Politique
Zemmour président, vraiment ?
« Zemmour président ? L'Express a enquêté pendant trois mois sur cet objet de fantasme au sein de la droite et de l'extrême droite », écrit l’hebdomadaire en attaque de ce long article du 11 février intitulé « Éric Zemmour, la tentation présidentielle ». Fantasme, le mot s’applique bien à cette droite introuvable, en panne de discours, d’idées et de chefs. La droite dite « modérée », sociale-libérale, n’est pas concernée. Suivant la consigne de François Fillon, elle fit élire le président sortant et, à ce jour, rien n’indique qu’elle ne revotera pas pour lui. Le fantasme Zemmour n’agite donc que la droite dite « hors-les-murs », coincée entre le bunker Marine Le Pen et le no man’s land LR. Orphelin, ce public-là rêve de voir le polémiste humilier Macron dans le débat d’entre-deux-tours.
Selon L’Express, les velléités élyséennes d’Éric Zemmour remontent au mois de septembre. Jacques Bompard (maire d’Orange, ex-FN) et Robert Ménard (maire de Béziers, proche du RN) déjeunent alors avec le journaliste « pour le convaincre d’y aller ». À leur surprise, ils constatent que « leur entreprise est plutôt bien reçue ». Une pétition en ligne rend cette ambition palpable. Après tout, pourquoi n’aurait-il pas le droit d’y penser en se rasant ?
Chez nous, le journalisme s’ancre dans la littérature et la politique. Descendre dans l’arène paraît naturel. Tous les soirs Zemmour se voit offrir une tribune qui multiplie par dix l’audience de Cnews. Mais justement : une fois candidat, cette saga prendrait fin, tout autant que sa vitrine au Figaro. La politique effacerait le médiatique car rien ne lui garantirait d’être invité partout pour débiter son programme. En fait, la mobilité, dogme du marché, existe fort peu. Passer du journalisme à la politique est rare. Dominique Baudis et Noël Mamère restent des cas de reconversions vers le terroir. Zemmour candidat, c’est comme si Thierry Roland avait chaussé les crampons de Zinedine Zidane. L’écart entre le dire et l’agir est énorme. La politique apparaît pour ce qu’elle est : un travail au corps plus que de la tête, un métier de ruffian, de combinaisons à la Hollande, d’homme de mains qui passe son temps à en serrer, comme le faisait si bien Chirac. Le contraire de Zemmour.
Le polémiste ne dispose d’aucun appareil, ne peut se prévaloir d’un mandat, ni d’une expérience de terrain. Or la présidentielle résume tous les scrutins. Si la marche n’est plus très haute au premier tour, l’escalier est long et tortueux. Le récit macronien fait illusion. Le président sortant fut d’abord adoubé dans des lieux de pouvoir avant que ceux-ci ne le missent sur orbite dans les media. La TV est là pour faire le tri. Elle sélectionne les labels dits « représentatifs » et écartent les profils opportunistes. Même un François Asselineau, pourtant produit de l’énarchie et bon orateur au physique imposant, ne fait que 1 % malgré un parti voué à sa cause et un fol activisme sur Internet. Un candidat, tout comme un ministre, demeure le serviteur de structures. Sans son opa sur le PS, Mitterrand n’aurait eu aucun destin. Zemmour prendrait le risque d’être un Bellamy bis. L’espoir conservateur fut rincé aux législatives de 2017 malgré son physique, son intelligence et l’appui LR. 13 % des Français seraient quand même prêts à voter pour le journaliste. Que faire après ? Endosser l’image du perdant ? Marine Le Pen compare la présidentielle à une « lessiveuse ». Sans l’utilité qu’on lui reconnaît – faire élire son adversaire – serait-elle encore sur l’estrade ? Sa présence sert à neutraliser l’espace, alors que sa longévité donne l’illusion que d’autres pourraient occuper son terrain. Peu importe que ses lacunes soient criantes, comme l’illustra sa joute avec le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. En fait, plus elle se tait, plus elle monte. Le contraire de Zemmour.
Le polémiste aurait des concurrents : Jean-Frédéric Poisson (Via, la voie du peuple) et Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) iront au combat pour continuer à exister. Zemmour attirerait-il sur son nom d’autres publics ? Pas sûr. Certaines de ses saillies sont inaudibles, comme celle sur la masculinité du pouvoir ou la remigration. Va-t-il expliquer comment déporter 5 millions de musulmans ? Ce qu’on « tolère » dans le registre de l’opinion ne l’est plus dans le domaine de l’action. Sa candidature passerait pour une fantaisie extrémiste, en ferait l’âme damnée de Marine de Le Pen, ce que fut Christiane Taubira pour Lionel Jospin en 2002.
