Société
Des tensions chez les francs-maçons ?
A gauche du ring : Marlène Schiappa, la nouvelle secrétaire d'État à l'Égalité femme-homme qui brille déjà par un sectarisme certain. A droite : Françoise Laborde, ex journaliste de France 2, parrain de l’association refuge, mais aussi en pointe sur la défense des chrétiens d’Orient.
Sauf que leur ring est… Twitter, un réseau social où tous les échanges sont publics, et que le sujet de leurs échanges, une empoignade publique sur la laïcité et le féminisme, a rapidement tourné à l’explication de texte entre « soeurs », entre deux personnalités manifestement francs-maçonnes.
Le profane ne verra dans ce dialogue un peu abscons qu'une certaine tendance à l'emphase ou à l'humour : qu'il s'agisse du « J'ai dit ! » qui clôt la première réponse de Françoise Laborde, ou des généralités suivantes sur la « force », la « vigueur », la « sagesse », la « beauté », etc. Mais l'initié, lui, interprètera un peu différemment ce dialogue. Car les mots utilisés dans cette conversation sont des mots rituels du premier degré (apprenti) de la franc-maçonnerie, communs à au moins deux des rites les plus pratiqués en France : le Rite écossais ancien accepté (REAA) et le Rite français (RF). « J'ai dit » est en effet la phrase rituelle par laquelle un franc-maçon conclut une planche, c'est-à-dire un court exposé sur un sujet donné dans le cadre d'une « tenue » (réunion réservée aux maçons). Quand Cincinnatus renchérit en disant : « Il faut continuer le combat de l'universalité avec force et vigueur », il utilise là aussi une formule rituelle commune à plusieurs rites : quand la réunion maçonnique a été interrompue et qu'elle reprend, le Vénérable Maître (le président) dit : « Les travaux reprennent force et vigueur ». Ce à quoi Françoise Laborde réplique : « Surtout pour qui sait épeler ! » Là encore, l'allusion au rituel est transparente : le catéchisme du grade d'apprenti du REAA, par exemple, définit le franc-maçon comme celui qui « ne sait ni lire ni écrire et ne sait qu'épeler ». Ce disant, Françoise Laborde dit clairement qu'elle considère, à tort où à raison, Marlène Schiappa comme l'une de ses sœurs en maçonnerie.
Traduit en français commun, ce dialogue ressemble donc à un recadrage en règle d'une franc-maçonne par une autre. Mais le fait de le faire en public est contraire au serment fait par tout maçon au jour de son initiation de ne jamais dévoiler l'appartenance d'un autre franc-maçon. Une telle entorse publique à l'étiquette maçonnique est révélatrice des tensions qui agitent la franc-maçonnerie dite « adogmatique », celle qui, du Grand Orient de France à la Grande Loge féminine de France en passant par la Grande Loge de France, se préoccupe de sujets sociétaux. Parce qu'il touche à deux sujets fondamentaux pour la gauche – la laïcité et le féminisme –, le sujet est explosif dans tous les organisations se réclamant du progressisme. Et si les débats autour de la laïcité devaient rouvrir dans un avenir proche, les francs-maçons – comme les autres catégories philosophiques et religieuses de France – ne parleront pas d'une seule voix.
Sauf que leur ring est… Twitter, un réseau social où tous les échanges sont publics, et que le sujet de leurs échanges, une empoignade publique sur la laïcité et le féminisme, a rapidement tourné à l’explication de texte entre « soeurs », entre deux personnalités manifestement francs-maçonnes.
Le profane ne verra dans ce dialogue un peu abscons qu'une certaine tendance à l'emphase ou à l'humour : qu'il s'agisse du « J'ai dit ! » qui clôt la première réponse de Françoise Laborde, ou des généralités suivantes sur la « force », la « vigueur », la « sagesse », la « beauté », etc. Mais l'initié, lui, interprètera un peu différemment ce dialogue. Car les mots utilisés dans cette conversation sont des mots rituels du premier degré (apprenti) de la franc-maçonnerie, communs à au moins deux des rites les plus pratiqués en France : le Rite écossais ancien accepté (REAA) et le Rite français (RF). « J'ai dit » est en effet la phrase rituelle par laquelle un franc-maçon conclut une planche, c'est-à-dire un court exposé sur un sujet donné dans le cadre d'une « tenue » (réunion réservée aux maçons). Quand Cincinnatus renchérit en disant : « Il faut continuer le combat de l'universalité avec force et vigueur », il utilise là aussi une formule rituelle commune à plusieurs rites : quand la réunion maçonnique a été interrompue et qu'elle reprend, le Vénérable Maître (le président) dit : « Les travaux reprennent force et vigueur ». Ce à quoi Françoise Laborde réplique : « Surtout pour qui sait épeler ! » Là encore, l'allusion au rituel est transparente : le catéchisme du grade d'apprenti du REAA, par exemple, définit le franc-maçon comme celui qui « ne sait ni lire ni écrire et ne sait qu'épeler ». Ce disant, Françoise Laborde dit clairement qu'elle considère, à tort où à raison, Marlène Schiappa comme l'une de ses sœurs en maçonnerie.
Traduit en français commun, ce dialogue ressemble donc à un recadrage en règle d'une franc-maçonne par une autre. Mais le fait de le faire en public est contraire au serment fait par tout maçon au jour de son initiation de ne jamais dévoiler l'appartenance d'un autre franc-maçon. Une telle entorse publique à l'étiquette maçonnique est révélatrice des tensions qui agitent la franc-maçonnerie dite « adogmatique », celle qui, du Grand Orient de France à la Grande Loge féminine de France en passant par la Grande Loge de France, se préoccupe de sujets sociétaux. Parce qu'il touche à deux sujets fondamentaux pour la gauche – la laïcité et le féminisme –, le sujet est explosif dans tous les organisations se réclamant du progressisme. Et si les débats autour de la laïcité devaient rouvrir dans un avenir proche, les francs-maçons – comme les autres catégories philosophiques et religieuses de France – ne parleront pas d'une seule voix.