Économie
PIB, sens et croissance ne font pas toujours bon ménage !
Quelle bonne surprise eurent les autorités britanniques en 2014 ! Cette année-là, le PIB britannique avait crû de presque 5% au-delà des prévisions. L’Office for National Statistics avait mis à jour sa méthode de calcul pour la mettre en conformité avec les standards de l’U.E. Il s’agissait d’intégrer dans le PIB les chiffres de la prostitution et du trafic de drogues… Wells King, directeur de recherche pour le « think tank » American Compass, prend cet exemple (voir article en lien ci-dessous) pour dénoncer l’absurdité d’un critère économique censé indiquer la prospérité d’un pays. Les gouvernements occidentaux semblent obnubilés par cet indicatif comme horizon de leurs politiques.
Des écologistes vont plus loin. Selon eux, encourager la croissance mettrait en danger notre planète. Se contenter de réduire les émissions serait se payer d’illusions… Tim Jackson, économiste de l’écologie, a une vision tragique de l’Histoire et recommande de tourner la page du capitalisme. Si ce système a démontré sa valeur dans un premier temps, transformant gains de productivité en croissance vertueuse, il devient toxique quand la croissance s’essouffle. Alors surviennent stagnation des salaires, austérité, court-termisme et destruction de l’environnement. Jason Hickel, anthropologue et économiste, préconise aussi la décroissance mais en apportant des éléments plus concrets. La raréfaction des matières premières est l’épée de Damoclès au-dessus de l’économie mondiale... Le palier d’équilibre entre consommation et ressources disponibles a été franchi il y a plusieurs décennies, et, sans changement de modèle, l’écart grandira avec le temps. Selon Hickel, la croissance économique et la consommation sont inséparables.
Des milliards ont été investis pour résoudre ce problème : découpler la consommation et la croissance en investissant dans les énergies renouvelables. Mais nous ne serons pas sauvés par l’innovation technologique, prévient Hickel. Les émissions ont continué à augmenter alors que la technologie avançait. Les énergies renouvelables sont encore loin de pouvoir remplacer ce qu’on extrait des gisements fossiles. En bref, nos efforts de décarbonation seront toujours en retard dans un contexte de croissance continue. Cette dernière ne serait pas seulement la cause de la crise écologique, mais aussi le principal obstacle pour trouver des solutions.
Hickel et Jackson s’accordent sur les fondements philosophiques qui auraient poussé les sociétés occidentales à rechercher toujours plus de croissance. Aux origines de la science moderne, les philosophes Bacon et Descartes ont introduit une dichotomie radicale entre l’esprit et la matière, entre les êtres humains et le monde qui les entoure. Selon Bacon lui-même : « La Science va extirper de la Nature tous ses secrets ». Avec l’abandon de toute contrainte morale sur l’environnement, ce dualisme qui imprègne le monde moderne rend vain l’espoir de résoudre les enjeux climatiques par l’essor des technologies « vertes ».
Si ces deux penseurs offrent une réflexion profonde sur ce défi du XXIème siècle, ils peinent à répondre aux critiques de ceux qui voient dans la décroissance un funeste remède. Joel Kotkin par exemple, démographe et économiste, prévient qu’un tel projet ferait tomber les classes moyennes dans la pauvreté. Joseph Stiglitz, autre économiste de renom, clame que sans croissance, des milliards de personnes seront privées de nourriture, d’abris et de soins. Cependant, remarque Wells King, ces inquiétudes s’expriment dans un contexte où la croissance est à la merci d’une épidémie et où la productivité stagne. Certains analystes pensent même que nous nous approchons d’une limite naturelle au progrès technologique. La natalité dans les pays développés s’affaisse. Ne voyons-nous pas déjà les prémices de la décroissance ?
Quand la croissance s’effrite, la recherche du profit prend de nouveaux chemins, parfois destructifs. On délocalise le travail, on conçoit des produits voués à être remplacés rapidement. On fabrique de nouveaux désirs pour des biens dont on ne pensait pas avoir besoin. Le résultat est l’aggravation des inégalités, la réification des individus et la montée de la pollution.
Finalement, nous dit Wells King, il y a une grande valeur dans les travaux de ces écologistes. Il ne s’agit pas de les rejoindre dans leur appel à la décroissance mais plutôt de redonner du sens à la croissance. Il est absurde d’inclure le trafic de drogues pour mesurer la prospérité d’un pays. Serait-il absurde d’exclure des activités à la valeur douteuse comme la pornographie en ligne ou le trading haute fréquence ? À l’inverse, ne faudrait-il pas pondérer le calcul du PIB en favorisant les activités les plus vertueuses pour la société ? Une dépense sociale comme l’allocation familiale n’est-elle pas aussi un investissement donc une richesse ? Ne comptons pas sur le marché pour s’imposer des limites. La politique doit retrouver sa primauté sur l’économie.