Zemmour, c’est comme un trou noir : il piège tellement la lumière que rien ne peut en sortir. Ni Xavier Bertrand, ni Valérie Pécresse, ni Laurent Wauquiez n’assume quoi que ce soit. Le polémiste remplit le silence sidéral et sidérant d’une droite plus invisible que jamais, et qui ne regrette qu’une chose : ne pas avoir déserté à temps, comme Bruno Le Maire. Ce chaos fait de Zemmour un guide, une diva, un égo. Il crie dans le désert, ce lieu de toutes les tentations.
Selon L’Express, les velléités élyséennes d’Éric Zemmour remontent au mois de septembre. Jacques Bompard (maire d’Orange, ex-FN) et Robert Ménard (maire de Béziers, proche du RN) déjeunent alors avec le journaliste « pour le convaincre d’y aller ». À leur surprise, ils constatent que « leur entreprise est plutôt bien reçue ». Une pétition en ligne rend cette ambition palpable. Après tout, pourquoi n’aurait-il pas le droit d’y penser en se rasant ?
Chez nous, le journalisme s’ancre dans la littérature et la politique. Descendre dans l’arène paraît naturel. Tous les soirs Zemmour se voit offrir une tribune qui multiplie par dix l’audience de Cnews. Mais justement : une fois candidat, cette saga prendrait fin, tout autant que sa vitrine au Figaro. La politique effacerait le médiatique car rien ne lui garantirait d’être invité partout pour débiter son programme. En fait, la mobilité, dogme du marché, existe fort peu. Passer du journalisme à la politique est rare. Dominique Baudis et Noël Mamère restent des cas de reconversions vers le terroir. Zemmour candidat, c’est comme si Thierry Roland avait chaussé les crampons de Zinedine Zidane. L’écart entre le dire et l’agir est énorme. La politique apparaît pour ce qu’elle est : un travail au corps plus que de la tête, un métier de ruffian, de combinaisons à la Hollande, d’homme de mains qui passe son temps à en serrer, comme le faisait si bien Chirac. Le contraire de Zemmour.
Le polémiste ne dispose d’aucun appareil, ne peut se prévaloir d’un mandat, ni d’une expérience de terrain. Or la présidentielle résume tous les scrutins. Si la marche n’est plus très haute au premier tour, l’escalier est long et tortueux. Le récit macronien fait illusion. Le président sortant fut d’abord adoubé dans des lieux de pouvoir avant que ceux-ci ne le missent sur orbite dans les media. La TV est là pour faire le tri. Elle sélectionne les labels dits « représentatifs » et écartent les profils opportunistes. Même un François Asselineau, pourtant produit de l’énarchie et bon orateur au physique imposant, ne fait que 1 % malgré un parti voué à sa cause et un fol activisme sur Internet. Un candidat, tout comme un ministre, demeure le serviteur de structures. Sans son opa sur le PS, Mitterrand n’aurait eu aucun destin. Zemmour prendrait le risque d’être un Bellamy bis. L’espoir conservateur fut rincé aux législatives de 2017 malgré son physique, son intelligence et l’appui LR. 13 % des Français seraient quand même prêts à voter pour le journaliste. Que faire après ? Endosser l’image du perdant ? Marine Le Pen compare la présidentielle à une « lessiveuse ». Sans l’utilité qu’on lui reconnaît – faire élire son adversaire – serait-elle encore sur l’estrade ? Sa présence sert à neutraliser l’espace, alors que sa longévité donne l’illusion que d’autres pourraient occuper son terrain. Peu importe que ses lacunes soient criantes, comme l’illustra sa joute avec le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. En fait, plus elle se tait, plus elle monte. Le contraire de Zemmour.
Le polémiste aurait des concurrents : Jean-Frédéric Poisson (Via, la voie du peuple) et Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) iront au combat pour continuer à exister. Zemmour attirerait-il sur son nom d’autres publics ? Pas sûr. Certaines de ses saillies sont inaudibles, comme celle sur la masculinité du pouvoir ou la remigration. Va-t-il expliquer comment déporter 5 millions de musulmans ? Ce qu’on « tolère » dans le registre de l’opinion ne l’est plus dans le domaine de l’action. Sa candidature passerait pour une fantaisie extrémiste, en ferait l’âme damnée de Marine de Le Pen, ce que fut Christiane Taubira pour Lionel Jospin en 2002.
Zemmour, c’est comme un trou noir : il piège tellement la lumière que rien ne peut en sortir. Ni Xavier Bertrand, ni Valérie Pécresse, ni Laurent Wauquiez n’assume quoi que ce soit. Le polémiste remplit le silence sidéral et sidérant d’une droite plus invisible que jamais, et qui ne regrette qu’une chose : ne pas avoir déserté à temps, comme Bruno Le Maire. Ce chaos fait de Zemmour un guide, une diva, un égo. Il crie dans le désert, ce lieu de toutes les tentations.