Médias

Liberté d'expression : le revirement spectaculaire de Mark Zuckerberg

Par Ludovic Lavaucelle. Synthèse n°2377, Publiée le 20/01/2025 - Illustration : Shutterstock
Mark Zuckerberg, le fondateur et PDG de Meta (Facebook, Instagram), a fait des annonces qui ont provoqué la stupeur parmi les grands médias et le monde politique. Il va éliminer la fonction de « fact-checkers » au nom de la liberté d'expression. Cela fait quelques mois que le patron de Meta cherche à se rapprocher de Trump qui revient à la Maison Blanche le 20 janvier : une allégeance intéressée...

Il y a 4 ans, après les événements du 6 janvier 2021 au Capitole, Mark Zuckerberg avait lui-même annoncé sur son réseau Facebook qu'il suspendait indéfiniment les comptes de Donald Trump. L'accès de celui qui briguait un nouveau mandat a été rétabli l'année dernière. Et voilà que Zuckerberg fait un virage à 180 degrés en prenant la parole le 7 janvier sur Meta. Sa vision : son groupe doit revenir à sa mission première qui est de protéger la liberté d'expression. Et de suivre avec 6 annonces : 1) Meta va adopter les « notes de communauté » selon le modèle qu'Elon Musk a mis en place chez X… Zuckerberg considère que le « fact-checking » est devenu trop politisé au point de se transformer en censure contre les voix conservatrices. 2) Il précise que le contrôle du contenu opéré par les équipes de Meta ne touchera plus aux opinions sur l'immigration ou les politiques d'inclusion et de diversité. 3) Les équipes de Meta focaliseront leur surveillance sur les activités criminelles. 4) Zuckerberg annonce le retour des fils d'actualité, y compris ceux qui sont politiques, sur le réseau (ils avaient été retirés après l'élection de Trump en 2016). 5) Les équipes en charge du contrôle de contenu vont déménager de la très démocrate Californie pour aller au Texas. 6) Le patron de Meta affirme qu'il veut appuyer les efforts de la nouvelle administration Trump en faveur de la liberté d'expression dans le monde. Il cible les autorités européennes qui chercheraient à combattre le « populisme » en imposant plus de censure, les pays d'Amérique latine qui instrumentaliseraient leurs Cours de justice pour réduire au silence les oppositions. Et il souligne : ces pays vont dans le même sens que la Chine totalitaire où Meta n'est pas autorisé…

Zuckerberg a répondu à l'invitation du célèbre Joe Rogan qui revendique 19 millions d'abonnés sur sa chaîne YouTube « The Joe Rogan Experience ». Un entretien de presque 3 heures le 10 janvier dernier où il explique les raisons de son revirement. Il évoque d'abord son attachement à la liberté d'expression après avoir subi de lourdes pressions de la part de l'administration Biden pendant la crise du Covid. Il a mentionné que son équipe dirigeante s'était fait « hurler dessus » par des hauts fonctionnaires qui exigeaient que Facebook fasse disparaître toutes les publications critiquant les vaccins ou proposant des alternatives. Il a aussi obéi à des injonctions du FBI qui réclamaient la censure de tout contenu sur l'ordinateur du fils de Joe Biden juste avant l'élection de 2020. Il dit regretter d'avoir cédé à ces pressions. Il s'affiche avec des stars de sports de combat et affirme « masculiniser » son entreprise : 5 % des employés les « moins performants » seraient en passe d'être licenciés… Il reconnaît aussi que les opinions publiques ont largement évolué  se détournant des grands médias  et que Meta doit mieux respecter ce que ses clients pensent, sans chercher à influencer ce qu'ils peuvent consulter en ligne.

Que s'est-il passé chez Zuckerberg  connu jusqu'à récemment pour ses opinions progressistes ? Son virage à 180 degrés a débuté il y a déjà plusieurs mois. Il reconnaît avoir censuré à tort des informations sur le Covid-19 ou la politique américaine tout en ne faisant pas assez pour protéger les plus jeunes du risque d'accoutumance et des contenus nocifs. Il s'est rendu dans la résidence de Donald Trump à Mar-a-Lago en Floride fin novembre pour un entretien en tête à tête. Le Président élu avait menacé de le « mettre en prison jusqu'à la fin de ses jours » à la suite des témoignages devant le Congrès. On ne badine pas avec le droit d'expression inscrit dans la Constitution américaine… Zuckerberg a d'ailleurs invité au début de 2025 un proche de Donald Trump à rejoindre le comité exécutif de Meta : Dana White qui est le patron de l'UFC (ligue d'arts martiaux mixtes).

L'obéissance de Meta aux ordres de l'administration Biden n'a pas profité au géant de la « tech » : en décembre 2020, plusieurs États se sont unis à la FTC (« Federal Trade Commission ») pour déposer une plainte contre Meta pour abus de position dominante. Zuckerberg espère sans doute une meilleure protection pour son entreprise sous l'administration Trump jugée « pro business ». Et ses grands rivaux Elon Musk et Jeff Bezos ont pris de l'avance. Ce dernier avait fait sensation en donnant l'instruction au Washington Post qu'il possède de garder une ligne neutre pendant la campagne présidentielle de 2024. Car l'IA est au centre des attentions des acteurs de la « tech » : de gros investissements nécessitent de travailler en bonne intelligence avec Washington. Tout comme résister aux tentatives des autorités européennes de contrôler toujours plus l'information en ligne.

Les annonces de Zuckerberg révèlent aussi l'importance d'une industrie journalistique que Meta finançait en sous-traitant le « fact-checking ». Le budget alloué par Meta au contrôle du contenu en ligne a atteint 5 milliards de dollars en 2022. En arrêtant de financer toutes ces officines de vérification, Zuckerberg économiserait 50 % du budget (2,5 milliards)  au grand dam de nombreux journalistes à travers le monde qui avaient trouvé une activité lucrative.

La sélection
Zuckerberg following Musk’s lead in axing “fact-checkers” on Meta
Lire l'article sur : Washington Examiner
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