galles face à la montée en puissance du parti indépendantiste, Plaid Cymru et de Reform UK, dirigé par Nigel Farage. En Écosse, les perspectives sont également sombres. Reform UK et Les Verts écossais gagnent du terrain, ce qui devrait permettre au Scottish national Party, au pouvoir depuis 2011, de conserver leur majorité.
Dix mois après leur victoire historique aux législatives, accuser les conservateurs d'être responsables de la situation difficile dans laquelle se trouve le Royaume-Uni ne suffit plus, il faut désormais des preuves.