Qui est encore prêt à se battre pour ses idées, pour son mode de vie, voire pour son pays ? Alors que 64% des Français pensent que, dans les mois à venir, une guerre mondiale peut parfaitement arriver, la question n'est pas si anodine. Cela peut surprendre dans une société contemporaine souvent perçue comme individualiste et en perte de sens. Mais une courte majorité de Français (52%) affirme encore qu'« il y a des valeurs qui méritent que l'on meure pour elles ». C'est même le cas de 61% des moins de 35 ans. Une génération sans doute plus touchée que les précédentes par la sensation de manquer de héros à admirer et auxquels s'identifier. Le sacrifice du Colonel Beltrame, la mort de Maxime Blasco, tué au combat contre les djihadistes, les pompiers de Notre-Dame et les anonymes ayant aidé des inconnus lors de l'attentat du Bataclan sont peut-être passés par là pour donner un nouveau souffle à l'héroïsme au quotidien. Du moins peut-on l'espérer.

La Fondation Jean-Jaurès semble regretter que si « l’adhésion aux valeurs autoritaires recule encore légèrement cette année, elle reste élevée ». C’est en fait un euphémisme : en réalité, 83% des Français se disent d’accord sur le fait que « l’autorité est une valeur trop souvent critiquée aujourd’hui », et 79% estiment que « l’on a besoin d’un vrai chef en France pour remettre de l’ordre. » Pour la fondation, « la nostalgie à l’égard du passé reste forte chez les Français » : en effet, 69% des sondés disent s’inspirer de plus en plus dans leur vie des valeurs du passé. Autant pensent qu’« en France, c’était mieux avant ». Les sympathisants LR sont même 75% à le penser, les militants RN 89% et ceux de Reconquête 90%. Mais même les sympathisants LREM sont étonnamment un sur deux à l'affirmer, contre 58% au PS et 65% à LFI ou au PCF. Pas sûr que tous pensent au même chef, en revanche...

Plus largement, cette étude constate que les valeurs du passé sont, pour sept Français sur dix, une source d’inspiration, et ce pour l’ensemble des catégories de la population. Il faut dire que 75% des répondants voient la France comme un pays en déclin, évoluant vers trop d'assistanat (63%). « La défense des valeurs doit donc aussi être entendue comme la défense d'un mode de vie et d'un style de vie que les Français estiment être mis à mal par différentes mutations de la société ces dernières années », analyse Jérôme Peltier. Autant de jugements qui semblent pourtant aller à l'opposé du consensus politique et médiatique actuel. « À ce stade, ne serait-il pas plus simple alors de dissoudre le peuple et d’en élire un autre ? », écrivait jadis Bertold Brecht...

En même temps, on peut aussi comprendre les Français, alors que chaque jour apporte son lot d'agressions et de meurtres de plus en plus barbares : comment leur donner tort, quand près de neuf sur dix ont le sentiment de vivre dans une société violente ? 87% estiment que la violence dans la société augmente, 53% beaucoup. 43% craignent les agressions dans l’espace public. Tel est le célèbre sentiment d’insécurité dont parlait il y a peu le Garde des sceaux. Par ailleurs, si l’idée selon laquelle l’immigration serait responsable du chômage en France diminue, selon cette étude sur les « Fractures françaises », le rejet de l’immigration reste aussi stable et élevé : 66% des sondés pensent qu’il y a trop d’étrangers en France, et 55% que « de manière générale, les immigrés ne font pas d’effort pour s’intégrer en France. » Au passage, toujours selon cette même étude, seuls quatre Français sur dix jugent l’islam compatible avec les valeurs de la société française. Un chiffre stable ces dernières années.