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Les conservateurs en Grande Bretagne risquent de disparaître du paysage politique

Par Peter Bannister. Synthèse n°2226, Publiée le 21/06/2024 - Photo : le Palais de Westminster à Londres (crédits : Wikimedia Commons).
Rishi Sunak, le premier ministre conservateur britannique, a annoncé mercredi 22 mai que les élections britanniques pour élire les membres de la Chambre des communes se tiendront le 4 juillet. La défaite risque même d'être amplifiée par le retour du populiste de droite Nigel Farage, trublion de la vie politique outre-Manche.

Un séisme politique se prépare-t-il en Grande Bretagne avec les élections du 4 juillet ? Tous les sondages indiquent que le parti travailliste, mené par l'ex-procureur général Keir Starmer, les remportera avec une majorité écrasante, pour la première fois depuis 2010. De nombreux parallèles sont faits avec les élections de 1997 qui ont mis fin au gouvernement conservateur de John Major, remplacé par Tony Blair. La nouveauté en 2024, c'est la possibilité que les « Tories » de Rishi Sunak soient également minés à droite par le parti populiste Reform UK de Nigel Farage, l'un des architectes du Brexit. Dans un scénario où les conservateurs pourraient finir avec moins de 100 sièges (face à plus de 400 pour les travaillistes), on évoque même l'hypothèse d'une tentative du côté de Farage de prendre les rênes du parti lui-même. Cela bouleverserait le paysage politique britannique. Considéré comme centriste, Starmer a certainement rendu le parti travailliste plus crédible aux yeux de l'électorat que son prédécesseur Jeremy Corbyn.

La raison principale de la déroute des conservateurs est la grande impopularité du gouvernement actuel. Comme le souligne le vétéran du journalisme politique Andrew Neil, les années au pouvoir des Tories peuvent être vues comme un « jeu en deux mi-temps ». La première, relativement stable, va de 2010 jusqu'au vote sur l'UE en 2016. Le scrutin a provoqué la chute du Premier ministre David Cameron qui avait gouverné en coalition avec le parti libéral de 2010 à 2015. La seconde « mi-temps » a été plus turbulente : quatre premiers ministres (Theresa May, Boris Johnson, Liz Truss et Rishi Sunak), des problèmes économiques liés au Brexit et des scandales ou conflits internes à répétition. Deux moments en particulier semblent avoir été fatals pour les conservateurs. Ils ont d'abord été largement perçus comme hypocrites à cause de l'affaire du « Partygate » : des fêtes chez Boris Johnson en violation des mesures contre le Covid-19 que son propre gouvernement avait imposé aux britanniques. Deuxième étape : Liz Truss, dont le gouvernement n'a duré que 45 jours à cause d'un mini-budget catastrophique. L'état économique a failli provoquer l'implosion du marché des obligations, nécessitant l'intervention de la Banque d'Angleterre. Plus sobre et technocratique, Rishi Sunak n'a pourtant pas réussi à changer la perception d'une grande partie du public sur le parti conservateur. Aux yeux du plus grand nombre, le parti n'a pas les compétences requises pour gérer le trouble économique du pays — première préoccupation électorale des Britanniques devant le système de santé et l'immigration.

Quant à Nigel Farage, son spectre plane sur le parti conservateur depuis 1999, date de son élection en tant qu'eurodéputé et de la création de son parti populiste anti-européenne UKIP. Quand David Cameron a choisi d'organiser le référendum sur l'UE, beaucoup l'ont cru motivé par la peur que Farage ne lui vole l'aile droite du parti conservateur. En 2019, Farage a créé le parti Brexit UK mais s'est accordé avec Boris Johnson pour ne pas contester les circonscriptions déjà conservatrices — ce qui a contribué à la victoire de Johnson. Ces dernières années, Farage a délaissé la vie politique pour les médias, devenant présentateur à GB News et star de l'émission de téléréalité I'm a Celebrity. Initialement, il ne voulait pas participer aux élections de juillet 2024 (préférant aider Donald Trump aux États-Unis), mais il a changé d'avis afin de nuire aux conservateurs beaucoup trop mous à son goût. Sa campagne souverainiste a d'ailleurs été galvanisée par une gaffe majeure de Rishi Sunak lors de la commémoration du débarquement en Normandie le 6 juin : le Premier ministre a choisi de quitter ses homologues internationaux pour faire un entretien en Angleterre. Un geste largement critiqué comme anti-patriotique, surtout de la part d'un homme politique qui souhaite réintroduire le service national obligatoire.

Même si Reform UK, dont le franc-parler ressemble à celui d'autres partis populistes, était à 1 % des conservateurs dans un sondage récent, il faut souligner qu'il n'a presque aucune chance de remporter plus qu'une poignée de sièges au parlement. Le mode du scrutin n'est pas proportionnel mais élit un député par circonscription : cela favorise l'existence de partis à forte base régionale (tels que le parti indépendantiste SNP en Ecosse ou le DUP des unionistes en Irlande du Nord), mais défavorise les partis minoritaires dont le soutien est réparti également à travers le pays — c'est le cas de Reform UK. Le pouvoir de nuisance de Farage pour Rishi Sunak reste néanmoins considérable, car la présence de candidats de Reform pourrait bien profiter aux travaillistes. Si ces derniers remportent les élections avec une majorité inattaquable, la grande question concerne l'attitude des conservateurs face à Farage lors du déballage post-mortem. Si certains insistent pour l'accueillir, d'autres estiment que Farage essaie de dynamiter Tory Party pour en ramasser les détritus, ce qui changerait l'ADN de la droite britannique. Avec des conséquences imprévisibles.

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Législatives au Royaume-Uni : des conservateurs impopulaires et en bout de course
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