Politique

Fin de vie : la proposition de loi qui installerait l'euthanasie en France

Par Philippe Oswald. Synthèse n°2449, Publiée le 12/04/2025 - Photo :

François Bayrou entouré des ministres de son gouvernement et du député Olivier Falorni (DEM), à l'Assemblée nationale, le 19 mars 2025.

Crédits : Xose Bouzas / Hans Lucas via AFP
Une proposition de loi sur «la fin de vie» instituant l'«aide à mourir» vient d'être examinée en commission à l'Assemblée nationale avant d'être soumise aux votes des députés le mois prochain. Elle mobilise contre elle les médecins et les soignants qui refusent de donner la mort. Sa radicalité semble avoir provoqué un électro-choc qui unit des personnalités de divers horizons. Toutes plaident pour un renforcement des soins palliatifs.

Une nouvelle proposition de loi sur «la fin de vie» présentée par le député Olivier Falorni a été examinée cette semaine en commission à l'Assemblée nationale, en même temps que la proposition de loi sur les soins palliatifs. L'une et l'autre doivent être soumises au vote des députés au mois de mai. Repartant du texte déjà radical voté avant la dissolution de l'Assemblée nationale (9 juin 2024), la proposition sur la fin de vie est pilotée par le député (DEM apparenté MoDem) Olivier Falorni. Sa pensée directrice paraît bien résumée dans cette interrogation oratoire : «Que veut dire “vivre” quand vivre c'est souffrir, sans espoir de guérison ? » (séance en hémicycle du lundi 27 mai 2024). La réponse étant contenue dans la question, la voie est ouverte à un «droit de disposer de sa mort» en recourant à «l'aide à mourir» qui articule sans les nommer suicide assisté et euthanasie.

Cette «aide à mourir» est présentée comme «un ultime recours» mais les critères «médicaux» pour assister le suicide (si le malade est «en mesure physiquement d'y procéder») ou pratiquer l'euthanasie, sont larges et flous. Il faut être majeur, résider en France, être en capacité de s'exprimer consciemment, et être atteint «d'une affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale». Cette formulation remplace celle d'un «diagnostic vital engagé à court ou moyen terme», qui figurait dans le projet de loi initial.

Le malade doit «présenter une souffrance psychique ou psychologique liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsqu'elle a choisi de ne pas recevoir ou d'arrêter de recevoir un traitement». «L'aide à mourir» n'est donc plus réservée aux personnes subissant une «souffrance réfractaire» à tout traitement. Il suffit que le patient exprime «une souffrance insupportable», «psychique ou psychologique» pour être «assisté» dans son suicide. Les proches n'ont pas voix au chapitre et le personnel soignant ne peut contester cette demande. Les objecteurs s'exposeraient à un an de prison ! C'est la peine encourue pour «le fait d'empêcher ou de tenter d'empêcher de pratiquer ou de s'informer sur [sic] l'aide à mourir par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne, notamment par la diffusion ou la transmission d'allégation ou d'indications de nature à induire intentionnellement en erreur, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales de l'aide à mourir». Si la clause de conscience des soignants est reconnue, elle vaut pour le médecin individuellement pourvu qu'il informe le patient sur le «droit de mourir» que lui donne la loi et l'oriente vers un confrère acceptant de pratiquer l'euthanasie. En revanche, pas de clause de conscience pour les pharmaciens qui refuseraient de fournir des produits létaux. Quant aux établissements, ils sont tenus de laisser les professionnels de santé y pratiquer suicide assisté et euthanasie.

Que ce texte sur «l'aide à mourir» soit examiné en même temps que le texte sur les soins palliatifs est déjà une «victoire cachée des pro-euthanasie» estime Guillaume Tabard dans Le Figaro (6/04/2025). Cette simultanéité entretient la confusion qu'avait tenté d'éviter François Bayrou avec deux textes distincts. Ce risque est confirmé par l'adoption en commission d'un amendement de l'ancienne ministre de la Santé Agnès Firmin-Le Bodo prévoyant que les étudiants seront formés en même temps «à l'approche palliative et à l'aide à mourir».

Cette proposition de loi, si elle était votée, constituerait une rupture anthropologique majeure. Si le médecin ou le soignant peut donner la mort, que deviendra la confiance entre le thérapeute et son patient? Malheureusement, un Français sur deux ignore les différences entre euthanasie, aide à mourir et suicide assisté, selon un sondage Flashs pour le groupe d'Ehpad et établissements sanitaires LNA Santé, publié le 2 avril (cf. Cnews du 3/04/2025). Une actualité nationale et internationale particulièrement chargée contribue à escamoter ce qui se joue actuellement à l'Assemblée nationale.

