Économie
Le joint de juin
« T’en veuhhh ? » Bientôt, la question ne sera plus posée par des junkies hagards errant au bas d’immeubles craignos. L’État pourrait tenir lui-même la boutique du cannabis légalisé. Du moins si l’exécutif suit les recommandations d’un groupe d’économistes (!) chargé de conseiller le Premier ministre (!). Dans un rapport iconoclaste publié hier, ledit groupe – qui dépend du Conseil d'analyse économique (CAE), étrille cinquante ans de répression gouvernementale et appelle à créer « un monopole public de production et de distribution du cannabis ».
Une légalisation permettrait « à la fois de lutter contre le crime organisé, de restreindre l'accès aux produits pour les plus jeunes et de développer un secteur économique », estiment Emmanuelle Auriol et Pierre-Yves Geoffard, auteurs de cette analyse. Quoique purement consultative, celle-ci témoigne de débats nouveaux dans les allées du pouvoir. Ce cercle d'économistes recommande une légalisation totale comme au Canada, dans certains États américains ou en Uruguay. Cette thèse fait écho à la « légalisation contrôlée », également défendue dans une récente proposition de loi soutenue notamment par cinq députés LREM.
Les promoteurs de la légalisation du cannabis se fonde sur la constatation suivante : « Le système de prohibition promu par la France depuis 50 ans est un échec. » De fait, malgré une législation parmi les plus répressives du Vieux continent, la France est championne d'Europe de la consommation de résine. « Toutes les familles françaises y sont exposées », relève Emmanuelle Auriol. Selon le rapport, l'État dépense sur un an « 568 M€ pour lutter contre le cannabis dont 70 % consacrés aux actions des forces de l'ordre et 20 % aux services judiciaires et pénitentiaires. Seuls 10 % financent la prévention, les soins et la recherche. » En clair, non seulement la France dépense beaucoup d’argent pour un maigre résultat mais Bercy passe à côté d’un marché énorme. Le CAE suggère de faire une prise de judo à la réalité en se servant de cette manne pour aller y prélever sa dîme.
Voici le calcul : sur l'hypothèse d'une consommation annuelle 500 à 700 t par an, une légalisation pourrait créer entre 27.500 et 80.000 emplois et générer des recettes fiscales de 2 à 2,8 Mds €. Cette somme pourrait être réinvestie dans la prévention, les quartiers populaires et la lutte contre le trafic, assurent les auteurs, avec un regard humide de bonté. Les junkies seraient gagnants deux fois : par le trafic et l’économie parallèle qui continuerait de toute façon d’exister et par la drogue vendue par l’État qui arroserait en retour les banlieues qui en vivent. « Bien qu'on les oppose généralement, légalisation et répression sont des politiques publiques complémentaires », argumente le CAE. Il est curieux que nul spécialiste ne se soit aperçu plus tôt de cette prétendue évidence.
Concrètement, l'État délivrerait des licences à des « producteurs et distributeurs agréés », comme pour le tabac. Mais contrairement à la cigarette, le cannabis serait vendu dans des boutiques spécialisées, interdites aux mineurs et plus faciles à surveiller. Ce système serait chapeauté par une « autorité administrative indépendante » chargée de réguler le marché et d'assécher le marché noir en assurant une production suffisante, de bonne qualité, à un prix suffisamment bas. La note recommande un prix final de 9 € pour un gramme d'herbe, contre environ 11 € actuellement dans la rue.
Dans quelle mesure cette projection représente-t-elle la position officielle ? Emmanuel Macron a écarté la dépénalisation et instauré une amende de 200 € pour les petits consommateurs. Quant à Édouard Philippe, il vient de faire de la lutte contre les stupéfiants une « priorité ». « Le gouvernement reste clairement opposé à la légalisation », affirme le Premier ministre. Cette note constitue-t-elle un ballon d’essai ? Probablement. Elle nourrit un appel publié mercredi dans l'Obs, où plus de 70 personnalités, dont plusieurs maires, appelaient « à agir vite » pour légaliser le cannabis au nom du « pragmatisme ». Le porte-parole des députés PS, de son côté, invitait l'exécutif à « accepter qu'il y ait un débat » afin que « les uns et les autres puissent se faire une opinion définitive ». Selon la littérature scientifique, une consommation modérée de cannabis n'a « pas d'effets nocifs sérieux avérés » sur la santé des adultes, rappelle la note. La drogue augmente en revanche le risque de schizophrénie « des plus jeunes ». Schizophrénie ? C’est le risque devant lequel se trouve à présent le gouvernement, s’il veut tenir les rênes du « et droite et gauche ». Car tout laxisme en la matière pourrait lui faire perdre les dividendes électoraux encaissés à droite lors des européennes.
