
Le jeune Pablo Ladam raconte à quel point il a souffert à Sciences-Po
De la polémique sur la « prof de danse » en 2023 (Le Figaro) à celle sur « l'amphithéâtre Gaza » en 2024 (Sqooltv), Sciences Po est le théâtre d'un activisme d'extrême-gauche dont souffrent nombre d'étudiants. Pablo Ladam a déjà bien vécu. Si son visage poupin et sa chevelure moutonneuse lui donnent un air adolescent, son propos n'est pas trop de son âge. Être passé par Sciences Po, y avoir été harcelé jusqu'à perdre 10 kg, l'a fait mûrir. Pour guérir, le jeune homme à la voix sûre et posée a pris la plume. Pour alerter aussi, au fil de ces 163 pages de choses vues et entendues.
Le titre La Terreur violette surprend un peu. On connaissait la peste brune, la Terreur blanche ou les khmers rouges. Mais le violet, couleur du clergé ? Pablo Ladam exhumerait-il les bûchers de l'Inquisition ? Non, à un point près : un parfum d'angélisme exterminateur parcourt son témoignage. Le Pôle violet est le nom d'une association pilotée par trois jeunes femmes : l'une fut candidate LFI en 2021 en Normandie (Ouest-France), l'autre est doctorante au centre de sociologie des organisations à l'IEP, et la troisième est une responsable de l'Unef Sciences Po (La Péniche). Ce Pôle violet fait une guerre sans relâche au VSS (violences sexistes et sexuelles) et au patriarcat, c'est-à-dire aux garçons (qui ne sont que 20% à l'IEP).
Pablo Ladam n'a rien d'un excité : il est adhérent du parti Renaissance, ce qui est déjà l'ultra-droite pour l'extrême-gauche. Ce boursier échelon 4 sort de Henri IV. Arrivé en première année sur le campus de Poitiers, le voilà retombé en pleine guerre de religion quand il écrit que « l'idéologie woke revendique le droit de n'être concurrencée par aucune pensée divergente ».
Tout commence après un concours d'éloquence organisé par Sciences Polémiques, une association ad hoc. La prestation de Pablo Ladam fait scandale. On l'accuse de « male gaze ». L'expression dénonce le regard concupiscent de l'homme sur le corps féminin. Il a beau dire que son propos était ironique, rien n'y fait. Le Pôle violet, apparemment, ignore l'humour et toute forme de pensée subtile. S'enclenche un engrenage destiné à précipiter sa mort sociale. On va jusqu'à appeler le propriétaire de sa petite amie pour menacer de laisser entrer un agresseur chez elle ! Les réseaux sociaux deviennent une arme d'exclusion massive. Terrifiées à l'idée d'être traités de « facho », ses relations, mêmes les plus amicales, se mettent à le fuir. D'ex-petites amies profitent de la situation pour régler leurs comptes avec lui. Pablo Ladam cherche à faire baisser la pression. Il parvient à organiser un vote de promotion sur le blocage du campus. Et là, surprise : quand les étudiants s'expriment dans l'isoloir, donc démocratiquement, ils sont 58 % à vouloir que le blocus soit levé et que les cours reprennent.
Qui sont les étudiants de Sciences Po, quels sont leurs idéaux et leurs engagements ? Sciences Po répond à ces questions dans une enquête menée par Martial Foucault et Anne Muxel, chercheurs du Centre de recherches politiques de Sciences Po. Les résultats figurent dans Une jeunesse engagée, enquête sur les étudiants de Sciences Po, 2002-2022 (Presses de Sciences Po).
On n'y apprend que 54 % des étudiants ne viennent pas d'Île-de-France et que la mixité sociale progresse : la part de la classe moyenne s'élève à 20 % (contre 9 % en 1998), celle des étudiants venant de milieux ouvriers atteint 14 % (contre 3 % en 1998). Ceux-ci sont plus militants : « 9 étudiants sur 10 portent un intérêt à la politique et 79% d'entre eux s'y impliquent personnellement. » L'enquête observe que « les étudiants sont de plus en plus à gauche » : 71 % (contre 57 % en 2002). Bien que « l'immense majorité des étudiants reste attachée à la démocratie représentative », c'est le « militantisme alternatif » qui mobilise le plus : les causes pour lesquelles les étudiants seraient prêts à se battre sont l'environnement (26 % des sondés), les inégalités (16 %) et le droit des femmes (15 %).
La politisation est une chose, la manière dont on exprime ses idées en est une autre. Le récit de Pablo Ladam sidère par l'irrationnalité et le cynisme de ses inquisitrices. La chasse aux sorcières dont il est la cible sert à faire sentir à tous qui a le pouvoir. L'auteur s'émeut de la passivité de la direction. Subventionné à hauteur de 70 millions d'euros par an, Sciences Po aurait des comptes à rendre à ses étudiants jetés dans un bain d'activisme politique peu propice aux études et à l'équilibre. Certains en font des dépressions.
Pour Pablo Ladam, la direction n'est pas juste l'otage mais le complice de cette situation, comme l'illustre le chapitre sur la CEIP (Cellule d'enquêtes internes préalables), organe présidé par une conseillère d'État et constitué exclusivement de femmes. En 2022, l'administration de Sciences-Po diligenta pas moins de 50 enquêtes et procéda à plus de 150 auditions « en dehors de tout cadre réglementaire ». Pablo Ladam raconte la sienne. Un passage hallucinant.
Que faire ? Le 22 mai 2024, Henri Leroy, sénateur des Alpes-Maritimes (LR), avait déposé une proposition de résolution pour enquêter sur « l'impact de l'islamo-gauchisme à Sciences Po et dans les universités françaises ». Mais cette initiative n'avait pas abouti. La question est de savoir ce que Luis Vassy, le nouveau directeur de l'IEP, fera de ce témoignage qui, au-delà du cas de Pablo Ladam, abîme une institution réputée pour son excellence et censée faire rayonner l'image de la France.