Économie

« Miel Connection », quand la crise du miel ouvre la porte aux alternatives technologiques

Par Raphaël Lepilleur. Synthèse n°2415, Publiée le 06/03/2025 - Photo : Le marché du miel est aujourd'hui en pleine transformation . Crédits : Shutterstock
Le miel n'échappe ni à la mondialisation, ni à la fraude. Vols de ruches, importations de miel frelaté, concurrence déloyale : la filière est sous pression. Pendant ce temps, les apiculteurs français doivent faire face à des contraintes économiques, réglementaires et criminelles. Un marché complexe, où l'on peine à s'y retrouver, et où les innovations technologiques tentent de compenser le déclin des abeilles.

Une étude menée sous l'égide de l'UE a révélé que près d'un miel importé sur deux (46 %) est frauduleux (l'Ukraine est le premier fournisseur du marché français). Autrefois coupé avec des sirops de maïs, il est désormais mélangé avec des sirops de riz, de blé et de betterave, plus difficiles à détecter avec les tests en vigueur. Comme dans tout marché gangrené par la fraude, les trafiquants redoublent d'ingéniosité.

Des chercheurs de l'Université de Cranfield ont mis au point deux technologies pour détecter la fraude au miel. La spectroscopie Raman (utilisant un laser), couplée à l'intelligence artificielle, analyse la composition du miel sans ouvrir le pot, identifiant instantanément les sirops de sucre. L'analyse ADN quant à elle, repère les traces de sirops de riz et de maïs même à 1 % de dilution.

Un autre fléau frappe le milieu, le vol de ruches, un phénomène en pleine explosion qui a augmenté de 50 % en 2021, laissant des exploitants ruinés. Des faits qui se multiplient dans toute la France et les DOM-TOM.

C'est un trafic organisé, où le repérage est une étape clé. Avant d'agir, les voleurs vérifient l'état des ruches, en brisant des cadres ou en déplaçant les hausses, causant un vandalisme qui affaiblit les colonies et déstabilise l'exploitation. Entre le vol et la destruction, les apiculteurs vivent dans la peur constante de voir leurs ruches pillées, abîmées, voire disparaître totalement du jour au lendemain. Beaucoup gardent leur emplacement secret.

De nombreuses ruches finissent à l'étranger, intégrées à des circuits illégaux, parfois liés au crime organisé. Pour se protéger, certains apiculteurs installent des caméras et des GPS, mais ces moyens coûtent cher et restent insuffisants face à l'ampleur du phénomène.

Avec la surmortalité des colonies, due aux pesticides, au changement climatique et aux parasites, les essaims (groupe d'abeilles avec une reine et ses ouvrières) sont aussi devenus une denrée rare. Aujourd'hui, ils se négocient autour de 200 euros, soit le double d'il y a quelques années.

Si la disparition des abeilles a longtemps été perçue comme une menace écologique majeure (on a tous entendu que la terre ne survivrait pas sans elles), la technologie semble désormais offrir une alternative (ou un palliatif, tout dépend de son positionnement).

Le BrambleBee, par exemple, est un robot qui disperse du pollen dans l'air pour fertiliser les cultures les plus simples. Mais pour les plantes nécessitant une pollinisation plus précise, des chercheurs ont développé des solutions plus poussées.

Dernière avancée en date, le Massachusets Institute of Technology a révélé en janvier 2025 un nano-drone pollinisateur bionique, capable d'imiter le vol des abeilles grâce à des ailes artificielles et de polliniser sans relâche. Face au déclin des abeilles, c'est un nouveau marché qui s'ouvre !

À toutes ces menaces s'ajoute le frelon asiatique, prédateur redoutable qui décime les abeilles, les capturant une à une devant les ruches jusqu'à provoquer l'effondrement de colonies entières. Face à cela, tout le monde pourrait agir en mettant simplement un piège dans son jardin.

Comme évoqué dans La Sélection du Jour du 5 février 2024, Grégory Cornet, apiculteur récoltant multimédaillé du Domaine Apicole des Merisiers dans la Somme, a confirmé que la principale menace pour les apiculteurs reste la concurrence étrangère. « On importe à des prix défiant toute concurrence, ce qui finira par couler les apiculteurs français ». Selon lui, « on devrait aider des apiculteurs à s'installer » afin de renforcer la production locale et tendre vers l'autosuffisance.

Il pointe aussi l'impact des pesticides sur les abeilles. Beaucoup d'agriculteurs « ne respectent pas les horaires de traitement. S'ils pulvérisaient en fin de journée, après le retour des butineuses, les dégâts seraient moindres ». Il alerte aussi sur la réintroduction des néonicotinoïdes. « On avait obtenu leur interdiction, mais ils les ont réintroduits. Un pas en avant, deux pas en arrière ». Il faut tout de même souligner quelques victoires récentes, comme celle de « générations futures ».

Il appartient désormais à chacun de choisir l'orientation que nous voulons donner à notre terroir. La France a toujours été une terre de miel. Il y a forcément des apiculteurs à côté de chez vous, des dépôts chez des artisans locaux, des stands sur les marchés…

Les miels d'assemblage internationaux vendus en grande surface sont forcément chauffés. Pourquoi ? Parce qu'ils proviennent de multiples sources, qu'ils doivent être homogénéisés, et qu'ils sont avant tout, pensés pour le marché et non pour la qualité. En clair, ce sont des sirops de sucre, vidés de leurs bienfaits.

En grande surface, préférez un miel français portant la mention « extrait à froid » ou « non pasteurisé ». S'il n'y a aucune mention, c'est qu'il a été chauffé. Des alternatives digitales comme « la plateforme du miel » existent.

Attention, les artisans ne le précisent généralement pas, car cela va de soi. Un apiculteur artisanal ne chauffe pas son miel, il n'en a ni l'envie ni l'intérêt. Et en termes de prix, vous vous y retrouverez aussi !

Le miel, c'est bien plus qu'un simple aliment : cosmétiques, médicaments, gelée royale, propolis, etc., une filière aux multiples facettes que nous n'avons fait qu'effleurer.



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Europe : haro sur le faux miel importé ! | ARTE Regards
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