Sur un sujet aussi capital, pouvait-on se contenter de reprendre les travaux parlementaires au point où ils en étaient au moment de la dissolution alors que la composition de l'Assemblée nationale a été bouleversée ? La différence de traitement avec le dossier des retraites est flagrante : pour celui-ci, le gouvernement a relancé une longue concertation en organisant un «conclave» avec les partenaires sociaux. Rien de tel pour la fin de vie. Cela n'a pas empêché la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Catherine Vautrin, auditionnée le 9 avril, de louer le contenu des deux textes «alors même que la proposition de loi de M. Falorni intègre des amendements (...) avec lesquels Mme Vautrin n'était pas en phase à l'époque [avant la dissolution de l'AN]» relève Le Monde (10/04/2025).

«Ce texte est dangereux dans son principe et plus encore dans ses modalités» a déclaré Tugdual Derville, porte-parole de l'association Alliance Vita (03/04/2025) lors de son audition à l'Assemblée nationale. Une alarme partagée par le Collectif Démocratie, Éthique et Solidarités (CDES). Ce collectif regroupe des médecins, des juristes, d'anciens ministres, tels Emmanuel Hirsch, professeur émérite d'éthique médicale , membre de l'Académie nationale de médecine, Jean Leonetti, médecin, ancien ministre, auteur de la loi de 2005 sur la fin de vie, ou encore l'ancien ministre de la Santé François Braun (interviewé sur Europe 1 ce 12/04/3025). Dans son premier avis (un document d'une trentaine de pages, en lien ci-dessous), le CDES dénonce «un droit à une mort provoquée» qui interviendrait au terme d'une «procédure anormalement expéditive» basée sur des critères «flous et subjectifs».

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2 commentaires
François
Le 14/04/2025 à 18:31
Nouveau gouvernement, même agenda. Les gens s'imaginent que de telles lois sont le fruit d'un véritable besoin de la société ou bien les ignorent tout bonnement, pendant que le serment d'Hippocrate semble n'être plus qu'un joli decorum et le médecin une sorte d'agent de gestion du corps humain.
Georges
Le 13/04/2025 à 16:59
Nous entrons petit à petit dans la réalité orwellienne décrite par 1984. Inversion des valeurs : suicide = humanisme. On "pique" l'homme comme un bête. Quand allons-nous réaliser que toutes les pseudo-"avancées" sociétales n'ont fait que qu'attaquer la dignité de l'homme. On peut d'aileurs deviner qui est derrière (franc-maçonnerie) et pourquoi ces lois sont passées avec la plus grande facilité (la République est le régime politique de la Franc-Maçonnerie). Si ce dernier, l'Homme, est autant animal (homo-sapiens) que spirituel (fils de Dieu en puissance, capacité de Dieu), on n'a jamais cessé, depuis la révolution anti-chrétienne, de supprimer cette dernière dimension. Pour paraphraser Bernanos : La société est une conspiration contre la dimension spirituelle de l'homme ("On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l'on n'admet pas d'abord qu'elle est une conspiration contre toute forme de vie intérieure" - Georges Bernanos) ! Quand allons-nous donc cesser d'accepter d'être réduits à si peu ? Quand l'homme va-t-il se rebeller contre ces faux prophètes et refuser d'être insultés à ce point ? L'Homme (avec un grand H, sans aucune considération de genre, je suis obligé de le préciser) n'est ni un chien, ni un singe que l'on pourrait assasiner dans le ventre de sa mère ou sur son lit de mort ; non ! L'Homme est digne de Dieu et appelé à être divinisé spirituellement par l'union au Christ ! L'Homme est digne du Royaume des Cieux... Pour l'Eternité, je tiens à le rappeler ! Et nous devrions nous taire pour "un an de prison" ?! Quelle loi scélérate ! Ces ennemis de l'Homme et de Dieu ont réussi à faire croire qu'ils étaient amis et protecteurs de l'Homme et de la Liberté. Quel mensonge ! Et si ces agents de morts paraissent si zélés, c'est que la vérité est déjà observable aux yeux de tous. En effet, ne juge-t-on pas un arbre à ses fruits ? Or, les fruits de ce paradigme républicain sont évidemment tous pourris, dans un état de putréfaction avancée. Qui pourra le contredire ? Il n'y a plus qu'amertume et tristesse en ce pays, jadis si grand ! Tout semble s'écrouler à tel point qu'on s'attend à la chute de notre modèle sociale, à la guerre civile, etc. Ô Pays de France, jusqu'à quand vas-tu descendre ? Jusqu'à quand vas-tu accepter d'être à ce point insultée, défigurée, réduite à rien, avant de frapper du pied et te relever ? Alors, le Dieu qui t'a vu naître lors de ton Baptême combattera à nouveau pour toi, te libérera et te relevera ! Le Christ est ton unique Salut ! Et tant que tu refuseras de l'accepter, tant que tu voudras vivre par toi-même, tu tomberas encore et encore, jusqu'à la destruction, peut-être !
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