Économie

Guerre commerciale : les antécédents historiques de la hausse des droits de douane

Par Peter Bannister. Synthèse n°2395, Publiée le 10/02/2025 - Illustration : Le Président américain William McKinley (1897-1901) derrière un rocher marqué "tarif douanier". Crédits : Ann Ronan Picture Library / Photo12 via AFP
Partisan déclaré des taxes douanières utilisées comme une arme économique et politique, Donald Trump fait revivre la perspective d'une guerre commerciale internationale. Voici un bref retour sur l'histoire des droits de douane aux États-Unis et les raisons pour lesquelles beaucoup d'économistes américains pensent que les rehausser est une mauvaise idée.

Dimanche, dans l'avion qui l'emmenait à la finale du SuperBowl en Louisiane, le président Donald Trump a affirmé qu'il allait imposer des droits de douane de 25 % sur toutes les importations d'acier et d'aluminium, quelque soit le pays d'origine. Peu avant, il prévoyait une hausse identique pour l'ensemble des produits en provenance du Mexique et du Canada (finalement suspendue). Nous avions commenté également la première passe d'armes à ce sujet entre Donald Trump et le président colombien Gustavo Petro. Comment expliquer donc l'engouement de Trump pour les tarifs douaniers et leur impact potentiel dans le contexte actuel ?

La principale référence historique de Donald Trump est le 25ème président des États-Unis (1897-1901) William McKinley, souvent cité dans ses discours et associé par Trump à l'« âge d'or » de l'Amérique. Considéré comme le « Napoléon de la protection », McKinley militait au Congrès avant son élection à la présidence en faveur des droits de douane pour protéger les producteurs américains contre la concurrence étrangère ; en 1890, il était à l'origine du « McKinley tariff » qui a porté ces droits à 49,5 % sur beaucoup de produits. Trump est convaincu que les USA se sont massivement enrichis grâce à McKinley et qu'il pourrait l'imiter pour rectifier les déficits commerciaux des États-Unis avec ses concurrents. Selon Trump, les recettes engrangées permettraient également de créer des emplois et de réduire les impôts sur le revenu et sur les entreprises.

Ces appels à McKinley laissent pourtant beaucoup de commentateurs perplexes, notamment ceux du Wall Street Journal, devenu la bête noire de Trump à ce sujet. Replaçant l'action de McKinley dans son contexte, les voix critiques soulignent plusieurs objections. D'abord, s'il est vrai que les États-Unis ont atteint un niveau remarquable de prospérité à la fin du XIXe siècle, c'était déjà le cas bien avant les tarifs de McKinley. Ironiquement, une fois président, McKinley devint moins favorable aux droits de douane et finit par préconiser les « accords commerciaux réciproques ». En plus, si les droits de douane, (déjà élevés avant l'action de McKinley en 1890) étaient la première source de financement du gouvernement, il s'agissait d'une période où il n'y avait pas l'impôt sur le revenu (instauré en 1913).

Ce point est crucial pour ceux qui critiquent la tentative de Trump de ressusciter McKinley, dont l'époque est révolue et ne reviendra pas. En 2024, les droits de douane ne représentaient que 1,5 % des revenus du gouvernement américain : depuis la Seconde Guerre mondiale, leur rôle budgétaire est incomparablement plus petit qu'auparavant en raison de la grande expansion de l'État américain, notamment pour financer la sécurité sociale et le secteur militaire. Selon le professeur d'économie Kris James Mitchener, l'affirmation par Trump pendant sa campagne que les tarifs douaniers pourraient remplacer l'impôt sur le revenu est totalement irréaliste. Il faudrait également ajouter que, selon la loi américaine, les taxes douanières sont payées par l'importateur, ce qui signifie que l'argent généré pour le gouvernement ne viendrait pas de l'extérieur mais du secteur privé américain. Beaucoup considèrent les droits de douane comme étant inflationnistes, car ils se traduisent généralement par une hausse des prix, à la fois pour le consommateur mais aussi pour des producteurs nationaux dépendants de matières premières ou de composants étrangers.

40 ans après le McKinley tariff, un autre épisode célèbre a montré comment les droits de douane pouvaient nuire au commerce mondial. En 1929-1930, au début de la Grande Dépression, le gouvernement américain a approuvé le « Smoot-Hawley tariff » pour protéger l'agriculture et les industries locales. Malgré une pétition de 1028 économistes et contre ses propres convictions, le président Herbert Hoover a approuvé cette augmentation des tarifs douaniers industriels de 20 %. L'impact mondial a été dévastateur : beaucoup de pays ont eu recours à des mesures de rétorsion et le commerce international a rétréci de 65 % entre 1929 et 1932. L'effet a été particulièrement sévère pour des pays qui avaient besoin d'exporter aux USA pour rebâtir leurs économies après la Première Guerre mondiale. On peut facilement comprendre pourquoi beaucoup pensent que le Smoot-Hawley tariff a exacerbé la Grande Dépression et contribué à créer les conditions pour l'arrivée au pouvoir de Hitler. En 1934, la politique américaine a changé sous l'impulsion de Franklin D. Roosevelt : le Reciprocal Trade Agreement Act a inauguré la promotion du libre-échange entre les pays.

Cet exemple de l'impact négatif d'une guerre commerciale sert à expliquer l'accueil hostile en dehors des États-Unis des récentes déclarations de Trump au sujet des droits de douane. On craint une dégradation des relations internationales, non seulement au niveau économique, mais aussi diplomatique : la grande nouveauté du déploiement des droits de douane par Trump est qu'il est prêt à les utiliser au nom d'America First pour des raisons sans lien avec le commerce, et cela contre des pays alliés. Si la menace d'imposer des droits de douane contre le Mexique pouvait éventuellement se justifier par le fléau du trafic du Fentanyl, l'action analogue contre le Canada est plus surprenante et a été très mal reçue. L'UE sait déjà à quoi elle peut s'attendre.

La sélection
Why Trump’s Tariff Idol, McKinley, Abandoned His Own Tariff Policy
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