
Fin de vie : la proposition de loi qui installerait l'euthanasie en France
Une nouvelle proposition de loi sur «la fin de vie» présentée par le député Olivier Falorni a été examinée cette semaine en commission à l'Assemblée nationale, en même temps que la proposition de loi sur les soins palliatifs. L'une et l'autre doivent être soumises au vote des députés au mois de mai. Repartant du texte déjà radical voté avant la dissolution de l'Assemblée nationale (9 juin 2024), la proposition sur la fin de vie est pilotée par le député (DEM apparenté MoDem) Olivier Falorni. Sa pensée directrice paraît bien résumée dans cette interrogation oratoire : «Que veut dire “vivre” quand vivre c'est souffrir, sans espoir de guérison ? » (séance en hémicycle du lundi 27 mai 2024). La réponse étant contenue dans la question, la voie est ouverte à un «droit de disposer de sa mort» en recourant à «l'aide à mourir» qui articule sans les nommer suicide assisté et euthanasie.
Cette «aide à mourir» est présentée comme «un ultime recours» mais les critères «médicaux» pour assister le suicide (si le malade est «en mesure physiquement d'y procéder») ou pratiquer l'euthanasie, sont larges et flous. Il faut être majeur, résider en France, être en capacité de s'exprimer consciemment, et être atteint «d'une affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale». Cette formulation remplace celle d'un «diagnostic vital engagé à court ou moyen terme», qui figurait dans le projet de loi initial.
Le malade doit «présenter une souffrance psychique ou psychologique liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsqu'elle a choisi de ne pas recevoir ou d'arrêter de recevoir un traitement». «L'aide à mourir» n'est donc plus réservée aux personnes subissant une «souffrance réfractaire» à tout traitement. Il suffit que le patient exprime «une souffrance insupportable», «psychique ou psychologique» pour être «assisté» dans son suicide. Les proches n'ont pas voix au chapitre et le personnel soignant ne peut contester cette demande. Les objecteurs s'exposeraient à un an de prison ! C'est la peine encourue pour «le fait d'empêcher ou de tenter d'empêcher de pratiquer ou de s'informer sur [sic] l'aide à mourir par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne, notamment par la diffusion ou la transmission d'allégation ou d'indications de nature à induire intentionnellement en erreur, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales de l'aide à mourir». Si la clause de conscience des soignants est reconnue, elle vaut pour le médecin individuellement pourvu qu'il informe le patient sur le «droit de mourir» que lui donne la loi et l'oriente vers un confrère acceptant de pratiquer l'euthanasie. En revanche, pas de clause de conscience pour les pharmaciens qui refuseraient de fournir des produits létaux. Quant aux établissements, ils sont tenus de laisser les professionnels de santé y pratiquer suicide assisté et euthanasie.
Que ce texte sur «l'aide à mourir» soit examiné en même temps que le texte sur les soins palliatifs est déjà une «victoire cachée des pro-euthanasie» estime Guillaume Tabard dans Le Figaro (6/04/2025). Cette simultanéité entretient la confusion qu'avait tenté d'éviter François Bayrou avec deux textes distincts. Ce risque est confirmé par l'adoption en commission d'un amendement de l'ancienne ministre de la Santé Agnès Firmin-Le Bodo prévoyant que les étudiants seront formés en même temps «à l'approche palliative et à l'aide à mourir».
Cette proposition de loi, si elle était votée, constituerait une rupture anthropologique majeure. Si le médecin ou le soignant peut donner la mort, que deviendra la confiance entre le thérapeute et son patient? Malheureusement, un Français sur deux ignore les différences entre euthanasie, aide à mourir et suicide assisté, selon un sondage Flashs pour le groupe d'Ehpad et établissements sanitaires LNA Santé, publié le 2 avril (cf. Cnews du 3/04/2025). Une actualité nationale et internationale particulièrement chargée contribue à escamoter ce qui se joue actuellement à l'Assemblée nationale.
Sur un sujet aussi capital, pouvait-on se contenter de reprendre les travaux parlementaires au point où ils en étaient au moment de la dissolution alors que la composition de l'Assemblée nationale a été bouleversée ? La différence de traitement avec le dossier des retraites est flagrante : pour celui-ci, le gouvernement a relancé une longue concertation en organisant un «conclave» avec les partenaires sociaux. Rien de tel pour la fin de vie. Cela n'a pas empêché la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Catherine Vautrin, auditionnée le 9 avril, de louer le contenu des deux textes «alors même que la proposition de loi de M. Falorni intègre des amendements (...) avec lesquels Mme Vautrin n'était pas en phase à l'époque [avant la dissolution de l'AN]» relève Le Monde (10/04/2025).
«Ce texte est dangereux dans son principe et plus encore dans ses modalités» a déclaré Tugdual Derville, porte-parole de l'association Alliance Vita (03/04/2025) lors de son audition à l'Assemblée nationale. Une alarme partagée par le Collectif Démocratie, Éthique et Solidarités (CDES). Ce collectif regroupe des médecins, des juristes, d'anciens ministres, tels Emmanuel Hirsch, professeur émérite d'éthique médicale , membre de l'Académie nationale de médecine, Jean Leonetti, médecin, ancien ministre, auteur de la loi de 2005 sur la fin de vie, ou encore l'ancien ministre de la Santé François Braun (interviewé sur Europe 1 ce 12/04/3025). Dans son premier avis (un document d'une trentaine de pages, en lien ci-dessous), le CDES dénonce «un droit à une mort provoquée» qui interviendrait au terme d'une «procédure anormalement expéditive» basée sur des critères «flous et subjectifs».