
La Russie de Poutine sans caricatures
La démocratie n'a été instaurée durablement en Russie qu'en 1991. Vingt-cinq ans de vie démocratique, c'est peu dans une histoire millénaire. Hélène Carrère d'Encausse rappelle que la Russie s'est dotée d'une Constitution rédigée avec l'aide de grands constitutionnalistes français, et que Vladimir Poutine n'a pas voulu la modifier en 2008 quand elle l'empêchait de briguer un nouveau mandat présidentiel (d'où l'intérim exercé par Medvedev).
Cette démocratie s'accommode d'un pouvoir autoritaire qu'il faut évaluer à l'aune de la situation géographique et ethnique de la Russie : un territoire immense (17 millions de kilomètres carrés), une population multiethnique et multiculturelle. Sans oublier l'histoire : le désastre soviétique, la décomposition de l'URSS, l'effondrement de l'Etat, nécessitaient le rétablissement d'un pouvoir fort « se réclamant des valeurs traditionnelles de la Russie » et de son passé impérial. Le modèle de Poutine n'est pas Lénine, mais Pierre le Grand.
Les rapports avec l'Occident faits d'abord d'ouvertures à l'égard de l'Union européenne et des Etats-Unis, se sont refermés après les révolutions de 2003-2004 en Géorgie et en Ukraine. « Poutine y a vu une intervention des États-Unis à la périphérie de la Russie et la volonté d'en éloigner des pays de l'ex-URSS ».
Bilan politique : Poutine a sauvé l'espace russe de la désagrégation et restauré l'autorité de l'Etat. Il a mis en valeur la famille et mis en place une politique nataliste pour lutter contre la dénatalité. A l'extérieur, le succès de l'intervention militaire russe en Syrie lui a rendu son rang sur la scène internationale. Face à l'islamisme, Hélène Carrère d'Encausse relève « une réussite remarquable » alors que les musulmans constituent environ 15 % des citoyens de Russie. Mais Poutine n'a pas réussi à diversifier et à moderniser l'économie russe, trop dépendante de la rente pétrolière, ni à juguler la corruption.
Conclusion : il faut renouer les liens avec la Russie selon Hélène Carrère d'Encausse. Parce qu'elle est le pont entre l'Asie et l'Europe, « ignorer la Russie, lui tourner le dos signifie pour l'Europe se couper de l'Asie, c'est-à-dire rester à l'écart du grand basculement géopolitique du XXIe siècle ».