Économie

Le jour où les Français travaillent enfin pour eux-mêmes

Par Raphaël Lepilleur. Synthèse n°2382, Publiée le 25/01/2025 - Crédits Photo : Shutterstock
En France, pour le contribuable moyen, l'année ne commence pas vraiment le 1ᵉʳ janvier sur le plan financier. Une grande partie de ses revenus est d'abord absorbée par l'État à travers les cotisations sociales, les impôts directs et indirects. Selon une étude de l'Institut économique Molinari, ce n'est qu'à partir du 17 juillet qu'il commence réellement à travailler pour lui-même. Ce « jour de libération fiscale » symbolise ainsi le poids des prélèvements obligatoires dans le pays.

Le jour de libération fiscale est un indicateur symbolique qui mesure le temps qu'un salarié consacre chaque année au paiement des charges sociales, impôts et taxes avant de pouvoir profiter librement de son revenu. Ce calcul repose sur le « salaire complet » ou « super brut », qui inclut le salaire brut, les cotisations patronales et les taxes indirectes comme la TVA. En 2024, pour 100 euros de pouvoir d'achat réel, un employeur français déboursait 218 euros. Ce différentiel reflète un taux de pression fiscale réel de 54 %, positionnant la France au sommet des pays européens les plus fiscalisés.

Beaucoup de citoyens se concentrent sur l'impôt sur le revenu ou sur l'impôt sur les sociétés, alors qu'ils ne représentent qu'une petite part de leur contribution. En réalité, les cotisations sociales et la TVA constituent la majeure partie des prélèvements. Les fiches de paie distinguent les cotisations « salariales » et « patronales », ce qui peut donner l'impression que les employeurs supportent seuls une part importante des charges sociales. En réalité, ces cotisations sont financées par la richesse générée conjointement par l'employeur et le salarié. Dans ce cadre, l'employeur intègre les charges patronales dans le coût total du poste, appelé salaire « chargé » (salaire brut + charges patronales), un élément que les salariés méconnaissent souvent. Cette méconnaissance peut masquer le poids total des prélèvements sociaux sur le coût du travail.

En parallèle, la TVA, prélevée sur chaque achat, constitue une part essentielle des recettes publiques. Bien que peu visible au quotidien, elle impacte directement le pouvoir d'achat de tous les consommateurs, quels que soient leurs revenus, en augmentant le coût final des biens et services. En 2024, elle représentait environ 37,8 % des recettes fiscales brutes (source INSEE).

La France détient une fiscalité record en Europe. Des pays comme Chypre, Malte, le Royaume-Uni, et plusieurs États d'Europe de l'Est, comme la Bulgarie et l'Estonie, affichent des jours de libération fiscale bien plus précoces. Ils se distinguent par des politiques fiscales et sociales radicalement différentes de celles de la France. Par exemple, Chypre et Malte disposent de régimes fiscaux attractifs, souvent perçus comme favorables aux entreprises et aux travailleurs. Leur système repose sur des cotisations sociales faibles et des impôts sur le revenu peu progressifs, ce qui réduit la charge fiscale directe sur les salariés.

Après le Brexit, le Royaume-Uni a réduit certaines taxes pour rester compétitif, tout en maintenant un système de protection sociale historiquement moins étendu que celui de la France. Pour combler cet écart, les Britanniques s'appuient largement sur des mécanismes privés, tels que les retraites par capitalisation ou les assurances santé, qui prennent le relais des prestations publiques plus limitées. Si ce modèle favorise la compétitivité, il peut également creuser les inégalités sociales.

Cependant, une pression fiscale plus faible ne signifie pas nécessairement un moindre bien-être collectif. Des pays comme l'Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas ou encore la Suède montrent qu'il est possible de concilier une fiscalité modérée avec des modèles sociaux performants. Ces exemples illustrent qu'un équilibre est atteignable entre prélèvements réduits et qualité de vie.

Le salarié moyen français dispose d'un revenu net bien inférieur à celui de nombreux pays voisins, alors même que le coût total de l'emploi pour l'employeur (salaire brut + charges patronales) est comparable. Par exemple, en France, malgré un coût employeur proche de celui constaté en Finlande ou en Suède, un travailleur perçoit un salaire net inférieur de 22 % par rapport à son homologue finlandais et de 15 % par rapport à un Suédois.

Cette fiscalité élevée freine les embauches, particulièrement pour les emplois peu qualifiés, et limite les augmentations salariales. Elle pousse également certaines entreprises à délocaliser leurs activités ou à recruter à l'étranger, notamment dans les zones frontalières, où des milliers de travailleurs choisissent chaque jour d'exercer hors de France pour profiter d'un environnement fiscal plus favorable.

Le concept de jour de libération fiscale pose question, pourtant, quant à sa représentativité réelle. Avec un salaire moyen brut estimé à environ 3 466 euros par mois (soit un salaire net de 2 900 euros), le salarié type utilisé dans cette étude peut sembler éloigné de la réalité d'une grande partie des Français. Près de 20 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et de nombreux Français perçoivent des revenus bien inférieurs au salaire moyen.

Ces écarts rendent le concept abstrait pour ceux qui gagnent entre 1 500 et 2 000 euros nets par mois, et qui sont soumis à un impôt sur le revenu moins important. Les ménages à faible revenu sont en revanche plus impactés par la TVA dans la mesure où ils en dépensent une part plus importante de leurs ressources dans la consommation, là où les plus aisés épargnent davantage.

La sélection
La pression sociale et fiscale réelle du salarié moyen au sein de l’UE en 2024 
Lire le rapport de l'Institut Molinari
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