International
Réforme du transport routier : quand l'Est se fait rouler
Il n’y a pas que la question migratoire qui coupe l’Europe en deux. Le transport routier fait aussi partie des dossiers chauds. Depuis trois ans (mai 2017), les pays de Ouest – dont la France et l’Allemagne – s’écharpaient avec neuf pays dont la Roumanie, la Bulgarie, la Hongrie et la Pologne. Objet du litige : le « paquet mobilité ». En l’adoptant mercredi dernier, les eurodéputés font prévaloir les intérêts de l’Ouest et, selon la Roumanie, « enterre » une industrie à l’Est. Un tiers des opérateurs de ces pays vont disparaître sous l'effet cumulé du coronavirus et de ces nouvelles règles. À l'Est, on crie au « protectionnisme », mot que des États comme la Hongrie affectionnent pourtant quand il s’agit d’ériger des clôtures anti-migrants.
Sous couvert d’améliorer les conditions de vie du chauffeur roumain, polonais ou bulgare, le « paquet mobilité » permet d’en finir avec des distorsions de concurrence (ou concurrence déloyale). Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des Transports, peut se réjouir de cette nouvelle législation. Depuis des années, les transporteurs tricolores menacent de passer à l’action et le fait qu’ils obtiennent satisfaction devrait calmer ce secteur dont le pouvoir de nuisance n’est plus à prouver depuis le scandale de l’écotaxe. Avec cette réforme, on peut gager qu’il n’y aura pas de convergence des luttes entre Bonnets rouges et Gilets jaunes à la rentrée.
Sur le fond, que propose le « paquet mobilité » ? Tout simplement de corriger les déséquilibres du marché unique en harmonisant les règles. Un chauffeur ne pourra plus prendre de repos hebdomadaire à bord de sa cabine, y compris sur un parking aménagé. Il sera obligé de retourner dans son pays, toutes les trois ou quatre semaines, foin du surcroît de pollution. S’il est trop loin, son patron devra payer ses frais d'hébergement. Bien sûr, l’argument officiel, c’est « une meilleure qualité de vie et le respect de la dignité des travailleurs ». Un chauffeur ne pourra plus être forcé à passer plusieurs mois d'affilée loin de chez lui en se voyant privé d’un salaire décent et de cotisations sociales. Cela dit, si sa boîte ferme, il se retrouvera privé de tout…
Le retour obligatoire concernera aussi les véhicules, tous les deux mois. L’astuce est trop évidente : il s’agit de lutter contre les « boîtes aux lettres » et le cabotage systématique. La « boîte aux lettres » consiste à s’établir dans un pays sans y avoir d’activité, pour profiter de sa (faible) législation sociale. Le cabotage désigne une opération sur un marché domestique assurée par une entreprise établie dans un autre État-membre. Le « paquet mobilité » imposera une carence de quatre jours entre deux périodes de cabotage. En matière de détachement, les transporteurs de l'Est devront prévoir une rémunération selon les conditions du pays où ils travaillent. De quoi bien faire monter l’addition !
Enfin, avis aux fraudeurs, cette réforme prévoit d’équiper les camions de tachygraphes intelligents capables d’enregistrer les passages de frontière.
En imposant des normes mieux disantes, ce « paquet mobilité » vise à empêcher la mobilité d'une concurrence à bas coût. Ce n'est ni plus ni moins qu'une forme de frontière au sein d'un espace censé en être dépourvu. Malgré ses avancées au plan du droit du travail, cette réforme témoigne de l’équation impossible à résoudre entre deux parties de l’Europe aux écarts de revenus beaucoup trop grands. Une entreprise roumaine ne peut s'offrir le même train de vie que sa concurrente allemande. Pour protéger la plus riche, l'UE s'arrange pour éliminer la plus pauvre.
Sous couvert d’améliorer les conditions de vie du chauffeur roumain, polonais ou bulgare, le « paquet mobilité » permet d’en finir avec des distorsions de concurrence (ou concurrence déloyale). Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des Transports, peut se réjouir de cette nouvelle législation. Depuis des années, les transporteurs tricolores menacent de passer à l’action et le fait qu’ils obtiennent satisfaction devrait calmer ce secteur dont le pouvoir de nuisance n’est plus à prouver depuis le scandale de l’écotaxe. Avec cette réforme, on peut gager qu’il n’y aura pas de convergence des luttes entre Bonnets rouges et Gilets jaunes à la rentrée.
Sur le fond, que propose le « paquet mobilité » ? Tout simplement de corriger les déséquilibres du marché unique en harmonisant les règles. Un chauffeur ne pourra plus prendre de repos hebdomadaire à bord de sa cabine, y compris sur un parking aménagé. Il sera obligé de retourner dans son pays, toutes les trois ou quatre semaines, foin du surcroît de pollution. S’il est trop loin, son patron devra payer ses frais d'hébergement. Bien sûr, l’argument officiel, c’est « une meilleure qualité de vie et le respect de la dignité des travailleurs ». Un chauffeur ne pourra plus être forcé à passer plusieurs mois d'affilée loin de chez lui en se voyant privé d’un salaire décent et de cotisations sociales. Cela dit, si sa boîte ferme, il se retrouvera privé de tout…
Le retour obligatoire concernera aussi les véhicules, tous les deux mois. L’astuce est trop évidente : il s’agit de lutter contre les « boîtes aux lettres » et le cabotage systématique. La « boîte aux lettres » consiste à s’établir dans un pays sans y avoir d’activité, pour profiter de sa (faible) législation sociale. Le cabotage désigne une opération sur un marché domestique assurée par une entreprise établie dans un autre État-membre. Le « paquet mobilité » imposera une carence de quatre jours entre deux périodes de cabotage. En matière de détachement, les transporteurs de l'Est devront prévoir une rémunération selon les conditions du pays où ils travaillent. De quoi bien faire monter l’addition !
Enfin, avis aux fraudeurs, cette réforme prévoit d’équiper les camions de tachygraphes intelligents capables d’enregistrer les passages de frontière.
En imposant des normes mieux disantes, ce « paquet mobilité » vise à empêcher la mobilité d'une concurrence à bas coût. Ce n'est ni plus ni moins qu'une forme de frontière au sein d'un espace censé en être dépourvu. Malgré ses avancées au plan du droit du travail, cette réforme témoigne de l’équation impossible à résoudre entre deux parties de l’Europe aux écarts de revenus beaucoup trop grands. Une entreprise roumaine ne peut s'offrir le même train de vie que sa concurrente allemande. Pour protéger la plus riche, l'UE s'arrange pour éliminer la plus pauvre.