Politique
La France vire-t-elle à droite ?
La France vire-t-elle à droite ? Électoralement oui et de plus en plus, relève la Fondation pour l’innovation politique dans une étude intitulée Mutations politiques et majorité de gouvernement dans une France à droite. Si la Fondapol se présente comme « un think tank libéral, progressiste et européen », Dominique Reynié, professeur à Sciences-Po, s’écarte volontiers de cette ligne sur certains sujets tels que l’idéologie woke, l’étude la plus téléchargée à ce jour sur le site de la fondation.
L'enquête dont nous parlons, réalisée par l'institut OpinionWay, couvre le « cycle électoral complet » de la présidentielle aux législatives.
Un premier point se dégage : bien qu’Emmanuel Macron soit reconduit à l’Élysée, le vote protestataire augmente si fortement que « la survie des partis de gouvernement est en jeu ». Bigre. Au premier tour de la présidentielle comme des législatives, ce vote est majoritaire avec respectivement 55,6 % et 50,9 % des voix, une première dans l’histoire électorale française ! « Á la différence de 2017, juge la Fondapol, non seulement le vote populiste ne disparaît pas lors des élections législatives, mais, et c’est encore sans précédent, le RN et LFI obtiennent les deux groupes parlementaires les plus importants ». Le vote protestataire représente trois Français sur quatre si l’on ajoute l’abstention.
Le deuxième point, c’est que « l’expansion de la protestation électorale est plus forte à droite » sous l’influence d’un RN devenu dominant. « Marine Le Pen n’est plus une figure de rejet ». Seul un tiers des sondés de la gauche révolutionnaire la classe à l’extrême-droite !
Troisième point : le vrai visage du macronisme. Pour la Fondapol, « la proportion d’électeurs de droite dans l’électorat d’Emmanuel Macron » s’élève à 62,7 %, si on réfère au « système de valeurs » (p.35). Tiens donc. Par exemple, la moitié des électeurs se positionnant au centre ayant voté Emmanuel Macron pense que « la plupart des immigrés ne partagent pas les valeurs de notre pays et cela pose des problèmes de cohabitation ».
En un mot, les deux tiers des électeurs du président peuvent être classés à droite. Parmi eux, il y a bien sûr les transfuges des LR dont Bruno Lemaire est l’archétype au point de figurer parmi les successeurs attendus en 2027, en troisième position derrière Édouard Philippe et Marine Le Pen et devant Jean-Luc Mélenchon (p.31).
Quelles leçons tirer de cette étude ? La première concerne ce vieil indicateur « parti protestataire » et « parti de gouvernement ». Est-il encore pertinent ? Dans Le Figaro, Guillaume Tabard parle d’une distinction « en trompe-l’œil ». Déjà en 2017, écrit-il, « le vote Macron recelait une forte dimension de rejet des partis alors dominants (UMP et PS) ». Il ajoute qu’en 2022, « ni le bulletin LFI ni le bulletin RN ne peuvent être réduits à un vote de protestation ».
L’indicateur, surtout, n’est pas neutre. Nul ne se revendique par plaisir d’un parti protestataire, comme s’il aboyait tout le temps. Implicitement, l'outil sociologique distingue ce qui est valorisé (parti de gouvernement) de ce qui est stigmatisé (parti protestataire). Mais qui est en mesure de classer et de séparer les gens si ce n’est le pouvoir lui-même, prompt à jeter le dédain sur tout ce qui peut le menacer ?
Le deuxième point touche encore au vocabulaire. Depuis 1958, les partis de droite sont majoritaires à toutes les grandes élections, entre 55 % et 58 % (mis à part le séisme de 1981). En quoi cette proportion se retrouve-t-elle dans la réalité politique ? Là aussi, le mot pêche et on bute sur cette question : qu’est-ce que la droite ?
Quand Guillaume Tabard observe avec la Fondapol « un déplacement du centre de gravité, lui aussi constant et spectaculaire, vers la droite », on ne sait pas quoi penser. Électoralement peut-être. Et alors ? Dans la mesure où cette tendance ne se traduit pas dans les mœurs, n’est-elle pas vaine et stérile ? C’est un paradoxe de voir l’opinion se déplacer toujours plus à droite sans faire obstacle aux « avancées » sociétales de la gauche.
Une réflexion de fond s’impose. La gauche considère l'homme comme « un tout parfait et solitaire » (Rousseau) n’ayant de comptes à rendre qu’à lui-même. On peut être libéral et s’y reconnaître. La droite postule que l’homme est une créature imparfaite que l'ordre discipline et que le devoir corrige. Cet esprit-là ne pèse pas beaucoup, y compris dans les partis protestataires.
