
Le plan de Donald Trump pour Gaza fait consensus en Israël, même chez l'opposition
Les récentes déclarations de Donald Trump proposant que les Américains prennent le contrôle de Gaza et le transforment en « Côte d'Azur du Proche-Orient », ont créé une onde de choc et d'intenses débats, beaucoup jugeant son plan indécent au vu de l'état actuel de Gaza. Sous l'égide de l'Égypte, plusieurs pays arabes ont réagi contre l'idée de déplacer la population actuelle, décrite également par le président turc Recep Tayyip Erdogan comme une « nouvelle Nakba », la « catastrophe » en arabe, en référence au déplacement des Palestiniens en 1948. D'autres voient dans la proposition imprévue de Trump l'avis d'un promoteur immobilier qui fait fi des questions historiques et politiques complexes qui le dépassent. En Israël, pourtant, ses propos ont été bien accueillis : Benjamin Netanyahou a qualifié son approche de « révolutionnaire », tandis que la droite ultra-nationaliste et religieuse a salué l'idée d'un déplacement des Gazaouis. Il est par contre plus surprenant de constater la réception généralement positive du plan par des figures d'opposition et par la population israélienne.
Si Trump a surpris l'opinion occidentale, l'idée de transformer Gaza en un pôle économique prospère n'est pas nouvelle. Dans les années 1990, Shimon Peres, architecte des accords d'Oslo, rêvait d'un « Singapour du Moyen-Orient » à Gaza, pensant que le développement économique pourrait réduire les tensions entre Juifs et Palestiniens. Yoram Dori, conseiller de Peres entre 1990 et 2016, a même rappelé explicitement ce rêve dans le Jerusalem Post quelques jours avant la déclaration de Trump : « je peux imaginer la vision de Shimon Peres fructifier : des hôtels remplis de touristes tout au long des plages de Gaza, une frontière ouverte avec Israël pour le passage de produits agricoles … ». Dans son article, Dori a inclus une image générée par l'IA d'un Gaza futuriste, tirée du document « Gaza 2035 » mis en ligne en mai 2024 par le bureau de Netanyahou (sans pour autant refléter nécessairement sa politique officielle). Ce projet prévoyait trois étapes de reconstruction, commençant par 12 mois d'aide humanitaire et la création de zones libres du contrôle de Hamas, gérés par des Gazaouis sous la supervision d'une coalition arabe. Ensuite, sur une période de 5-10 ans, cette coalition créerait une Autorité pour la réhabilitation de Gaza (GRA), mettant en place un programme de déradicalisation. Le pouvoir serait progressivement transféré à une autorité gazaouie ou à un gouvernement palestinien unifié (avec la Cisjordanie). L'étape finale verrait la signature des Accords d'Abraham par les Palestiniens.
On ne sait pas si Trump avait déjà vu « Gaza 2035 », ce « Dubaï 2.0 » où figurait d'ailleurs une « place Donald Trump », mais en juillet 2024, son équipe avait sollicité le professeur Joseph Pelzman (George Washington University) pour faire une étude analogue. Le projet de Trump s'écarte des visions utopiques de Peres et des auteurs de « Gaza 2035 » par deux aspects fondamentaux : l'idée du contrôle américain de Gaza et le déplacement (temporaire ou permanent) de sa population, prévu par le rapport de Pelzman. Cette dernière proposition a été vue par des hommes politiques israéliens les plus anti-palestiniens comme une confirmation de leur propre projet de vider la bande de Gaza de ses habitants. L'ancien ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, qui avait quitté le gouvernement de Netanyahou en protestant contre le cessez-le-feu avec le Hamas, a approuvé les propos de Trump, estimant que « la seule solution pour Gaza est d'encourager l'émigration des Gazaouis ». Il n'a pas manqué de préconiser la même stratégie pour « la Judée et la Samarie », c'est-à-dire la Cisjordanie. Le ministre des finances ultra-nationaliste Bezalel Smotrich a également appelé à une « mise en œuvre immédiate » du plan de Trump par le gouvernement israélien.
Du côté du centre et de la gauche, le président américain a également suscité des réactions favorables, certes avec quelques réserves. Le centriste Benny Gantz a décrit Trump comme un « vrai ami d'Israël » aux idées « créatrices, originales et intéressantes » ; même l'opposant Yaïr Lapid, hostile à tout transfert forcé des Palestiniens, a qualifié de « bonne pour l'État d'Israël » la conférence de presse conjointe de Trump et Netanyahou. Selon un sondage du Jewish People Policy Institute, cet avis positif est partagé par la population israélienne ; environ 7 personnes sur 10 soutiennent l'idée que « des Arabes de Gaza devrait déménager vers un autre pays ». Parmi les Israéliens juifs, 43 % trouvent que le plan de Trump est « pratique » et mérite d'être adopté ; 30 % le trouvent « désirable » mais impraticable. Seuls 3 % des Juifs le considèrent comme « immoral » (contre 54 % des Arabes israéliens interrogés). Ces chiffres représentent sans aucun doute une évolution importante de l'opinion publique en Israël ces dernières années. Quant à savoir si cela reflète une « droitisation » de la vie politique israélienne ou le traumatisme collectif déclenché par l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023, ainsi que la fragilité évidente du cessez-le-feu, c'est une question d'interprétation.