Sport

12 millions de coureurs, une nouvelle culture sportive

Par Raphaël Lepilleur. Synthèse n°2460, Publiée le 25/04/2025 - Crédits photo : Shutterstock
Le running a littéralement explosé ces dernières années, au point de devenir un véritable phénomène de société. Accessible, libre, exalté par les réseaux sociaux et des applications comme Strava, il cristallise un besoin d'effort, de lien social et de reconnaissance. Mais cette popularité a aussi son revers, de la mise en scène de soi aux dérives environnementales, en passant par les questions de sécurité.

Le running s'est durablement installé dans le quotidien des Français. Selon l'édition 2025 de l'Observatoire du Running, 12,4 millions d'adultes pratiquent la course à pied en France, soit un Français sur quatre. Parmi eux, 8 millions courent au moins une fois par semaine. En 2024, plus de 9 millions de paires de chaussures de running ont été vendues en France, soit une hausse de 21% par rapport à l'année précédente, un indicateur frappant. La discipline séduit tous les âges, mais particulièrement les plus jeunes : sur les courses officielles, 40% des coureurs qui terminent ont moins de 35 ans.

La pratique est aussi de plus en plus féminine, puisque 48% des pratiquants sont aujourd'hui des femmes, un chiffre en constante progression. Si elles courent en moyenne un peu moins que les hommes en distance, c'est d'autres données qui interpellent dans cette étude.

Loin de l'image libre et insouciante souvent associée à la pratique, la réalité semble beaucoup plus sombre, puisque beaucoup adaptent leur parcours (57%), évitent de courir seules ou à la tombée de la nuit (53%), préviennent un proche avant chaque sortie (52%), ou modifient régulièrement leur itinéraire. Derrière ces gestes loin d'être anodins, une information glaçante : plus d'une femme sur deux (56%) aurait déjà été confrontée à une situation problématique lors de ses sorties, qu'il s'agisse de remarques, de regards insistants ou de menaces. Et seules 13% déclarent se sentir totalement en sécurité lorsqu'elles sortent courir.

82% déclarent suivre des conseils sur les réseaux sociaux pour améliorer leur pratique, soit 7 points de plus que les hommes. La discipline est omniprésente en ligne, portée par des milliers de micro et nano-influenceurs, et quelques figures bien identifiées, comme Mathieu Blanchard, Kilian Jornet ou Alexandre Boucheix alias « Casquette Verte ».

Au cœur de cette transformation sociale et sportive, une application tire son épingle du jeu, il s'agit de Strava. Bien plus qu'un simple outil de traçabilité des performances, elle s'est imposée comme un véritable réseau social. En 2024, la plateforme revendiquait 135 millions d'utilisateurs dans le monde, dont plus de 4 millions en France. Créée en 2009 par deux anciens étudiants de Harvard, Strava (qui signifie « s'efforcer » en suédois) a accompli un véritable tour de force en s'imposant durablement dans l'univers des réseaux sociaux. Qui aurait cru, il y a quinze ans, qu'une application fondée sur la performance sportive deviendrait une place forte du lien social numérique ?

Ce lien social est aujourd'hui au cœur de la dynamique du running moderne. L'étude annuelle de Strava le confirme, puisqu'en 2024, la participation aux clubs de course sur l'appli a explosé (+59%), et les sorties en groupe de plus de dix personnes ont progressé de 18%. La Génération Z (née entre la fin des années 90 et le début des années 2000) incarne pleinement cette mutation. Selon l'application, 66% d'entre eux affirment avoir créé des liens sociaux par le biais de la course, et 55% déclarent rejoindre des groupes autant pour la sociabilité que pour l'effort. Pour 65% la motivation première évoquée est l'amélioration de leur santé mentale. Une réponse aux blessures d'une époque marquée par le chaos social, l'isolement et les confinements. Une étude qui classe Lyon parmi les villes les plus sociales au monde, aux côtés de New York ou Jakarta Sud.

Mais cette popularité croissante engendre aussi des dérives. C'est le cas des « Strava jockeys », ces coureurs rémunérés pour enregistrer des performances à la place d'autres utilisateurs. Si certains cherchent simplement à briller, d'autres exploitent ces données pour couvrir un adultère, tromper leur employeur, ou même justifier une résidence géographique. Autre problème, en mars 2025, La Presse révélait qu'un agent chargé de la sécurité de l'ancien Premier ministre canadien Justin Trudeau, avait exposé des itinéraires sensibles via l'application. En enregistrant ses parcours, l'agent aurait rendu visibles des trajets réguliers et potentiellement confidentiels. Une affaire qui rappelle les risques de la géolocalisation. Autre dérive inattendue, de nombreuses influenceuses sportives affirment avoir dû passer leur compte en privé après avoir été victimes de harcèlement ou de messages injurieux (comme l'explique Clara Pichon dans ce réel).

L'impact environnemental suscite également des interrogations. L'érosion des sols, les déchets laissés sur les sentiers, la surfréquentation de certains espaces naturels ou la multiplication des compétitions en montagne, sont régulièrement pointés du doigt, en particulier dans le milieu du trail (course à pied en milieu naturel). Des voix s'élèvent, y compris parmi les figures les plus influentes du secteur, pour repenser des formats plus durables, moins énergivores et plus respectueux des territoires.

Certains, comme Vert le média, vont plus loin en s'attaquant à un autre pan de la pratique, les vêtements techniques. Dans un article intitulé avec sobriété « peut-on faire du sport sans détruire la planète ? », ils s'interrogent sur la compatibilité entre performance et sobriété textile. Le média dresse alors un « tour d'horizon des marques et solutions pour faire du sport sans (trop) nuire à l'environnement », ouf !

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