Peut-on remplacer Ronaldo ?
Dernier épisode de cette saga : le triplé réussi par Ronaldo qui élimine l’Atletico Madrid, réputé meilleure défense d’Europe, une nouvelle fois terrassée par le phénomène. Car Ronaldo n’en est pas à son coup d’essai : il a participé à cinq des six dernières éliminations de l'Atletico Madrid en Ligue des Champions sous le règne de leur irascible entraîneur, Diego Simeone (finale 2014, quarts 2015, finale 2016, demi 2017 et huitièmes 2019). Et l’humiliation ne s’arrête pas là : en dix ans, Ronaldo, à lui seul, a marqué plus de buts en Ligue des champions (124) que l’Atletico dans toute son histoire (118) ! Il devance actuellement Messi (111) qui, étant plus jeune de 3 ans, a cependant encore quelques années pour l’égaler ou le dépasser.
Les histoires de Ronaldo le Portugais et de Messi l’Argentin sont en réalité deux contes de fées.
- Messi, enfant, avait de lourds problèmes de santé et de croissance, mais le club de Barcelone a été aux petits soins pour lui, permettant ainsi l’éclosion d’un talent vraiment unique, installé maintenant définitivement en Catalogne, où tout s’organise autour de lui. Depuis, il empile les trophées, les records et les statistiques stratosphériques : personne ne marque aussi fréquemment que lui, et personne ne donne autant de passes décisives, comme hier encore (2 buts et 2 passes décisives contre Lyon battu 5-1).
- Ronaldo de son côté était un enfant non désiré, échappant de peu à l’avortement (les médecins ont refusé les demandes de sa mère et toutes les tentatives qu’elle a faites de son côté ont heureusement échoué …). Lui également a fait montre d'un talent tout-à-fait précoce, mais aussi d’un ego surdimensionné qui le conduit à affirmer être « le meilleur joueur du monde » et à afficher une ambition sans mesure. Tout cela le rend aux yeux de beaucoup antipathique, excentrique, arrogant. Mais il a fallu se rendre à l’évidence : c’est un bourreau de travail qui pousse son physique au maximum et qui a un mental d’acier, capable de transcender une équipe à lui tout seul. À 34 ans, il semble sauter encore 50 cm plus haut que les autres, frapper plus fort, courir plus vite : incompréhensible …
Sa carrière a en fait explosé à Manchester United, le club le plus riche du monde, qui gagna avec lui en 2008 cette fameuse Ligue des champions (la « C1 ») et qui, depuis son départ, ne l’a plus jamais gagnée. Par un transfert record, il rejoint alors le Real Madrid en juin 2009, et le Real gagne quatre C1 dans les 5 dernières années. Puis il s’en va en juillet 2018. Du coup, le plus grand club du monde est cette année méconnaissable, et piteusement éliminé de toutes les compétitions dès ce mois de mars !
En équipe nationale, il joue pour le Portugal, qui est parvenu à gagner pour la première fois l’Euro, en 2016 (alors que Messi n’arrive pour l’instant à rien avec l’Argentine).
Ronaldo est maintenant à la Juventus de Turin (la « vieille dame » a cassé sa tirelire sans états d'âme : 350 millions d'euros sur 4 ans !). Et la « Juve », qui n’a plus gagné la C1 depuis trop longtemps, y croit dur comme fer cette année, par la seule présence de « CR7 ». Si c’était effectivement accompli dès cette année et que la victoire le suivait ainsi partout, le triomphe de Ronaldo serait total, bien au-delà de l’écart qu’il creuserait alors avec Messi au palmarès de C1 (6 victoires contre 4) et du sixième ballon d’or qui lui serait promis.
En fait, la question que pose Ronaldo est de savoir si c’est l’équipe qui gagne ou si c’est lui seul.
Est-ce encore un sport collectif ou est-ce que tout dépend d’un individu ? Il est bien évident qu’il ne gagnerait rien en jouant avec Dijon, Caen ou Guingamp. Mais il y a en Europe dix ou vingt équipes de niveau suffisant pour gagner la C1, et il semble qu’on y arrive beaucoup mieux si l'on a réussi à attirer Ronaldo dans son effectif (la question ne se pose pas pour Messi, qui, lui, restera certainement pour toujours à Barcelone).
En feuilletant les pages de son histoire itinérante, on constate que des exploits comme ceux de cette semaine sont en fait monnaie courante ... En 2016 par exemple, le club allemand de Wolfsburg avait déjà gagné 2-0 à l’aller en demi-finale, et le Real était finalement passé en gagnant également 3-0 au retour : triplé de Ronaldo. Ce jour-là, comme bien souvent au cours des dernières années, le Real n’aurait pas gagné sans lui ...
Alors qui est au-dessus ? L’individu, le collectif, l’institution ? Après la finale de C1 en 2018, alors que Ronaldo exprimait ses envies d’ailleurs, Zinedine Zidane préféra jeter l’éponge, expliquant qu’il ne pourrait certainement plus rien gagner dans ce contexte. Quelques mois plus tard, alors que l’absence de Ronaldo a plongé le Real Madrid dans la crise, Zidane vient d’être rappelé pour essayer de rebâtir un cycle victorieux. Dans cette nouvelle donne, on lui offre tous les atouts : il a carte blanche, du temps, de gros moyens, du crédit, du prestige, le soutien de tous, et les meilleurs joueurs devraient vouloir le rejoindre dans son projet. Les planètes semblent bien alignées pour une renaissance du Real Madrid … Mais la question-clé lui a déjà été posée dès sa première interview : comment remplacer Ronaldo ?