L’immigration devient un sujet « à regarder en face » pour Emmanuel Macron
Politique

L’immigration devient un sujet « à regarder en face » pour Emmanuel Macron

Par Philippe Oswald. Synthèse n°757, Publiée le 17/09/2019
C’était le 28 février 2017 – une éternité ! Dans un entretien à Réforme, Emmanuel Macron déclarait : « Contrairement à ce que certains disent, nous ne sommes pas confrontés aujourd’hui à une vague d’immigration (…) Le sujet de l’immigration ne devrait donc pas inquiéter la population française. » Ni inquiéter d’ailleurs la population européenne puisqu’à Berlin, le mois précédent, Emmanuel Macron rendait ainsi hommage à Angela Merkel pour la générosité avec laquelle elle avait ouvert les portes de son pays aux immigrés : « Je veux saluer ce qu’a fait la chancelière Angela Merkel : c’est une fierté et une force pour l’Europe » (10 janvier 2017). Mais le temps passe vite : déjà à mi-mandat, Emmanuel Macron doit préparer l’élection présidentielle de 2022. Les difficultés dans lesquelles est plongée depuis deux ans la chancelière allemande l’ont alerté sur les conséquences électorales d’une générosité sur laquelle le peuple n’a pas été consulté.

Les conditions d’accueil sont devenues beaucoup moins généreuses outre-Rhin mais la France en a subi le contrecoup : l’an dernier, les demandes d'asile (123.625) ont augmenté de 22,7% par rapport à 2017, selon l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. En tête des pays de provenance des demandeurs d'asile, l'Afghanistan (10.370, +55%), devant l'Albanie (-27,6%), la Géorgie (+256%), la Guinée (+60%) et la Côte d'Ivoire (+50%). Or aucun de ces quatre derniers pays n’est actuellement en guerre. Relevons aussi que la « poussée » des demandeurs d’asile est constante en France depuis la crise migratoire de 2015 alors qu’ailleurs en Europe (UE, Suisse et Norvège), les demandes d'asile n’ont cessé de baisser pour retomber en 2018 à leur niveau d'avant 2015. Rappelons qu’en France, l’an dernier, 32.261 sans-papiers ont été régularisés et que 92% des déboutés du droit d’asile n’ont pas quitté le pays.

« Nous n’avons pas le droit de ne pas regarder le sujet en face », a déclaré le président en s’adressant aux ministres et quelque 200 parlementaires et membres de la majorité, lundi 16 septembre, quinze jours avant le débat parlementaire sur l'immigration prévu les 30 septembre et 2 octobre. Et d’expliquer notamment que « notre droit d'asile (…) est détourné de sa finalité par des réseaux, des gens qui manipulent ». Le président a enjoint à LREM de se débarrasser des œillères d’un « parti bourgeois » car « les bourgeois ne croisent pas l'immigration. Les classes populaires vivent avec. » Et de commenter : « La gauche n'a pas voulu regarder ce problème pendant des décennies. Les classes populaires ont donc migré vers l'extrême droite ». C’est sans surprise un nouveau duel avec Marine Le Pen et le Rassemblement national, désigné comme « seul opposant sur le terrain », que prépare Emmanuel Macron. Docilement, des membres du gouvernement et de la majorité ont relayé le discours présidentiel à coups de tweets et sur les ondes. « Nous devons parler d’immigration ! Emmanuel Macron a raison ! » affirme par exemple le député LREM Aurélien Taché (16 septembre, sur France info), alors que le même estimait au seuil de l’été que « ce sujet n’en est pas un pour nos concitoyens » (12 juin sur RFI).   

Selon le baromètre « Fractures françaises » de Ipsos/Sopra Steria publié le 16 septembre, 64% des Français ont l'impression « qu'on ne se sent plus chez soi comme avant » en France (contre 62% en 2018 et 60% en 2017). Il y a certes l’inquiétude liée aux délits et aux crimes perpétrés par des immigrés devenus une actualité récurrente dans les médias. Mais ce qui échappe souvent aux informations, c’est ce climat fait de peur diffuse et d’humiliations dont témoignait ce 17 septembre une auditrice de Sud-Radio : des amis résidant dans une zone pavillonnaire mitoyenne d’un quartier « sensible » lui avaient donné pour consigne, en allant chez eux, de ne pas « lever les yeux » vers ceux qu’elle pourrait rencontrer « pour ne pas les exciter ». Un réflexe que nombre de Français ont adopté dans la rue ou dans un transport en commun depuis de nombreuses années. Baisser les yeux, qu’est-ce donc, sinon un signe de soumission précurseur d’une situation de « dhimmitude » ? Emmanuel Macron prétend désormais « regarder en face » l’immigration (il voudrait notamment désengorger la demande d’asile et revoir les modalités de l’Aide médicale d’Etat). Mais comment convaincre les Français de l’efficacité d’une politique migratoire tant qu’ils ne pourront pas regarder sans crainte n’importe quel immigré, n’importe où sur le sol national ?
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