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Le sport électronique : une nouvelle arène pour la compétition
L'esport désigne la pratique compétitive d'un jeu vidéo multijoueur, en ligne ou en LAN (Local Area Network). En 2025, plus de 600 millions de joueurs et spectateurs y participent régulièrement à travers le monde, qu'ils soient amateurs ou professionnels.
La France comptait 31 millions de joueurs en 2024, contre seulement 11,8 millions en 2023. Ces « gamers » se rencontrent autour de jeux phares, tels que Valorant, Counter Strike, Dota 2 et FIFA, et lors de compétitions majeures, comme les championnats du monde de League of Legends ou les Jeux olympiques de l'esport prévus pour 2027. Des écuries de renom (Team Vitality, Fnatic, G2 Esports) de tous les pays s'affrontent et diffusent leurs performances en continu (streaming).
L'esport s'est développé depuis la fin des années 90 surtout grâce à 3 facteurs :
- Des progrès technologiques majeurs, avec notamment une explosion du streaming, et la mise à disposition gratuite de nombreuses plateformes pour suivre les compétitions (YouTube, Twitch…)
- Une augmentation exponentielle des audiences, dont la croissance se stabilise depuis 2022 à 8 % par an, et représentera fin 2025 640,8 millions de viewers.
- L'émergence de nouveaux marchés, en particulier en Inde, au Japon, en Corée du Sud, au Moyen-Orient, en Amérique du Sud et en Afrique.
Ces quatre dernières années, le nombre de pratiquants a presque triplé, ce qui se ressent dans le poids économique du secteur. Ce dernier se mesure grâce à deux indicateurs :
Entre 2019 et 2022, le chiffre d'affaires cumulé a augmenté de 55 % par an en moyenne, pour atteindre 116 millions d'euros, tandis que la croissance des emplois à temps plein a également connu une croissance fulgurante : plus 56 % de croissance par rapport à 2019.
(Rapport de l'observatoire économique de l'esport)
Pour autant, le marché de l'esport se caractérise par sa grande vulnérabilité. Les financements sont instables, car il est impossible de compter sur une rémunération fixe via des contrats publicitaires établis en amont : les compétitions s'étalent sur plusieurs jours et ne sont donc pas programmées à la télévision. Le financement est donc tributaire des performances de streaming des équipes en lice. 70 % du chiffre d'affaires cumulé du marché de l'esport est composé des 10 plus gros acteurs qui ont la capacité de fédérer et diffuser à grande échelle leur parcours dans la compétition. Il est donc extrêmement difficile pour les petits acteurs de trouver une place pérenne et d'y rester.
Les financements se font grâce à des levées de fond et des contrats de sponsoring, mais ne concernent en fait que les équipes créées par des personnalités fortes de larges communautés. Des écuries telles que Karmine Corp et Gentle Mates se fondent sur la notoriété de leurs fondateurs (respectivement Kameto, streamer de grande influence sur Twitch, ainsi Squeezie et Gotaga youtubeurs et streamers de premier plan), ce qui permet d'avoir des sponsors, de se faire rémunérer pour venir et participer aux évènements et compétitions et ainsi d'assurer une formation et un matériel de qualité pour leur équipe.
De ce fait, le marché de l'esport connaît une transition d'envergure vers le marché de l'influence : les moyens priment sur les performances. En 2023, l'équipe LDLC OL, malgré de très bons résultats s'est ainsi dissoute par manque de stabilité économique.
En France, deux acteurs cherchent à permettre au secteur de continuer à se développer tout en se structurant : l'État et les éditeurs d'esport. La France occupe de fait une place centrale dans l'esport mondial, notamment par l'organisation d'évènements d'envergure mondiale : en 2023 la finale de League of Legends à Montpellier a par exemple atteint un pic d'audience de 6,5 millions de personnes. À titre de comparaison, les meilleures affiches de Ligue 1 ne rassemblent même pas 1 million de téléspectateurs (même si l'accès payant et le piratage expliquent ces chiffres plus bas).
Le 13 février 2024, la ministre des Sports, Amélie Oudéa Castera, a créé l'observatoire national de l'esport. À l'échelle nationale, l'État français veut faire de la France un leader de l'esport. Elle soutient des politiques économiques pour ce nouveau marché, telles que la réduction de taux de TVA à 5,5 % lors des évènements ou des compétitions.
À l'échelle locale, les collectivités territoriales ont tout intérêt à subventionner le secteur, un véritable moteur pour le tourisme. Les événements attirent les foules, comme à Nice, en février 2022, où la plus grande compétition francophone d'esport, League of Legends, fit venir plus de 10 000 personnes sur 3 jours, dont 70 % extérieurs à la région.
Les éditeurs d'esport, qui possèdent les droits sur la propriété intellectuelle des jeux, ont eux un double rôle : investir dans le marché et réguler la concurrence.
- Stabilisateurs économiques, ils aident les équipes professionnelles en redistribuant, comme le fait Ubisoft, une partie des revenus gagnés lors des compétitions sportives.
- Régulateurs, ils imposent une limite aux dépenses des équipes lors des compétitions : un groupe qui est pourvu d'un équipement de luxe se voit imposer une « luxury tax », soit une amende redistribuée ensuite par l'éditeur aux autres équipes.
Les championnats mondiaux du jeu vidéo Valorant, prévus à l'automne 2025 à Paris, ainsi que les premiers JO de l'e-sport, reportés le 11 février dernier de 2025 à 2027, vont inévitablement générer de nouveaux revenus pour cet écosystème. Ils illustrent aussi une tendance majeure de notre époque : le sport de haut niveau se joue désormais aussi avec une manette, derrière un écran.