Sciences

2025 : l'odyssée de l'espace s'accélère

Par Ludovic Lavaucelle. Synthèse n°2402, Publiée le 18/02/2025 - Crédits illustration : Shutterstock
Une nouvelle ère spatiale a débuté avec le lancement de fusées réutilisables. SpaceX (Elon Musk) et Blue Origin (Jeff Bezos) sont en première ligne dans une course aux étoiles. Leurs projets concurrents sont bien différents et puisent dans la tradition de l'exploration spatiale. Coloniser Mars pour SpaceX et construire des mondes artificiels dans l'espace pour Blue Origin...

Le 16 janvier 2025 est une date historique : deux fusées concurrentes se sont élancées. La fusée Starship de SpaceX (Elon Musk) pour son septième vol d'essai a suivi New Glenn, de la société Blue Origin (Jeff Bezos) qui effectuait son test inaugural… Ces deux lancements ont été des échecs partiels : du côté Starship, le premier étage du lanceur a été récupéré avec succès quand l'étage supérieur a explosé. Pour New Glenn, le lanceur s'est désintégré en rentrant dans l'atmosphère terrestre alors qu'un navire devait lui servir de base retour. Les deux milliardaires ont engagé une course vers les étoiles et les leçons apprises de ces échecs ne laissent pas de doute sur le fait que des vols couronnés de succès vont suivre. Car l'argent ne manque pas et les deux richissimes entrepreneurs ont franchi une étape décisive avec le concept de fusées réutilisables qui transforme tout l'écosystème de l'exploration spatiale…

Parler de « course » n'est pas exact, souligne l'article de Quillette. Car les projets sont bien différents. L'ambition d'Elon Musk est claire : il veut coloniser Mars. Les fusées de plus en plus massives de SpaceX vont permettre l'envoi de matériel lourd sur cette planète. Projet soutenu de manière officielle par Donald Trump. Son rival Jeff Bezos a une vision différente. Son projet : aménager de nouveaux mondes artificiels dans l'espace. Ces stations spatiales géantes ne sortent pas de son cerveau : il reprend un concept développé dans les années 1970 par le professeur Gerard O'Neill de Princeton aux États-Unis. Il s'agit de construire des habitats dans l'espace à des points de gravitation stable appelés Points de Lagrange (célèbre mathématicien français). Le principe scientifique est complexe, mais la découverte de Lagrange (qui a suivi la découverte de la force gravitationnelle de Newton) consiste en l'idée suivante : il existe des points dans l'espace où les forces gravitationnelles d'astres ou de planètes se neutralisent. Par exemple, entre la Terre et la Lune. Une station construite là pourrait effectuer une rotation de sorte que la force centrifuge simule la gravitation pour les habitants de la station. L'avantage selon O'Neill (alors que la NASA réfléchissait aux options devant suivre l'exploration de la Lune) : l'espace disponible dans de telles stations serait bien supérieur aux habitats aménagés sur des planètes très hostiles à la vie humaine. Il a publié un livre expliquant son projet en 1976 : « The high frontier : Human colonies in space ». Célèbre à l'époque, il est tombé dans l'oubli avec la crise profonde qu'a connue son pays et le fort rabotage des budgets de la NASA. Et le Space Shuttle, la navette au centre des projets de la NASA, allait rapidement décevoir quant à sa capacité à multiplier les lancements…

On devrait plutôt parler de planète artificielle : O'Neill envisageait son plus gros projet « d'île spatiale » comme un cylindre faisant 8 kms de diamètre et 32 kms de longueur ! Cela parait fou mais il faut prendre en compte la révolution permise par les sociétés privées à l'avant-garde de l'exploration spatiale. En 2024, SpaceX a lancé plus de fusées en une année que le Space Shuttle de la NASA pendant ses 30 années d'opération. Et pour des coûts d'opération bien plus faibles… L'épineuse question reste de savoir comment transporter de telles masses dans l'espace. O'Neill avait travaillé  pour la NASA  sur le creusement d'une mine lunaire. Envoyer du régolithe lunaire est plus facile grâce à la faible gravité. Avec ses étudiants, il avait même testé des prototypes miniaturisés du système de lancement lunaire en laboratoire.

Mars ou planète artificielle ? Les projets sont décidément bien différents. La colonisation martienne est plus facile à envisager : une fois des astronautes sur place, ils peuvent commencer la construction d'une base. Mais le voyage prend près de 6 mois et les fenêtres de lancement sont éloignées de 26 mois. Une planète artificielle entre la Terre et la Lune requiert un investissement de départ autrement plus lourd, mais plus exploitable : les voyages ne prendraient que quelques jours contrairement aux mois requis pour aller sur Mars, une odyssée dépendante de son alignement avec la Terre qui plus est… Les supporters d'O'Neill croyaient mordicus que le projet d'ouverture d'une mine sur la Lune était faisable dès 1989 (avec le slogan « Lune Mine by ‘89 ») avant l'inauguration d'une station géante au point L5 entre la Terre et la Lune en 1995 (« L5 by ‘95 ! »). Dans la lancée de l'exploration lunaire, le présupposé était que la navette Shuttle ferait une cinquantaine de voyages par an avec un coût d'exploitation comparable au Falcon 9 de SpaceX aujourd'hui…

Les héritiers d'O'Neill ont créé la National Space Society. Ils suivent avec enthousiasme le projet de Blue Origin de construire une « autoroute vers l'espace » menant in fine à une station gigantesque. Jeff Bezos n'a pas fixé de calendrier et prévient que c'est un projet de longue haleine  à l'image de l'édification des cathédrales. Pour Elon Musk, il s'agit d'une distraction : la priorité est d'arriver sur Mars le plus vite possible. Une chose est certaine : la course spatiale s'accélère !

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A home on the high frontier
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