Sciences

L'entrée fracassante de la Chine dans la course à l'intelligence artificielle (IA)

Par Ludovic Lavaucelle. Synthèse n°2396, Publiée le 11/02/2025 - Photo : Logo de DeepSeek et son PDG, Liang Wenfeng. Crédits : Shutterstock
Les progrès vertigineux de l'intelligence artificielle transforment le monde. D'ici la fin des années 2020, de nouveaux modèles surpasseront les experts humains les plus qualifiés. Dans cette course technologique, la Chine est entrée en force avec DeepSeek, une IA open-source, utilisable sans connexion à Internet et réputée moins coûteuse que ses concurrentes américaines…

Les progrès de l'IA suivent une courbe exponentielle : les experts s'accordent pour dire qu'à la fin de la décennie 2020, une « super intelligence artificielle » sera capable de résoudre les problèmes plus efficacement que les être humains. OpenAI, un des pionniers et fondateur de ChatGPT, est sur le point de lancer son nouveau modèle « o3 » de transformateur génératif. La version « o1 » n'est sortie qu'en septembre 2024 et elle affiche un score de 120 sur un test QI ce qui signifie qu'elle est plus « intelligente » que 9 humains sur 10 pour résoudre un problème. Soumise à un examen « GPQA » (dédié aux doctorants américains en sciences), « o3 » obtient un score de 88 % de réponses correctes. Les doctorants obtiennent 34 % en moyenne et 81 % quand ils sont confrontés à des questions relatives à leur spécialité. Il y a les enthousiastes, comme Sam Altman (fondateur d'OpenAI) et les inquiets, comme Elon  Musk qui réclame de réglementer le secteur. A la Silicon Valley, au cœur de la Californie, ces avancées extraordinaires promettaient aux États-Unis de rester aux manettes de l'innovation.

Promettaient… Car les Chinois viennent de bouleverser cette course technologique avec l'entrée fracassante de DeepSeek ! Elle a créé la panique à Wall Street en faisant perdre des centaines de millions de dollars aux grandes firmes américaines impliquées (le fabricant de puces électroniques Nvidia en premier lieu). Non seulement cette petite société, une centaine d'ingénieurs, a sorti un outil tout à fait efficace mais elle a aussi   et surtout  remis en cause le modèle privilégié par ses concurrents américains. Car l'outil R1 de DeepSeek a été  selon les Chinois  beaucoup moins cher à développer. On a assisté à un moment « Spoutnik », une sidération aux États-Unis comparable à celle ressentie quand les Soviétiques avaient gagné la course à l'espace en 1957. Washington se croyait à l'abris après avoir interdit aux fabricants de puces avancées de vendre leurs produits aux Chinois. Ce blocus technologique a obligé ces derniers à chercher de nouveaux modèles hors des routes tracées dans la Silicon Valley. Les Chinois ont la réputation d'être de bons copieurs mais on voit aujourd'hui qu'ils savent innover brillamment dans la « hi-tech ». Car la stratégie de DeepSeek est radicalement différente : l'outil « R1 » est « open source », c'est-à-dire qu'il est en accès libre laissant la possibilité de copier ses lignes de code. Les ingénieurs chinois pensent que cette approche est plus efficace car elle encourage la collaboration tout en rendant leur outil populaire.

Une révolution dans la révolution car DeepSeek permet de dépasser les limites techniques auxquelles ses concurrents américains sont confrontés. Une fois l'outil « entraîné »  c'est-à-dire disposant de suffisamment de données (y compris l'imposition de tabous politiques comme le massacre de Tian'anmen)    il ne nécessite pas une puissance importante pour le faire tourner. Au cœur de DeepSeek, est le principe de « l'inférence » : la capacité à tirer une conclusion sur la base de données nouvelles sans référence à des solutions déjà enregistrées. Cela nécessite des puces moins coûteuses car moins avancées. À l'inverse, les modèles américains reposent sur des centres de traitement de données imposants, bourrés de serveurs et nécessitant une énorme quantité d'énergie. Au point où Microsoft a annoncé sa volonté de produire de l'énergie nucléaire pour subvenir à ses besoins. C'est une contrainte majeure qui pose aussi un défi écologique. Un cas typique aujourd'hui : un prestataire ayant développé un outil d'IA vend ses services à une société qui veut utiliser la technologie pour interagir avec ses propres clients (par un chatbot). Dans cet écosystème, la société cliente paie des frais de connexion. DeepSeek sait fonctionner hors connexion !

Les experts américains cherchent frénétiquement à copier ce modèle : développer des outils en « open source ». Car l'intrusion de DeepSeek est la pointe d'une offensive chinoise dans les nouvelles technologies. Cette course entre Chinois et Américains ne peut qu'accélérer l'invasion de l'IA dans notre vie de tous les jours. Si la Chine est confrontée au grave défi de son déclin démographique, aujourd'hui près de 60 % des jeunes accèdent à des études universitaires. Et presqu'un tiers d'entre eux se dirigent vers les technologies contre à peine 3 % il y a 25 ans. Aux États-Unis, on observe une tendance inverse (voir l'article d'UnHerd) : c'est la finance qui domine et attire les meilleurs talents. La désindustrialisation y est massive depuis 25 ans et la spéculation a largement pris le pas sur l'économie réelle. 77 % des revenus de Google sont générés par la publicité, 98 % chez Meta (Facebook) ! Un autre géant des GAFAM : 71 % des revenus d'Amazon sont issus de la vente de produits … chinois.

La France accueille un sommet sur l'IA les 10 et 11 février 2025 ce qui démontre une prise de conscience. On notera que les partenaires principaux sont les Émirats Arabes Unis et l'Inde, plutôt que les voisins de l'U.E. Un plan d'investissement de 109 milliards d'euros est annoncé (contre les 500 milliards de dollars du plan Stargate américain).

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China’s unstoppable STEM army
Lire l'article sur : UnHerd
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