Économie

Derrière l'explosion de la dette américaine : des choix politiques, des crises et des guerres

Par Louise de Maisonneuve. Synthèse n°2436, Publiée le 28/03/2025 - Crédits photo : Shutterstock
La baisse des impôts, les conflits internationaux et les crises économiques et sanitaires ont propulsé la dette des États-Unis à plus de 36 220 milliards de dollars. Un montant colossal, en constante augmentation. D'où la nomination d'Elon Musk pour tenter de la réduire. Cependant, le pays semble conserver la confiance des marchés internationaux.

Le 26 février, lors d'une réunion à la Maison-Blanche, Elon Musk a averti : « Les intérêts de la dette nationale dépassent désormais les dépenses du département de la Défense ». Ces intérêts s'élèvent en 2025 à près de 900 milliards de dollars, selon le Bureau du budget du Congrès américain (CBO). « Si cela continue, le pays va faire faillite. » Pour y remédier, le milliardaire a été nommé à la tête du DOGE (Département of Government Efficiency) afin de réduire la colossale dette américaine.

La dette des États-Unis atteint 36 220 milliards de dollars en 2025. Comment sont-ils devenus le pays le plus endetté au monde en termes de dette totale ? Décryptage.

En préambule, il faut rappeler une spécificité américaine : une part non négligeable de la dette des États-Unis est détenue par le gouvernement lui-même (environ 20%). Ainsi, ce dernier se paie des intérêts à lui-même sur cette part, comme l'explique Barry Eichengreen. C'est en partie pourquoi les analystes ne prévoient pas de spirale incontrôlable.

Pour comprendre l'ampleur actuelle de la dette, il est essentiel de revenir sur son évolution au fil du temps. La dette américaine n'est pas un phénomène récent, selon les données du département du Trésor américain. Elle a explosé de 4 000% pendant la guerre de Sécession, passant de 65 millions en 1860 à près de 3 milliards en 1865. Elle a continué d'augmenter au 20e siècle, atteignant environ 22 milliards de dollars après la Première Guerre mondiale. Elle était de 53,33% du PIB en 1960 et 59,46% du PIB en 2000. Aujourd'hui, elle s'élève à 123% du PIB. Cette évolution s'explique par plusieurs facteurs. « Une partie de la dette est définitivement liée à des choix politiques, comme dans le cas des réductions d'impôts. Une autre partie est réactive : nous avons eu une pandémie, nous avons eu une crise financière, et le gouvernement va prendre une position et intervenir », a déclaré David Thomson, directeur du programme d'histoire de l'Université Sacred Heart, rapporte ABC News.

Les choix politiques concernent en partie les réductions d'impôts effectuées sous Ronald Reagan et George W. Bush. Certains soulignent aussi les mesures visant à élargir l'État providence adoptées sous les présidences Obama et Biden. Toujours est-il que les États-Unis dépensent largement plus qu'ils ne perçoivent. Par exemple, sur l'année fiscale 2025, le Gouvernement a collecté 1 600 milliards de dollars, mais en a dépensé 2 440 milliards.

À cela s'ajoutent des coûts liés à la défense des États-Unis. C'est en ce sens que Donald Trump a qualifié de « terrible erreur » les guerres en Irak (2003) et en Afghanistan (2001-2021), qui ont exacerbé le déficit budgétaire. Quant à la guerre en Ukraine, les États-Unis ont donné, en trois années de guerre, 114 milliards d'euros à l'Ukraine, soit 0,53% de son PIB. Les guerres ont coûté cher à l'Amérique et ce n'est pas pour rien que Donald Trump essaye de négocier un accord de cessez-le-feu avec la Russie.

Enfin, la crise financière de 2008 et le Covid-19 ont donné un coup de fouet supplémentaire, avec des mesures de relance massives. Ainsi, de 2019 à 2021, les dépenses ont augmenté d'environ 50%. La Réserve Fédérale a ainsi mis en place la politique de l'assouplissement quantitatif (QE) pour faire face à ces crises. Cela consiste à injecter des milliards de dollars dans l'économie, facilitant l'accès au crédit pour les ménages, les entreprises et l'État, en faisant baisser les taux d'intérêt. Les actifs de la Fed ont explosé, presque multipliés par dix. En parallèle, la dette publique est montée en flèche, parce que l'État a emprunté de plus en plus. Elle est passée d'environ 14 460 milliards de dollars en 2008 à plus de 36 000 milliards aujourd'hui.

Par ailleurs, la dette est abyssale, car les États-Unis n'ont pas été contraints de la réduire. Ceci est lié à la confiance internationale dans leur capacité à rembourser. En raison de la stature du dollar américain, considéré commune valeur refuge, de nombreux pays, principalement la Chine et le Japon, continuent d'acheter des bons du Trésor américain. Ceci permet au gouvernement de financer son déficit. Mais cette confiance s'érode. La fin du pétrodollar en juin 2024, la montée des BRICS, l'essor du yuan et l'arrêt du financement de la guerre en Ukraine notamment, ont fragilisé la position du dollar, désormais en déclin.

De fait, les perspectives ne sont pas optimistes : la dette devrait continuer à augmenter dans les années à venir selon les projections du CBO. L'une des raisons principales est la démographie américaine. En 2020, 17% de la population avait plus de 65 ans. En 2040, elle devrait passer à 21%. Ceci entraîne une hausse des dépenses de santé, notamment les coûts liés à Medicare et Medicaide, qui devraient atteindre 8,3% du PIB dans les années 2050 (contre 5,6% aujourd'hui).

Le paiement des intérêts devient une charge de plus en plus écrasante. En 2024, les intérêts de la dette nationale (881 milliards de dollars selon le CBO) dépassent le budget de la défense (855 milliards de dollars), et ils devraient augmenter considérablement dans les années à venir. Les charges d'intérêts sur la dette passeront selon les projections de 3,2% du PIB en 2025 à 4,1% en 2035.

Alors que le plafond de la dette a été atteint en janvier dernier, Musk a affirmé être « confiant à ce stade » de pouvoir trouver 1 000 milliards de dollars d'économies, précisant que le DOGE est « vraiment une fonction de soutien » pour réduire « la fraude et le gaspillage ». Reste à savoir si ces coupes suffiront face au déclin du dollar.

La sélection
Elon Musk takes aim at national debt, warns of 'de facto bankruptcy' without DOGE : ' $2 trillion in deficits'
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