Le CECOT : l'impitoyable méga-prison du Salvador pour lutter contre le crime organisé
Réputé il y a peu pour l'état d'extrême violence qui y régnait due à la présence de groupes mafieux multipliant extorsions et assassinats, le Salvador est actuellement en passe de devenir un pays de référence dans la lutte contre le crime organisé. Le pays présente actuellement le plus fort taux d'incarcération au monde (près de 1 % de la population). Le président Bukele n'y est pas allé de main morte : après une série d'assassinats en mars 2022, il a déclaré l'état d'urgence. Depuis, plus de 60 000 personnes ont été incarcérées grâce à un allègement des procédures pénales. Selon les autorités, le CECOT n'enfermerait que les individus faisant partie du commandement des pandillas. Mais le système interroge. De nombreuses familles n'ont pas été averties de l'arrestation d'un des leurs. Si plusieurs individus ont été directement inculpés pour avoir participé à des opérations terroristes, les contours d'autres chefs d'accusation restent plus flous. Certains prisonniers se sont vus reprocher de faire partie de « groupements illicites », ce qui peut englober les personnes ayant tiré profit indirectement de la relation avec les gangs.
Les conditions de détention sont radicales. Plus de 150 prisonniers peuvent être massés dans des cellules d'environ 90 m² où ils sont surveillés continuellement. Si le compartiment est plein, l'espace disponible représente seulement 0,58 m² par personne. Chaque cellule comporte 2 cuvettes disposées à la vue de tous. Dans un pays où la température dépasse souvent les 30 °C et où l'humidité approche des 60 %, la lumière naturelle et la ventilation proviennent uniquement des quelques fentes situées à cet effet dans le toit. Cela semble aller de soi : au CECOT, pas de cour extérieure pour que les détenus puissent prendre l'air ou se promener.
Les alentours de la prison sont interdits d'accès. Les avocats n'ont pas le droit d'y entrer et l'exposition aux médias est très régulée. Deux clôtures de barbelés et deux murs en béton armé entourent l'énorme complexe. Autour, on ne retrouve pas moins de 19 tours de surveillance. En plus des agents pénitentiaires, 250 policiers et 600 militaires sont sur le site en permanence.
Face aux dénonciations de plusieurs ONG dont Amnesty International, Gustavo Villatoro, ministre de la Justice et de la Sécurité publique du Salvador, défend le bien-fondé de la création du nouveau centre pénitentiaire : « Pour nous, cela représente le plus grand monument à la justice que nous n'ayons jamais construit. Il n'y a rien à cacher. C'est là que vont aller les membres de ces organisations terroristes. Ce n'est pas un programme de détention pour les collaborateurs. Ceux-ci vont aller dans d'autres prisons où ils auront des programmes de réhabilitation et pourront travailler. Mais pour le CECOT, nous avons un engagement avec les Salvadoriens : que ceux qui iront là-bas ne reviennent jamais et ne retournent jamais dans les communautés... »
La population, elle, exprime une réelle satisfaction vis-à-vis de ce dispositif de répression. Bukele a été réélu avec une écrasante majorité et les statistiques plaident en sa faveur : le nombre d'homicides est passé de 87 pour 100 000 habitants en 2019, année de son accession au pouvoir, à 2,41 en 2023. Des habitants interviewés affirment que le renforcement des mesures sécuritaires a transformé leur quotidien, comme en témoigne Norma Gomez, résidente dans la capitale San Salvador : « Pour beaucoup de personnes et pour moi-même, ça a été une bonne chose. On peut enfin marcher tranquillement dans la rue, nos enfants sont plus tranquilles... » La politique sécuritaire du président Bukele est même prise comme modèle par d'autres leaders politiques sud-américains.
Deux visions légitimes s'opposent donc : celle des ONG préoccupées par le respect d'un minimum de droits humains et celle des habitants du Salvador, menacés jusqu'à présent par un état de violence constant et pour qui les mesures sécuritaires ont été bénéfiques. Avant d'envisager une fermeture du CECOT, il faudra réussir à proposer une alternative crédible.