Des écologistes vont plus loin. Selon eux, encourager la croissance mettrait en danger notre planète. Se contenter de réduire les émissions serait se payer d’illusions… Tim Jackson, économiste de l’écologie, a une vision tragique de l’Histoire et recommande de tourner la page du capitalisme. Si ce système a démontré sa valeur dans un premier temps, transformant gains de productivité en croissance vertueuse, il devient toxique quand la croissance s’essouffle. Alors surviennent stagnation des salaires, austérité, court-termisme et destruction de l’environnement. Jason Hickel, anthropologue et économiste, préconise aussi la décroissance mais en apportant des éléments plus concrets. La raréfaction des matières premières est l’épée de Damoclès au-dessus de l’économie mondiale... Le palier d’équilibre entre consommation et ressources disponibles a été franchi il y a plusieurs décennies, et, sans changement de modèle, l’écart grandira avec le temps. Selon Hickel, la croissance économique et la consommation sont inséparables.
Des milliards ont été investis pour résoudre ce problème : découpler la consommation et la croissance en investissant dans les énergies renouvelables. Mais nous ne serons pas sauvés par l’innovation technologique, prévient Hickel. Les émissions ont continué à augmenter alors que la technologie avançait. Les énergies renouvelables sont encore loin de pouvoir remplacer ce qu’on extrait des gisements fossiles. En bref, nos efforts de décarbonation seront toujours en retard dans un contexte de croissance continue. Cette dernière ne serait pas seulement la cause de la crise écologique, mais aussi le principal obstacle pour trouver des solutions.
Hickel et Jackson s’accordent sur les fondements philosophiques qui auraient poussé les sociétés occidentales à rechercher toujours plus de croissance. Aux origines de la science moderne, les philosophes Bacon et Descartes ont introduit une dichotomie radicale entre l’esprit et la matière, entre les êtres humains et le monde qui les entoure. Selon Bacon lui-même : « La Science va extirper de la Nature tous ses secrets ». Avec l’abandon de toute contrainte morale sur l’environnement, ce dualisme qui imprègne le monde moderne rend vain l’espoir de résoudre les enjeux climatiques par l’essor des technologies « vertes ».
Si ces deux penseurs offrent une réflexion profonde sur ce défi du XXIème siècle, ils peinent à répondre aux critiques de ceux qui voient dans la décroissance un funeste remède. Joel Kotkin par exemple, démographe et économiste, prévient qu’un tel projet ferait tomber les classes moyennes dans la pauvreté. Joseph Stiglitz, autre économiste de renom, clame que sans croissance, des milliards de personnes seront privées de nourriture, d’abris et de soins. Cependant, remarque Wells King, ces inquiétudes s’expriment dans un contexte où la croissance est à la merci d’une épidémie et où la productivité stagne. Certains analystes pensent même que nous nous approchons d’une limite naturelle au progrès technologique. La natalité dans les pays développés s’affaisse. Ne voyons-nous pas déjà les prémices de la décroissance ?
Quand la croissance s’effrite, la recherche du profit prend de nouveaux chemins, parfois destructifs. On délocalise le travail, on conçoit des produits voués à être remplacés rapidement. On fabrique de nouveaux désirs pour des biens dont on ne pensait pas avoir besoin. Le résultat est l’aggravation des inégalités, la réification des individus et la montée de la pollution.
Finalement, nous dit Wells King, il y a une grande valeur dans les travaux de ces écologistes. Il ne s’agit pas de les rejoindre dans leur appel à la décroissance mais plutôt de redonner du sens à la croissance. Il est absurde d’inclure le trafic de drogues pour mesurer la prospérité d’un pays. Serait-il absurde d’exclure des activités à la valeur douteuse comme la pornographie en ligne ou le trading haute fréquence ? À l’inverse, ne faudrait-il pas pondérer le calcul du PIB en favorisant les activités les plus vertueuses pour la société ? Une dépense sociale comme l’allocation familiale n’est-elle pas aussi un investissement donc une richesse ? Ne comptons pas sur le marché pour s’imposer des limites. La politique doit retrouver sa primauté sur l’économie.
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