Culture
Watts all about ? Les Stones n'ont plus de batterie
Les plombs viennent de sauter chez Charlie Watts, mort à 80 ans. Et dire que les Rolling Stones auraient fêté l’an prochain leurs 60 ans et qu’une tournée américaine était prévue à l’automne. Élégant et taiseux, Watts offrait un visage impassible mais ce « géant tranquille », marié à la même femme depuis 1964, père et grand-père, passait pour le véritable « roc » des Stones. Cet autodidacte au style sobre tranchait avec les déhanchements frénétiques de Mick Jagger ou les pitreries des guitaristes Keith Richards et Ronnie Wood.
Watts, c’était le flux électrique des Stones, le plus célèbre des groupes de rock de tous les temps.
Mais qui analyse encore le phénomène de cette tornade sous l'angle sociétal ? Les jeunes de la génération Z en savent souvent très peu de choses. Or, comme le dit une émission de TV des années 80, on est tous les enfants du rock.
Contrairement au charleston ou au twist, ce courant musical ne fut pas un divertissement mais, selon la revue Rolling Stone, « le centre énergétique d'une nouvelle culture et d'une jeunesse en révolution ». Sans parti, ni discours, ni manifeste, ni coup d'État, le beat jeta aux flammes les restes du vieux monde. Avant lui, les pulsions individuelles et collectives étaient canalisées par des institutions : l’expansion missionnaire et coloniale du XIXe siècle, l’exaltation patriotique de la guerre de 14, les rêves du Reich et de Hitler, « l’une des premières rockstars » selon David Bowie, l’Internationale et l’utopie d’une société sans classes, etc. Bref, l’esprit de sacrifice, au cœur de notre humanité, était saturé d’idéologie. Le rock nous délivra du fardeau du sens.
Regardez le symbole des Stones : cette langue et ses lèvres rouges disent que la vie est absurde, que rien ne vaut la peine d’être conservé, qu’il faut jouir de tout et tout de suite car demain n'existe pas et n'existera peut-être jamais. Sexe, drogue et rock 'n' roll : tout ce qui s'oppose à ce message devient méprisable.
L'économie du disque et des media encore peu fragmentés fabriquèrent des audiences et des publics planétaires. De n’importe où, on écoutait les Stones et on admirait Pelé. Seuls le foot et le rock étaient capables d'agréger de telles foules. « Déjà nous sommes plus populaires que Jésus-Christ », s’écriait John Lennon. À ce propos, le rock recèle-t-il une profession de foi ? Peut-on généraliser à son sujet, y déceler un dessein ? Polémiquons un peu : oui, à bien des égards, le rock fut une machine de guerre infernale qui « n'a rien à voir avec la perfection », relevait Pete Townshend. C'est une musique spontanée, ajoutait le chanteur des Who, souvent mauvaise, rauque, dure et qui communique des sentiments et des idées. Le rock est un immense bûcher funéraire. »
Par commodité, prenons cinq tubes, peut-être les plus pénétrants, les plus emblématiques :
Sympathy for the Devil (juin 1968), un des plus gros succès des Stones : Mick Jagger joue Lucifer. Cette samba primitive ponctuée de son fameux « whoo whoo » crée une ambiance hypnotique. Un texte hallucinant qui confesse la part du diable dans la mort du Christ, les révolutions et les horreurs du XXe siècle. Par la bouche pulpeuse du chanteur le plus charismatique qui soit, il semble dire « bonjour, me revoici ».
Imagine (1971). Sous ses airs de berceuse, John Lennon énonce un credo négatif promouvant un monde sans religion, sans patrie, sans frontières d'où accoucherait une fraternité universelle bien illusoire. Le ton est mi-prophétique mi-désespéré mais tellement gracile et séduisant.
Stairway to Heaven (1971), le plus grand titre de Led Zeppelin. Cette longue mélopée, guitare sèche et flûte à bec, fait penser à la légende du joueur de flûte de Hamelin. Entraînés à sa suite, les enfants disparaissent à jamais. L’escalier vers le ciel raconte l’initiation d’une sorcière. Ce texte contient pléthore de détails ésotériques. L'air envoûtant s'achève en apothéose hard rock où Jimmy page prédit que « nos ombres seront plus grandes que nos âmes ». Sur ce rock je bâtirai mon église, dit en substance Led Zeppelin.
Hotel California (1976). Le tube des Eagles, toujours diffusé sur les ondes. Glenn Frey parle d’une « prison dorée dont la gérante serait une sorte de gourou. Personne ne s’échappe, les locataires seraient "des prisonniers de leur plein gré" », écrit un site spécialisé. On glose encore sur ce mystérieux hôtel. Abrite-t-il une messe noire ou un centre de désintoxication ?
Highway to Hell (1979) d’AC/DC. Un des rares morceaux hard rock encore diffusé à la radio. Bon Scott propulse le groupe à un niveau de popularité inédit. La page Wikipédia dédiée à la chanson fait un contresens en parlant de « l'enfer de la vie sur la route », alors qu'il s'agit d'une autoroute qui mène en enfer...
