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Le Rwanda, un allié des Occidentaux désormais sous le feu des critiques

Par Max George. Synthèse n°2392, Publiée le 06/02/2025 - Photo : Membres de la milice M23 après la prise de la ville de Goma.. Crédits : Tony Karumba / AFP
La guerre a de nouveau éclaté en République démocratique du Congo, avec la prise de Goma par les rebelles du groupe M23, assisté par le Rwanda, le mois dernier. Longtemps considéré comme un modèle de stabilité politique et de prospérité économique, la République rwandaise est désormais sous le feu des critiques.

Le 31 janvier, le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Noël Barrot s'est rendu en urgence à Kinshasa, trois jours après la capture de la ville congolaise de Goma, par les troupes rebelles M23. Le 3 février, un nouveau cessez-le-feu y était décrété, pour être violé le 5 février. Selon plusieurs sources, dont l'ONU, le Rwanda soutient activement cette milice : environ 4 000 troupes rwandaises seraient présentes sur le sol congolais autour de Goma, la principale ville frontalière avec le Rwanda. Malgré les nombreuses preuves de la présence de ses troupes sur le sol congolais, le président rwandais, Paul Kagame, demeure dans le déni. Selon lui, les troupes M23 ne font que défendre les droits des Tutsis dans la région de Goma, ethnie dont il est par ailleurs originaire. Le 27 janvier, le nouveau secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a condamné l'opération des M23 lors d'un appel avec le président congolais, Félix Tshisekedi. Depuis la reprise du conflit en janvier, deux à trois mille personnes seraient mortes, selon le gouvernement congolais et des centaines de milliers de personnes auraient été déplacées.

Les opérations de déstabilisation de la région de Goma par le Rwanda, remontent au milieu des années 1990. Ces opérations avaient déjà été condamnées par l'UE et les États-Unis en 2012, sans que cela ne modifie la politique de Paul Kagame, qui dirige le Rwanda depuis l'année 2000. Depuis plusieurs années, les pays occidentaux sont un allié clé du Rwanda, dont les sols riches en matières rares, sont particulièrement convoités par les entreprises américaines et européennes. En février 2024, l'UE a d'ailleurs signé un accord avec le Rwanda pour l'extraction des matières rares sur son sol. La région des Grands Lacs possède, dans son sous-sol, 50 % des réserves mondiales de tantale, extraite du coltan, qui est utilisé notamment dans les téléphones et les PC. Cette composante est présente en grande quantité dans la région de Goma et fait par ailleurs l'objet d'un trafic qui permet aux M23 de financer leurs opérations militaires. D'autres ressources, comme l'or, l'aluminium et le tungstène, un conducteur électronique, sont aussi très abondantes dans la région. Mais, selon des experts de l'ONU, le Rwanda vendrait en réalité des ressources issues non pas de son sol, mais de la RDC, encore bien plus riche en terres rares que son voisin : environ 120 tonnes de coltan congolais prendraient la route du Rwanda chaque mois et rapporterait 772 000 euros mensuels aux M23. Il s'agit aussi d'une accusation de Félix Tshisekedi, qui a vivement contesté l'accord commercial entre l'UE et le Rwanda, en annulant tous ses rendez-vous à la Commission européenne lors de sa dernière visite à Bruxelles en février 2024. Le président de la RDC a par ailleurs poursuivi le géant mondial Apple en décembre pour le même motif. Après l'intensification des combats en janvier, Apple a annoncé suspendre l'extraction de terres rares dans la région.

La région de Goma, connaît des violences au moins depuis le génocide rwandais de 1994, où 800 000 et 1 million de Tutsi ont été assassinés par des combattants Hutus. Pendant cette période, Goma était le principal lieu de transition des armes pour les Forces armées rwandaises hutu, les FAR. Jusqu'en 2003, la ville et sa région étaient la cible de violences continues entre les troupes congolaises et le Rassemblement congolais pour la démocratie, une milice financée par le Rwanda. La guerre des minéraux et la guerre ethnique expliquent en grande partie ces violences. Depuis, la situation politique et militaire ne s'est jamais stabilisée. En 2012, les M23 prenaient Goma pour la première fois, avant qu'elle ne soit reprise par l'armée de la RDC. Barack Obama avait alors demandé à Paul Kagame de suspendre son soutien aux rebelles et avait alors suspendu l'aide humanitaire pour le Rwanda, aux côtés de l'Allemagne et de l'UE, forçant Paul Kagamé à se retirer temporairement de la région.

Le Rwanda est un important bénéficiaire d'aide humanitaire. En 2021, cet État de quatorze millions d'habitants a bénéficié de 1,3 milliards d'euros d'aide et de sommes semblables en 2019 et 2020. Grâce à cette aide et à sa stabilité politique, le pays a connu une croissance proche de 8 % en 2024, un niveau équivalent à celui de son voisin, la RDC, peuplé de 102 millions d'habitants et qui reçoit plus du double en aide humanitaire. Par ailleurs, le Rwanda a reçu 842 millions d'euros du Royaume-Uni entre 2022 et 2024 dans le cadre du Rwanda Plan. Celui-ci prévoyait l'envoi de plusieurs milliers de migrants illégaux du Royaume-Uni vers le Rwanda, d'où ils pourraient déposer leur demande d'asile pour le Royaume-Uni. Ce projet n'a finalement pas vu le jour et après son abrogation l'an dernier par le Premier ministre travailliste, Sir Keir Starmer, le Rwanda a pu garder les sommes allouées par le gouvernement britannique.

Désormais, la France cherche à condamner le Rwanda pour son soutien aux M23, via le vote d'une résolution à l'ONU. L'une des conséquences d'un tel vote pourrait être une nouvelle suspension de l'aide humanitaire au Rwanda.

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Lire l'article sur le site du New York Times
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1 commentaire
François
Le 08/02/2025 à 21:18
Pour rappel, la ville de Goma faisait partie des frontières historiques du Rwanda avant que les frontières du pays ne soient révisées arbitrairement lors de la conférence de Berlin (1884-1885). Ceci explique la présence de populations ethniquement et culturellement rwandaises (les Banyamurenge) de ce côté de la frontière au contact des autres ethnies congolaises. En outre, un positionnement de la France contre le Rwanda ne fera qu'empirer les relations avec ce dernier et fragiliser la position de la langue française dans le pays (si tant est que ces deux points puissent s'améliorer).
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