Sport

Commotions cérébrales, le fléau du sport moderne

Par Martin Dousse. Synthèse n°2458, Publiée le 23/04/2025 - Crédits photo : Shutterstock
Elles sont devenues la hantise du sportif de haut niveau, mais elles peuvent bien toucher le modeste amateur. La prévention des commotions cérébrales commence à s'imposer comme un enjeu de santé publique. Le débat a été ravivé par les récentes déclarations de l'ancien joueur international de rugby, Sébastien Chabal. Le colosse barbu a fait part de sa stupéfiante perte de mémoire (il ne se souvient d'aucune minute passée sur les terrains), déclenchant une nouvelle onde de choc…

Il y a encore dix ans, le sujet passait sous les radars. Maintenant, on sait que des commotions cérébrales répétées, sans prise en charge, sont la porte ouverte à des maladies neurodégénératives, comme Parkinson ou Alzheimer.

L'exemple le plus souvent cité pour expliquer de quoi il s'agit est le jaune d'œuf. Si on secoue la coquille, nous ne verrons aucune fissure à l'extérieur, c'est à l'intérieur que le jaune sera brisé. Il en va sensiblement de même pour une commotion cérébrale qui provoque un orage chimique et une crise énergétique dans le cerveau, sans signes apparents de blessure.

Le cas de Sébastien Chabal est loin d'être isolé. Le rugby se trouve parmi les disciplines les plus exposées, avec une vague de commotions qui a déferlé sur l'Ovalie au cours des 20 dernières années. Depuis la professionnalisation de ce sport, rugueux par nature, la salle de musculation est de mise au quotidien : on construit aux joueurs un corps sur mesure, voué à faire des ravages dans les défenses adverses. Le résultat, ce sont des chocs de plus en plus sévères. Et des commotions à la pelle. Tellement, que World Rugby, l'instance qui dirige le rugby international, a dû revoir ses règles. Tout contact violent à la tête est désormais puni et les protocoles commotions sont engagés dès qu'il y a une suspicion.

Ce processus bien rodé de prévention et de prise en charge n'est pas apparu spontanément. En 2023, le cabinet d'avocat Ryland Garth faisait état d'un ensemble de 400 joueurs, professionnels ou amateurs, qui seraient décédés prématurément suite à ces chocs répétés. Ce cabinet porte en réalité une action de tout un groupe de rugbymen, dont plusieurs anciens internationaux, qui ont décidé d'engager des poursuites contre les instances dirigeantes, coupables, selon eux, de n'avoir pas suffisamment œuvré pour protéger la santé des joueurs. Les estimations sont graves : « Notre crainte est que près de la moitié des joueurs professionnels finiront avec un problème neurologique », affirment les avocats aujourd'hui. Le champion du monde anglais Steve Thompson, atteint de démence précoce dès l'âge de 42 ans, est devenu un cas emblématique au Royaume-Uni.

Certains verront dans l'utilisation d'un casque un remède aussi évident que miraculeux. Las, il n'en est rien. Le football américain et le hockey sur glace sont autant concernés. Le casque empêche les fractures du crâne et non la commotion, puisque celle-ci est le fruit soit de secousses violentes, soit de micro-secousses répétées pendant de longues années. Elle peut même avoir lieu sans impact à la tête. Le mouvement rapide de la boîte crânienne entraîne une élongation/torsion des tissus du cerveau que le casque est incapable d'éviter. L'Académie nationale de médecine, auteur d'un récent rapport sur le sujet, préconise l'importance du renforcement des muscles du cou et des techniques d'esquive.

Une liste de symptômes est citée par les médecins (voir notre sélection ci-dessous) : nausées, vomissements, maux de tête, vision double, perte de repères. Les professionnels de santé cherchent toujours les signes d'une désorientation spatio-temporelle pour confirmer le diagnostic. On posera au joueur des exercices basiques de mémoire et on vérifiera sa capacité à maintenir l'équilibre. Si une commotion est détectée, un repos physique et mental complet d'au moins 48h s'impose pour permettre au cerveau de récupérer. C'est là que peuvent surgir les difficultés, car un retour trop précoce à la compétition est ce qu'il y a de plus dangereux, faisant craindre un énième choc avant de s'être véritablement remis du dernier... La récupération cognitive doit bénéficier d'une surveillance médicale. Cette prévention est-elle suffisante pour des joueurs qui vont subir une accumulation de traumatismes cérébraux, même mineurs, tout au long de leur carrière ?

Le témoignage de Raphaël Varane a permis de mettre en lumière combien le problème concerne aussi le football. Des spécialistes venus à la rencontre des joueurs alors qu'il se trouvait du côté de Manchester, leur auraient conseillé de ne pas effectuer plus de 10 têtes à l'entraînement. Lui-même raconte avoir continué des matchs alors qu'il avait été victime d'une commotion. Il en a perdu le souvenir et alerte : « Ce qu'on ne saura jamais, c'est ce qui se serait passé si j'avais repris un impact au niveau de la tête. Quand tu sais que les commotions à répétition ont potentiellement un effet mortel, tu te dis que ça peut très mal tourner. »

Les sports de vitesse comportent également des risques importants. La Formule 1 a connu son lot de commotionnés. Les pistes de ski sont concernées tous les ans. Le cyclisme est touché, lui aussi. La performance du nouveau matériel permet que des courses se déroulent aujourd'hui à une moyenne de 50 km/h. En parallèle, un coureur professionnel a près de 100 % de possibilités de chuter au cours de sa carrière.

Sans parler de la boxe où, du moins, les protagonistes s'attendent à encaisser des coups. Et où les combats professionnels sont souvent espacés d'un long (mais suffisant ?) temps de récupération. Mohamed Ali en avait fait l'amère expérience, lui qui avait été atteint de la maladie de Parkinson à 42 ans seulement.

Aujourd'hui, le sport est à un tournant et une prise de conscience s'impose. À commencer par les compétitions pour enfants. En Écosse, la fédération de football a restreint de façon drastique le jeu de tête. Les professionnels ne peuvent s'y entraîner qu'une seule fois par semaine. Et il est tout simplement interdit pour les moins de 12 ans. Cette décision s'est appuyée sur une étude de l'Université de Glasgow révélant qu'un joueur professionnel aurait 3,5 fois plus de chances de mourir d'une maladie neurodégénérative que la moyenne.

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Commotions cérébrales : le sport est tombé sur la tête
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