Sans épiloguer sur le mauvais génie du rock, ce phénomène, adossé au consumérisme naissant et au monde l'argent, changea la manière de se comporter en Occident, à l’égard de soi-même, de sa famille, de l'école, de la religion.
De tout ce qui fonde un ordre à respecter et à aimer.
Watts, c’était le flux électrique des Stones, le plus célèbre des groupes de rock de tous les temps.
Mais qui analyse encore le phénomène de cette tornade sous l'angle sociétal ? Les jeunes de la génération Z en savent souvent très peu de choses. Or, comme le dit une émission de TV des années 80, on est tous les enfants du rock.
Contrairement au charleston ou au twist, ce courant musical ne fut pas un divertissement mais, selon la revue Rolling Stone, « le centre énergétique d'une nouvelle culture et d'une jeunesse en révolution ». Sans parti, ni discours, ni manifeste, ni coup d'État, le beat jeta aux flammes les restes du vieux monde. Avant lui, les pulsions individuelles et collectives étaient canalisées par des institutions : l’expansion missionnaire et coloniale du XIXe siècle, l’exaltation patriotique de la guerre de 14, les rêves du Reich et de Hitler, « l’une des premières rockstars » selon David Bowie, l’Internationale et l’utopie d’une société sans classes, etc. Bref, l’esprit de sacrifice, au cœur de notre humanité, était saturé d’idéologie. Le rock nous délivra du fardeau du sens.
Regardez le symbole des Stones : cette langue et ses lèvres rouges disent que la vie est absurde, que rien ne vaut la peine d’être conservé, qu’il faut jouir de tout et tout de suite car demain n'existe pas et n'existera peut-être jamais. Sexe, drogue et rock 'n' roll : tout ce qui s'oppose à ce message devient méprisable.
L'économie du disque et des media encore peu fragmentés fabriquèrent des audiences et des publics planétaires. De n’importe où, on écoutait les Stones et on admirait Pelé. Seuls le foot et le rock étaient capables d'agréger de telles foules. « Déjà nous sommes plus populaires que Jésus-Christ », s’écriait John Lennon. À ce propos, le rock recèle-t-il une profession de foi ? Peut-on généraliser à son sujet, y déceler un dessein ? Polémiquons un peu : oui, à bien des égards, le rock fut une machine de guerre infernale qui « n'a rien à voir avec la perfection », relevait Pete Townshend. C'est une musique spontanée, ajoutait le chanteur des Who, souvent mauvaise, rauque, dure et qui communique des sentiments et des idées. Le rock est un immense bûcher funéraire. »
Par commodité, prenons cinq tubes, peut-être les plus pénétrants, les plus emblématiques :
Sympathy for the Devil (juin 1968), un des plus gros succès des Stones : Mick Jagger joue Lucifer. Cette samba primitive ponctuée de son fameux « whoo whoo » crée une ambiance hypnotique. Un texte hallucinant qui confesse la part du diable dans la mort du Christ, les révolutions et les horreurs du XXe siècle. Par la bouche pulpeuse du chanteur le plus charismatique qui soit, il semble dire « bonjour, me revoici ».
Imagine (1971). Sous ses airs de berceuse, John Lennon énonce un credo négatif promouvant un monde sans religion, sans patrie, sans frontières d'où accoucherait une fraternité universelle bien illusoire. Le ton est mi-prophétique mi-désespéré mais tellement gracile et séduisant.
Stairway to Heaven (1971), le plus grand titre de Led Zeppelin. Cette longue mélopée, guitare sèche et flûte à bec, fait penser à la légende du joueur de flûte de Hamelin. Entraînés à sa suite, les enfants disparaissent à jamais. L’escalier vers le ciel raconte l’initiation d’une sorcière. Ce texte contient pléthore de détails ésotériques. L'air envoûtant s'achève en apothéose hard rock où Jimmy page prédit que « nos ombres seront plus grandes que nos âmes ». Sur ce rock je bâtirai mon église, dit en substance Led Zeppelin.
Hotel California (1976). Le tube des Eagles, toujours diffusé sur les ondes. Glenn Frey parle d’une « prison dorée dont la gérante serait une sorte de gourou. Personne ne s’échappe, les locataires seraient "des prisonniers de leur plein gré" », écrit un site spécialisé. On glose encore sur ce mystérieux hôtel. Abrite-t-il une messe noire ou un centre de désintoxication ?
Highway to Hell (1979) d’AC/DC. Un des rares morceaux hard rock encore diffusé à la radio. Bon Scott propulse le groupe à un niveau de popularité inédit. La page Wikipédia dédiée à la chanson fait un contresens en parlant de « l'enfer de la vie sur la route », alors qu'il s'agit d'une autoroute qui mène en enfer...
Sans épiloguer sur le mauvais génie du rock, ce phénomène, adossé au consumérisme naissant et au monde l'argent, changea la manière de se comporter en Occident, à l’égard de soi-même, de sa famille, de l'école, de la religion.
De tout ce qui fonde un ordre à respecter et à aimer.