Une légalisation permettrait « à la fois de lutter contre le crime organisé, de restreindre l'accès aux produits pour les plus jeunes et de développer un secteur économique », estiment Emmanuelle Auriol et Pierre-Yves Geoffard, auteurs de cette analyse. Quoique purement consultative, celle-ci témoigne de débats nouveaux dans les allées du pouvoir. Ce cercle d'économistes recommande une légalisation totale comme au Canada, dans certains États américains ou en Uruguay. Cette thèse fait écho à la « légalisation contrôlée », également défendue dans une récente proposition de loi soutenue notamment par cinq députés LREM.
Les promoteurs de la légalisation du cannabis se fonde sur la constatation suivante : « Le système de prohibition promu par la France depuis 50 ans est un échec. » De fait, malgré une législation parmi les plus répressives du Vieux continent, la France est championne d'Europe de la consommation de résine. « Toutes les familles françaises y sont exposées », relève Emmanuelle Auriol. Selon le rapport, l'État dépense sur un an « 568 M€ pour lutter contre le cannabis dont 70 % consacrés aux actions des forces de l'ordre et 20 % aux services judiciaires et pénitentiaires. Seuls 10 % financent la prévention, les soins et la recherche. » En clair, non seulement la France dépense beaucoup d’argent pour un maigre résultat mais Bercy passe à côté d’un marché énorme. Le CAE suggère de faire une prise de judo à la réalité en se servant de cette manne pour aller y prélever sa dîme.
Voici le calcul : sur l'hypothèse d'une consommation annuelle 500 à 700 t par an, une légalisation pourrait créer entre 27.500 et 80.000 emplois et générer des recettes fiscales de 2 à 2,8 Mds €. Cette somme pourrait être réinvestie dans la prévention, les quartiers populaires et la lutte contre le trafic, assurent les auteurs, avec un regard humide de bonté. Les junkies seraient gagnants deux fois : par le trafic et l’économie parallèle qui continuerait de toute façon d’exister et par la drogue vendue par l’État qui arroserait en retour les banlieues qui en vivent. « Bien qu'on les oppose généralement, légalisation et répression sont des politiques publiques complémentaires », argumente le CAE. Il est curieux que nul spécialiste ne se soit aperçu plus tôt de cette prétendue évidence.
Concrètement, l'État délivrerait des licences à des « producteurs et distributeurs agréés », comme pour le tabac. Mais contrairement à la cigarette, le cannabis serait vendu dans des boutiques spécialisées, interdites aux mineurs et plus faciles à surveiller. Ce système serait chapeauté par une « autorité administrative indépendante » chargée de réguler le marché et d'assécher le marché noir en assurant une production suffisante, de bonne qualité, à un prix suffisamment bas. La note recommande un prix final de 9 € pour un gramme d'herbe, contre environ 11 € actuellement dans la rue.
Dans quelle mesure cette projection représente-t-elle la position officielle ? Emmanuel Macron a écarté la dépénalisation et instauré une amende de 200 € pour les petits consommateurs. Quant à Édouard Philippe, il vient de faire de la lutte contre les stupéfiants une « priorité ». « Le gouvernement reste clairement opposé à la légalisation », affirme le Premier ministre. Cette note constitue-t-elle un ballon d’essai ? Probablement. Elle nourrit un appel publié mercredi dans l'Obs, où plus de 70 personnalités, dont plusieurs maires, appelaient « à agir vite » pour légaliser le cannabis au nom du « pragmatisme ». Le porte-parole des députés PS, de son côté, invitait l'exécutif à « accepter qu'il y ait un débat » afin que « les uns et les autres puissent se faire une opinion définitive ». Selon la littérature scientifique, une consommation modérée de cannabis n'a « pas d'effets nocifs sérieux avérés » sur la santé des adultes, rappelle la note. La drogue augmente en revanche le risque de schizophrénie « des plus jeunes ». Schizophrénie ? C’est le risque devant lequel se trouve à présent le gouvernement, s’il veut tenir les rênes du « et droite et gauche ». Car tout laxisme en la matière pourrait lui faire perdre les dividendes électoraux encaissés à droite lors des européennes.