Si l’étude de la Fondapol reconnaît la complexité des catégories et que Dominique Reynié conjugue droite et gauche au pluriel, on n’en ressort pas plus éclairé. La science politique peine à se renouveler pour produire un nouveau langage. Le peut-elle, le veut-elle seulement ?
L'enquête dont nous parlons, réalisée par l'institut OpinionWay, couvre le « cycle électoral complet » de la présidentielle aux législatives.
Un premier point se dégage : bien qu’Emmanuel Macron soit reconduit à l’Élysée, le vote protestataire augmente si fortement que « la survie des partis de gouvernement est en jeu ». Bigre. Au premier tour de la présidentielle comme des législatives, ce vote est majoritaire avec respectivement 55,6 % et 50,9 % des voix, une première dans l’histoire électorale française ! « Á la différence de 2017, juge la Fondapol, non seulement le vote populiste ne disparaît pas lors des élections législatives, mais, et c’est encore sans précédent, le RN et LFI obtiennent les deux groupes parlementaires les plus importants ». Le vote protestataire représente trois Français sur quatre si l’on ajoute l’abstention.
Le deuxième point, c’est que « l’expansion de la protestation électorale est plus forte à droite » sous l’influence d’un RN devenu dominant. « Marine Le Pen n’est plus une figure de rejet ». Seul un tiers des sondés de la gauche révolutionnaire la classe à l’extrême-droite !
Troisième point : le vrai visage du macronisme. Pour la Fondapol, « la proportion d’électeurs de droite dans l’électorat d’Emmanuel Macron » s’élève à 62,7 %, si on réfère au « système de valeurs » (p.35). Tiens donc. Par exemple, la moitié des électeurs se positionnant au centre ayant voté Emmanuel Macron pense que « la plupart des immigrés ne partagent pas les valeurs de notre pays et cela pose des problèmes de cohabitation ».
En un mot, les deux tiers des électeurs du président peuvent être classés à droite. Parmi eux, il y a bien sûr les transfuges des LR dont Bruno Lemaire est l’archétype au point de figurer parmi les successeurs attendus en 2027, en troisième position derrière Édouard Philippe et Marine Le Pen et devant Jean-Luc Mélenchon (p.31).
Quelles leçons tirer de cette étude ? La première concerne ce vieil indicateur « parti protestataire » et « parti de gouvernement ». Est-il encore pertinent ? Dans Le Figaro, Guillaume Tabard parle d’une distinction « en trompe-l’œil ». Déjà en 2017, écrit-il, « le vote Macron recelait une forte dimension de rejet des partis alors dominants (UMP et PS) ». Il ajoute qu’en 2022, « ni le bulletin LFI ni le bulletin RN ne peuvent être réduits à un vote de protestation ».
L’indicateur, surtout, n’est pas neutre. Nul ne se revendique par plaisir d’un parti protestataire, comme s’il aboyait tout le temps. Implicitement, l'outil sociologique distingue ce qui est valorisé (parti de gouvernement) de ce qui est stigmatisé (parti protestataire). Mais qui est en mesure de classer et de séparer les gens si ce n’est le pouvoir lui-même, prompt à jeter le dédain sur tout ce qui peut le menacer ?
Le deuxième point touche encore au vocabulaire. Depuis 1958, les partis de droite sont majoritaires à toutes les grandes élections, entre 55 % et 58 % (mis à part le séisme de 1981). En quoi cette proportion se retrouve-t-elle dans la réalité politique ? Là aussi, le mot pêche et on bute sur cette question : qu’est-ce que la droite ?
Quand Guillaume Tabard observe avec la Fondapol « un déplacement du centre de gravité, lui aussi constant et spectaculaire, vers la droite », on ne sait pas quoi penser. Électoralement peut-être. Et alors ? Dans la mesure où cette tendance ne se traduit pas dans les mœurs, n’est-elle pas vaine et stérile ? C’est un paradoxe de voir l’opinion se déplacer toujours plus à droite sans faire obstacle aux « avancées » sociétales de la gauche.
Une réflexion de fond s’impose. La gauche considère l'homme comme « un tout parfait et solitaire » (Rousseau) n’ayant de comptes à rendre qu’à lui-même. On peut être libéral et s’y reconnaître. La droite postule que l’homme est une créature imparfaite que l'ordre discipline et que le devoir corrige. Cet esprit-là ne pèse pas beaucoup, y compris dans les partis protestataires.
Si l’étude de la Fondapol reconnaît la complexité des catégories et que Dominique Reynié conjugue droite et gauche au pluriel, on n’en ressort pas plus éclairé. La science politique peine à se renouveler pour produire un nouveau langage. Le peut-elle, le veut-elle seulement ?