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Volodymyr Zelensky tient encore : retour sur le parcours étonnant d'un chef de guerre malgré lui

Par Peter Bannister. Synthèse n°2416, Publiée le 07/03/2025 - Photo : Volodymyr Zelensky, le 23 février 2025 . Crédits : PAULA BRONSTEIN / GETTY IMAGES EUROPE / Getty Images via AFP
Trois ans après l'invasion russe du 24 février 2022, le président ukrainien Volodymyr Zelensky se maintient encore malgré des difficultés considérables, résistant non seulement à Vladimir Poutine, mais aussi plus récemment aux invectives et pressions de Donald Trump. Retour sur le parcours surprenant de cet humoriste russophone devenu chef de guerre intransigeant et ennemi n°1 de Moscou.

La figure de Volodymyr Zelensky a fait couler beaucoup d'encre réelle et virtuelle depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, et jamais plus que ces derniers jours. Héros pour ses partisans, « dictateur sans élections » pour Donald Trump, « clown cocaïné » pour les Russes, il est indéniablement un des leaders les plus surprenants de la scène géopolitique internationale. Comédien élu à la présidence en 2019 sans expérience ni véritable programme, Zelensky a été transformé malgré lui en un chef de guerre que certains ont comparé à Winston Churchill.

Il faudrait souligner que rien dans le passé de Zelensky ne le prédisposait à son rôle actuel. Né dans une famille juive dans la ville industrielle de Kryvyi Rih, Zelensky est russophone et devait son essor en tant qu'humoriste au succès sur le marché russe. Sa russophilie a pris fin en 2014 avec l'annexion russe de la Crimée. L'ex-président Petro Porochenko (2014-2019) le taxait pourtant de « cheval de Troie » de Poutine lors des élections qui ont amené Zelensky au pouvoir avec 73 % des votes. Ce succès a été avant tout dû au feuilleton télévisé Serviteur du peuple, où Zelensky jouait un professeur d'école humble et honnête, devenu président ukrainien. Cette série satirique, vue par 20 millions de personnes, a fonctionné comme une vraie campagne électorale pour Zelensky.

Après ce saut électoral dans l'inconnu, les débuts de Zelensky comme président ont été problématiques. Ses deux grandes promesses étaient de lutter contre la corruption et de mettre fin au conflit armé en cours depuis 2014 entre Kiev et les séparatistes du Donbass, soutenus par Moscou. Si la popularité de Zelensky a chuté à 37 % à la veille de l'invasion en 2022, c'est à cause de ses difficultés sur ces deux questions. Sa campagne contre la corruption a été décrédibilisée par les révélations des « Pandora Papers », qui l'ont impliqué dans des opérations financières opaques, liées à l'oligarque Ihor Kolomoïski, propriétaire de la chaîne TV qui avait propulsé la carrière de Zelensky. Quant à ses pourparlers avec Poutine, ils ont échoué, n'empêchant pas une attaque massive à laquelle Zelensky n'a jamais cru avant son déclenchement. Son épouse disait à Simon Shuster de TIME Magazine qu'ils ont été totalement surpris par l'assaut du 24 février 2022, et ne se sont en rien préparés à l'arrivée de la guerre.

Avant l'invasion, Zelensky essayait de calmer la population, malgré les informations des services de renseignement (notamment américains). Un politicien plus expérimenté aurait peut-être agi autrement, mais l'invasion de toute l'Ukraine devait être décidée et de facto impossible à empêcher. Le refus de Zelensky de quitter son pays, disant à Joe Biden « j'ai besoin de munitions, pas d'un taxi », a été un tournant décisif qui restera gravé dans l'histoire. S'il avait fui, il est probable que, sans son courage et ses talents d'orateur, l'Ukraine n'aurait pas su repousser l'avancée vers Kiev prévue pour décapiter le régime au début de la guerre. Sous Zelensky et contre toute attente, l'Ukraine a résisté pendant 3 ans.

