Société

Un chien plutôt qu'un enfant ?

Par Judikael Hirel. Synthèse n°2220, Publiée le 14/06/2024 - Photo : Pixabay.
Deux salaires, pas d'enfant et un chien… Quand on préfère ne pas avoir à penser à l'avenir, serait-il devenu acceptable de remplacer les enfants par des chiens ?

Elle est vétérinaire, journaliste sur RTL, et a écrit un livre sur le sujet : autant de raisons d'être bien accueillie quand elle affirme avoir donné à son chien Colonel « la place de l'enfant qu'elle a décidé de ne pas avoir ». Dans son livre Pourquoi j'ai choisi d'avoir un chien (et pas un enfant) (Albin Michel), Hélène Gateau vante le lien de parentalité tissé avec son chien, revendiquant le fait d'avoir un chien et non un enfant, au lieu de s'en justifier. « Mon choix de vie reste marginal, mais je suis convaincue que c'est une tendance naissante et grandissante, même si elle est encore rarement revendiquée comme telle », explique-t-elle. « Est-il encore mal vu d'être une quadragénaire, célibataire, sans enfant, mais avec un animal domestique ? », lui demande-t-on. « L'image de la "mémère à chien", celle d'une femme célibataire entourée de toutous, n'a pas totalement disparu. Oser dire que l'on donne une place de roi à son compagnon à quatre pattes, quand on vit seule, reste mal perçu. »

Comment le chien devient-il le nouvel enfant ? Outre-Atlantique, en tout cas, la tendance s'ancre. Aux couples DINK d'hier (Double Income, No Kids - Double revenu, pas d'enfant) d'hier, s'ajoute désormais le "no kids, one dog", « pas d'enfant, un chien ». Pour autant, est-on censé voir cela comme acceptable, alors qu'en septembre 2022, un sondage IFOP soulignait que 30 % des Françaises en âge de procréer déclaraient ne pas vouloir d'enfants ? « Les chiens et les chats prennent la place des enfants, déclarait il y a peu le pape François, parlant de la chute de la natalité. Ce déni de la paternité et de la maternité nous rabaisse, nous enlève notre humanité. » Hélène Gateau, elle, affirme faire famille avec son chien, parlant même d'alloparentalité : « le fait que des adultes puissent prendre soin d'un être vivant qui n'est pas leur propre progéniture [...] fait partie de ce qui fait que nous sommes des êtres humains. » Mais quand on creuse un peu l'ouvrage, un militantisme certain apparaît derrière le visage d'une "dog mum" (« mère à chien ») bienveillante : « Prendre la parole à travers ce bouquin, pour moi, c'est une sorte de coming out. Je me rends compte aujourd'hui, à travers les retours que j'ai, que j'incarne une forme de « féminisme ». C'est-à-dire que je suis une femme qui a osé prendre la parole sur un choix de vie qui va à l'encontre de la tradition patriarcale et du modèle familial classique. »

« On a plutôt de la chance, car il nous laisse dormir. » : ce couple parisien parle de son chien comme d'un enfant. Dans les esprits et dans les villes, ce que l'on appelle désormais la pet-parentalité — de l'anglais pet (animal de compagnie) — semble en tout cas gagner du terrain. « Comment le chien est devenu le nouvel enfant ?, s'interroge Le Monde. « Vous faites attention, c'est notre bébé. Il va certainement pleurer. Je vous laisse son doudou… » Et pourtant, c'est d'un bichon maltais dont on parle... Certains vont même aller jusqu'à promener leur chien dans une poussette ! « Les Français possèdent 7,6 millions de canidés, dont le statut est passé, en quelques années, d'animaux de compagnie à membres à part entière de la famille. Des êtres choyés par des "pet moms" et "pet dads" qui assument leurs excès d'anthropomorphisme. » « Garderie, nounous, cadeaux d'anniversaire ou de Noël, comptes Instagram diffusant les exploits du petit dernier de la portée, rendez-vous chez le véto au moindre tressaillement d'oreilles… et si le chien était devenu le nouvel enfant ? »

Dans son ouvrage, Hélène Gateau va jusqu'à utiliser le mot « eugénisme ». Un terme qu'elle assume : « Avoir un enfant, c'est remettre sa vie au destin, la prise de risque est énorme : est-ce que l'enfant va être en bonne santé ? Sera-t-il facile, sympathique ? Va-t-il me rejeter à l'adolescence ? C'est une grande source d'angoisse. Je veux pouvoir garder le contrôle sur ma vie. Avec le chien, je garde ce contrôle en cochant les petites cases importantes pour moi. Quand on a un enfant, on a une forme d'anxiété : perte d'insouciance, perte de sommeil. Peur pour l'avenir aussi. Compliqué de ne pas se projeter. Et moi, j'ai du mal à vivre dans le futur et à faire des projets. Je préfère vivre au jour le jour. Avec mon chien, je me pose moins de questions. » Au fond, tout est dit.

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Comment le chien est-il devenu le nouvel enfant ?
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