Effondrement de la natalité en Chine : les méthodes intrusives du régime pour la relever.
Au milieu des années 2010, la politique de l'enfant unique a atteint tous ses objectifs, à la grande satisfaction du gouvernement chinois. En trente ans, le taux de natalité a été divisé par deux, passant de 2,5 enfants par femme en 1990 à 1,18 en 2022. L'année dernière, le nombre des naissances est tombé à 9,02 millions et le nombre de décès s'est élevé à 11,1 millions – le plus élevé depuis la Révolution culturelle de 1974.
C'est ainsi que, depuis deux ans, la population chinoise est en décroissance. Pour la première fois depuis la Grande famine de l'ère Mao, en 1961, la population chinoise a enregistré une baisse de 850 000 habitants en 2022 et de 2,1 millions en 2023, soit une augmentation de 147 % sur une année. L'effondrement de la population chinoise, conséquence directe de la politique de l'enfant unique, semble désormais inexorable. Le drame prévisible est que, malgré l'abolition de la politique de l'enfant unique par le parti communiste en 2015, les femmes chinoises ne souhaitent plus avoir d'enfant (elles ont aujourd'hui le droit d'en avoir deux, au lieu d'un seul auparavant).
Pour remédier à cette situation, le Parti communiste chinois (PCC) a instauré une politique nataliste volontariste pour inciter les femmes à avoir plus d'enfants. Des témoignages récoltés par le Times ou le Monde rapportent les méthodes de certains gouvernements locaux, qui mènent des campagnes intrusives d'appels téléphoniques auprès des femmes pour leur demander d'avoir un deuxième enfant. Lorsque le premier enfant atteint l'âge de deux ans, des fonctionnaires appellent la mère pour savoir si elle est enceinte et pour lui demander d'avoir un nouvel enfant. Une femme rapporte qu'un fonctionnaire lui a suggéré par exemple de « recruter la grand-mère » pour s'occuper de son premier enfant et pour lui permettre d'en avoir un deuxième. Une autre femme témoigne encore pour le Times avoir reçu un appel d'un fonctionnaire lui demandant à quel moment sa dernière période de menstruation avait eu lieu.
La pression sur les femmes chinoises s'exerce aussi sur les fonctionnaires et les gouvernements locaux, désormais tenus d'augmenter la natalité dans les territoires placés sous leur responsabilité – l'exact inverse de ce qu'ils devaient faire neuf ans auparavant. Pendant trente ans, les femmes étaient interdites d'avoir plus d'un enfant et les autorités locales, par peur de ne pas atteindre les objectifs démographiques fixés par Pékin, obligeaient des femmes enceintes avec plus de deux enfants à avorter. Désormais, des mesures économiques ont été mises en place pour encourager les familles à procréer, tels l'augmentation de l'assurance maternité pour les travailleuses à temps partiel et l'allongement des congés de maternité et de paternité. Le PCC encourage aussi les gouvernements locaux à augmenter les subventions pour les gardes d'enfant.
Entre 1980 et 2015, la politique de l'enfant unique était accompagnée de l'interdiction pour les femmes d'avoir plus d'une fille et de l'encouragement d'avoir en priorité un garçon. D'ailleurs, dans l'espoir d'avoir un garçon, les familles rurales pouvaient avoir un deuxième enfant si le premier était une fille. En revanche, si par malheur le deuxième enfant était lui aussi de sexe féminin, un vent de panique s'abattait sur les familles : ou les femmes avortaient ou elles se cachaient pour éviter un avortement forcé. Puis, la deuxième fille « illégale » mise au monde, celle-ci était envoyée en cachette dans une famille d'accueil ou abandonnée par ses parents. Beaucoup de ces filles, nées dans les années 1980 et 1990, ont connu une enfance douloureuse, loin de leurs parents ; certaines d'entre elles ne les ont même pas connus. Aujourd'hui, plusieurs de ces femmes ne souhaitent pas avoir d'enfant, ni même de mari, en raison des traumatismes subis dans leur enfance.
La plupart des Chinoises continuent toutefois de se marier et d'avoir des enfants, mais le pourcentage de femmes non mariées âgées de 30 à 44 ans a connu une forte croissance en vingt ans, passant de 1 % en 2000 à 5,6 % en 2020. Par ailleurs, une étude publiée par des démographes chinois en 2023 a constaté que le nombre de Chinoises de 49 ans qui n'avaient pas d'enfant a été multiplié par 2,5 – pour un total de 5 %, alors que le pourcentage demeurait jusque-là inférieur à 2 %.
Désormais, ces milliers de femmes non désirées, abandonnées ou placées en famille d'accueil à leur naissance, témoignent de leurs souffrances sur les réseaux sociaux. Certaines ont même reçu le nom de « Zhaodi » ou « Laidi », deux termes qui se traduisent par « viens, petit frère, s'il te plaît ».
Si la courbe démographique chinoise continue de décroître dans les prochaines décennies, la population chinoise pourrait être divisée par deux d'ici à 2100, en passant à 620 millions d'habitants, contre 1,4 milliard aujourd'hui. Une perspective réaliste lorsque l'on sait qu'en 2040, un tiers de la population chinoise aura plus de soixante ans – à moins bien sûr d'un improbable boom démographique.