La position actuelle de Zelensky, déjà délicate à cause de la situation sur le terrain, a certes été fragilisée par le changement radical de la politique étrangère américaine depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Leur rencontre houleuse du 28 février a été qualifiée par tous, de désastre diplomatique, même si pour beaucoup (sauf en Russie et dans les cercles MAGA), c'est l'administration de Trump qui en est sortie plus ternie que Zelensky lui-même. Soutenu ensuite chaleureusement en Europe par les leaders politiques ainsi que le Roi Charles III, sa popularité en Ukraine a bondi de 57 % à 68 % en un mois, selon un sondage de l'Institut de sociologie de Kiev publié aujourd'hui. Même Trump a cité avec appréciation devant le Congrès, un texte dans lequel Zelensky s'est déclaré prêt à chercher la paix sous sa « direction énergique ». Espérant donc une réconciliation entre Zelensky et Trump, beaucoup d'analystes ont été laissés très perplexes par la décision américaine, quelques heures plus tard, de suspendre l'accès ukrainien aux renseignements américains, informations pourtant très importantes au niveau opérationnel. Certains sont convaincus qu'il faudrait relativiser l'impact de l'altercation du 28 février, estimant que, les actions des USA mettant Kiev en grande difficulté afin de forcer l'Ukraine à négocier (ou à capituler selon les interprétations), étaient décidées bien avant. L'économiste russe Andréi Illarionov, ancien conseiller de Poutine vivant aux Etats-Unis, dit déjà avoir appris - comme d'autres - le 25 février par une personne proche de l'administration de Trump, que le gouvernement américain voulait couper l'aide militaire à Kiev. Illarionov en déduit que, les verts reproches de Trump et JD Vance envers Zelensky (prédits également par le député russe Oleg Morozov) devant les caméras, avaient comme but de fournir au public américain une justification pour le lâchage de l'Ukraine. Le vrai gagnant de la dispute a pourtant été Moscou, dont les objectifs restent inchangés et qui a répété le 6 mars son refus de tout cessez-le-feu avant l'issue finale de la guerre.


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Le Grand Dossier - Aide Américaine : l'ultimatum de Trump à Zelensky
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0 commentaire
Michel
Le 08/03/2025 à 09:17
C 'est cool, on voit que même vous qui n'écrivez d'habitude pas la même propagande que les autres, vous avez aussi vos hommes de gauche qui restent dans le cliché. Trump est un salaud, Zelensky est un chef de guerre et un héro. Bref tous les clichés de propagande que l 'on entend a longueur de temps depuis 3 ans. Les faits sont pourtant la .. depuis le "débile" Trump arrivé au pouvoir, les lignes bougent alors qu'elles restaient figée auparavant. On évoque enfin une paix; mais la au surprise.. personne dans le camps Européen ne semble la vouloir vraiment.. Mais cela doit être logique Orwell en avant déja parlé dans son livre 1984, décidemment visionnaire sur pas mal de sujets : La guerre pour la paix..
Michel
Le 08/03/2025 à 09:17
C 'est cool, on voit que même vous qui n'écrivez d'habitude pas la même propagande que les autres, vous avez aussi vos hommes de gauche qui restent dans le cliché. Trump est un salaud, Zelensky est un chef de guerre et un héro. Bref tous les clichés de propagande que l 'on entend a longueur de temps depuis 3 ans. Les faits sont pourtant la .. depuis le "débile" Trump arrivé au pouvoir, les lignes bougent alors qu'elles restaient figée auparavant. On évoque enfin une paix; mais la au surprise.. personne dans le camps Européen ne semble la vouloir vraiment.. Mais cela doit être logique Orwell en avant déja parlé dans son livre 1984, décidemment visionnaire sur pas mal de sujets : La guerre pour la paix..
Le 07/03/2025 à 20:50
Analyse avec Philippe de Villiers. https://www.youtube.com/watch?v=7DW7BctHbmI Clash Trump vs Zelensky : "Zelensky a voulu la guerre et il l’a perdue"
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