Quelles retombées après la visite de Xi Jinping en France ?
À l'occasion du soixantième anniversaire des relations diplomatiques entre Pékin et Paris, le Président chinois Xi Jinping a effectué du 5 au 8 mai sa troisième visite d'État en France – la précédente remontait à cinq ans. « Les échanges porteront sur les crises internationales (...), les questions commerciales, les coopérations scientifiques, culturelles et sportives ainsi que sur nos actions communes face aux enjeux globaux, notamment l'urgence climatique, la protection de la biodiversité et la situation financière des pays les plus vulnérables » avait annoncé l'Élysée. Quel est le bilan de cette visite ?
« Aucune avancée notable » selon Valérie Niquet, spécialiste de la Chine à la Fondation pour la Recherche Stratégique et auteur de La puissance chinoise en 100 questions (cf. son article dans le JDD du 11 mai). Même avis de Jérémy André, spécialiste de l'Asie au Point (9 mai) « sur les dossiers chauds du moment – l'Ukraine, Gaza, les tensions économiques… » Certes, la France compte pour la Chine depuis la reconnaissance du régime de Mao par le général de Gaulle en 1 964. Mais six décennies ont passé et ce souvenir historique n'a de valeur pour Pékin que s'il continue à servir les intérêts chinois. Du côté français, pas de profit attendu par nos grandes entreprises, celles du luxe étant carrément menacées de rétorsions économiques par le président chinois.
Les effets seront faibles, confirme Le Grand Continent (10 mai, en lien ci-dessous) i.e. la revue éditée par le Groupe d'études géopolitiques (un centre de recherche domicilié à l'École normale supérieure). Pressée par le « ras-le-bol » de dirigeants d'entreprises, la Commission européenne a ouvert une série d'enquêtes visant l'importation de panneaux solaires, d'éoliennes, de matériel médical et de voitures électriques pour que cessent les distorsions de concurrence de la part de Pékin. La Chine a répliqué en janvier par une enquête anti-dumping visant les eaux-de-vie européennes... Grand seigneur, le président chinois aurait accordé... un sursis au cognac français. Pendant la conférence de presse commune, le président français l'a en effet remercié « de son ouverture quant aux mesures provisoires sur le cognac français et son souhait de ne pas les voir appliquer », ce qui n'engage guère le partenaire-adversaire chinois. Emmanuel Macron a insisté sur la volonté européenne d' « un cadre de concurrence loyal, c'est-à-dire des règles réciproques, légitimes », mais Xi Jinping a botté en touche, en affirmant que « le prétendu problème de la surcapacité chinoise n'existe pas ».
S'agissant de la guerre en Ukraine, le secrétaire général du PCC n'a nullement renié l'affirmation d'une « amitié sans limite » entre Pékin et Moscou scellée en février 2022 (amitié qui aura été réaffirmée lors de la visite de Poutine à Pékin les 15 et 16 mai). Au contraire, il s'est fait menaçant en appelant les Européens à ne pas « salir » la Chine à propos de cette guerre. Il s'est contenté de concéder son soutien à Macron sur le principe d'une trêve olympique tout en affirmant« s'abstenir de vendre toute arme » à Moscou. Cette abstention n'empêche nullement la Chine « d'approvisionner l'industrie de la défense russe en (...) produits et équipements destinés à des applications civiles qui sont susceptibles d'être utilisés pour produire des missiles, drones, pièces d'artillerie » relève Le Grand Continent. Le journal s'appuie sur des estimations américaines selon lesquelles « 90 % des composants micro-électroniques importés par la Russie en 2 023 provenaient de Chine ».
L'effet obvie de cette visite de Xi Jinping en Europe, c'est le coin qu'il a enfoncé dans les fissures de l'Union européenne. Le dictateur chinois s'est employé à les faire apparaître en poursuivant son voyage dans deux pays membres de l'Union Européenne en coquetterie avec Bruxelles, la Serbie et la Hongrie, dont les dirigeants ne cachent pas leur proximité avec Moscou malgré l'invasion de l'Ukraine (cf. Sud-Ouest du 9 mai : « En visite historique en Hongrie, Xi Jinping défie l'Union européenne. ») La Chine est le premier investisseur en Hongrie. Le géant de l'automobile chinois BYD y a implanté sa première usine en Europe, et une société chinoise y construit une usine de batteries.
Mais n'oublions pas que l'Allemagne renâcle elle-aussi à réprimer le dumping chinois ! Sous la pression de son industrie automobile de luxe très prisée par les Chinois riches, Berlin s'oppose à l'imposition de droits de douane communautaires sur les véhicules électriques made in China. Le Figaro (5 mai) relève l'absence du chancelier Olaf Scholz pourtant invité à participer à cette rencontre par Emmanuel Macron. En revanche, une Allemande figurait au côté d'Emmanuel Macron : Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne. « Sur le plan économique, la commissaire allemande et le président français sont plus "alignés" que le dirigeant allemand » remarque Le Figaro. « L'Europe n'hésitera pas à prendre des décisions fortes » a déclaré la commissaire. Annonce dictée par la proximité des élections européennes ou réalisme rompant avec des années de naïveté ?