
Amazon a racheté la franchise « 007 » : Que Dieu sauve James Bond !
Un personnage légendaire qui a été le héros de 25 films dans les salles de cinéma, depuis 1962 (« James Bond contre Dr No ») jusqu'au dernier « Mourir peut attendre » de 2021… Le personnage est né de l'imagination fertile du romancier britannique Ian Fleming en 1953. Dès 1961, les producteurs Albert R. Broccoli et Harry Saltzman ont acquis les droits sur les romans et ont créé la société EON Productions dédiée (presque exclusivement) à l'agent 007. Une légende est née : pas moins de 5 Oscars décernés en une soixantaine d'années. Et plus de 7 milliards de revenus cumulés ! EON Productions est restée indépendante, travaillant avec MGM pour la distribution. Britannique jusqu'au bout des ongles, le siège est situé aux Pinewood Studios – dans le Buckinghamshire près de Londres. Après la mort d'Albert R. Broccoli en 1996, le flambeau a été repris par sa fille Barbara et son gendre Michael G. Wilson. Le duo a gardé jalousement les rênes d'EON Productions et de tout ce qui touchait à la créativité.
Mais voilà qu'un coup de tonnerre a retenti le 20 février dernier : Amazon MGM Studios a finalement convaincu Barbara Broccoli et Michael G. Wilson de leur laisser le plein contrôle de la franchise 007, pour la modique somme de 1 milliard de dollars. Une nouvelle avait déjà inquiété les fans : en mars 2022, Amazon avait mis la main sur MGM pour 8,5 milliards de dollars. Il ne faisait déjà pas de doute que le géant des GAFAM ciblait l'agent de sa Majesté. Les pressions s'étaient accentuées sur les héritiers Broccoli : Amazon voulait faire de la franchise « James Bond » une source de produits dérivés. Comme des « spin-offs » prenant par exemple pour héroïne Miss Moneypenny. Hors de question pour Barbara Broccoli jusqu'à ce que les pennies de Jeff Bezos la fassent céder. On peut en effet s'inquiéter de la suite : les fans du « Seigneur des anneaux » ont été pour la plupart révulsés par la série « Les anneaux de pouvoir » distribuée par la plateforme Prime Video – propriété d'Amazon. Elle s'éloignait ostensiblement du monde créé par J.R. Tolkien. Amazon MGM Studios est en effet une machine industrielle qui cherche à exploiter du contenu plutôt que de produire de l'art cinématographique.
Jeff Bezos, le magnat à la tête d'Amazon, ferait un parfait « méchant ». Le fauteuil de directeur de Spectre, avec un chat lymphatique encore plus poilu que le torse de Sean Connery, lui sierait à merveille… Mais, qu'a-t-il acheté réellement en versant une rançon d'1 milliard de dollars ? Car James Bond est mort à la fin de « Mourir peut attendre » (2021). Un peu cher pour un cadavre ! Braquer les projecteurs sur Moneypenny ou le génial et excentrique inventeur Q ? Ce ne sont que des satellites de l'agent héroïque. Sinon, comment faire revivre James Bond – avec quel acteur ? James Bond a vécu une petite mort avec l'arrivée de Daniel Craig comme son interprète. Après le très bon « Casino Royale » (2006) qui replongeait dans la genèse de l'histoire écrite par Fleming, le James Bond des années suivantes (« Quantum of Solace », « Skyfall », « Spectre » et « No time to die ») a bien changé… Madame Broccoli a jugé qu'il était temps que ce « dinosaure sexiste et misogyne, une relique de la Guerre froide » se déconstruise. C'était annoncé dès 1995 dans « GoldenEye » quand l'agent joué par Pierce Brosnan fait face à sa patronne M. La dérive « woke » de l'agent 007 était déjà engagée par la paire Broccoli – Wilson. Barbara Broccoli considérait – à l'image de M, dans l'extrait mentionné plus haut – que James Bond devait se complexifier, voire se féminiser. Alors que le personnage de Fleming a vécu toutes les tentations sauf celle de l'introspection… C'est dans « Casino Royale » qu'on assiste à une scène de torture ressemblant à une tentative d'émasculer l'agent de sa très gracieuse Majesté. Dans les derniers James Bond, Daniel Craig a eu tendance à pleurnicher de plus en plus souvent tout en perdant l'humour et le second degré qui mettait de la distance entre le héros et le spectateur – jusqu'à son sacrifice ultime dans « Mourir peut attendre ». Et l'annonce de son remplacement par un nouvel agent 007, une femme noire…
Que va donc faire Amazon de la dépouille refroidie d'un James Bond déconstruit ? La rumeur voulait que les aventures de James Bond seraient poursuivies par une femme de couleur en droite ligne avec les obsessions de diversité chères à Hollywood. Or, le monde vit un profond bouleversement depuis l'élection de Trump. Et Jeff Bezos a senti le vent tourner ! Il a d'ailleurs fait appel aux fans via Instagram fin février pour leur demander qui devait incarner l'espion. Et la réponse a été nette, en plébiscitant un retour au James Bond de Fleming : l'acteur britannique Henry Cavill fait la course en tête. Avec Amazon tout reste envisageable mais une théorie tient la corde : plutôt que de scénariser une improbable résurrection, mieux vaudrait revenir dans les années 60 au cœur de la Guerre froide, avec un James Bond qui n'a aucun conflit avec un demi-frère perturbé, et qui excuse tous ses écarts, en évoquant le service à sa patrie …