Christianisme
Virus ou poison ?
« N’ayez pas peur ! » s’écriait Jean-Paul II. En ces temps d’épidémie, cette injonction ferait-elle office de vaccin ? Certains pensent que oui, quitte à instiller le poison de la discorde. Des évêques se voient reprocher de protéger leurs ouailles à l'excès. À Paris, par exemple, Mgr Michel Aupetit demandait samedi dernier de :
- proposer la communion uniquement dans les mains des fidèles et refuser de la donner dans la bouche ;
- ne pas proposer de communion au calice pour les fidèles ;
- demander aux concélébrants de communier par intinction (tremper l’hostie dans le calice) ;
- demander aux fidèles de ne pas échanger de poignée de main en signe de paix pendant les messes ;
- vider les bénitiers présents dans l'église.
L’archevêché prit cette initiative après que l’un de ses prêtres, de retour d'Italie, eut été contaminé (sans gravité puisqu’il a quitté l’hôpital). Réflexe de médecin, Mgr Aupetit invite « à prier pour les malades et les soignants, qu'il confie à l'intercession de sainte Geneviève, patronne de Paris ». La situation n’est pas comparable à celle de l’Oise, où une centaine de messes furent supprimées dimanche dernier, d’où une controverse axée en gros sur trois reproches :
1. L’épiscopat enverrait un énième signal de sa soumission à la République. Il devancerait même l’intention des anticléricaux de faire fermer les églises. Il suffit d'agiter la peur d'un virus moins dangereux que la grippe (10.000 à 15.000 décès annuels en France) pour que les catholiques se liquéfient.
2. Le clergé ferait preuve d’un manque de confiance en Dieu. Laïcisés jusqu’à la moelle, les curés réagiraient comme des bureaucrates à la tête d’un ministère (avec un petit m).
3. Conséquence : cette peur priverait les fidèles de l'accès aux sacrements – qui justement pourraient renforcer leur immunité naturelle et surnaturelle. Un auditeur de RND : « Pour les curés, Jésus est moins fort et moins important que le virus puisque, dès que le pays tousse, on fait en sorte de s'en passer. »
Ces points mérite un petit commentaire :
1. L’Église est une institution qui, partout, joue un rôle capital sur le plan humanitaire et sanitaire. À ce titre-là, elle collabore avec des pouvoirs publics qui la perçoivent comme compétente et légitime. Les clercs ne veulent pas être tenus pour responsables de la propagation du virus, comme cela est le cas en Corée du Sud. Que dirait-on si l’Église ne faisait rien et si l’épidémie se révélait plus grave que prévue ? On aurait assez d’audace pour l’accuser d’être restée silencieuse, une fois de plus. La pression que les affaires sexuelles lui font subir l’oblige à monter en première ligne.
2. Mgr Denis Jachiet affirme sur RND : « Croire que parce qu’on prie, on ne doit pas prendre des mesures d’hygiène, c’est une mauvaise compréhension de que le Seigneur nous demande. » Pourquoi la foi contredirait-elle la prudence, indexée au rang des vertus cardinales ? C’est comme laisser son bébé sans surveillance dans sa baignoire en pensant que son ange gardien va l’empêcher de se noyer (c’est l’une des scènes du film Les Éblouis épinglant les dérives d’une communauté charismatique).
3. Nul ne souhaite que les églises soient désertées. Néanmoins, certains le comprennent ainsi, comme Mgr Pascal Rolland, évêque de Belley-Ars : « Alors que les moyens sanitaires n’étaient pas ceux d’aujourd’hui, dit-il, les populations chrétiennes se sont illustrées par des démarches de prière collective, ainsi que par le secours aux malades, l’assistance aux mourants et la sépulture des défunts. Bref, les disciples du Christ ne se sont ni détournés de Dieu ni dérobés au semblable. Bien au contraire ! » Assimiler des mesures de précaution à une dérobade relève du malentendu, au sens strict du mot.
Il n’empêche. Si malentendu il y a, ce n’est pas sans raisons (même si cela ne concerne pas tout le monde). On peut en distinguer trois :
1. Tout ce qui vient des media est rejeté. L’épidémie serait passée sous silence, nul doute que ceux qui se plaignent des directives ecclésiales les auraient applaudies.
2. La peur de disparaître l’emporte sur tout. Les migrants lâchés par la Turquie sont perçus comme une nuée de criquets venant ravager la culture occidentale. Dans l’Oise, cœur du domaine capétien, le culte musulman sera-t-il le seul à être célébré, par la faute de l’évêque ?
3. L’épidémie est une occasion de se montrer, pas de se cacher ni de se coucher. Un auditeur de RND : « Que craignent les chrétiens à se rassembler dans la maison de Dieu ? Bientôt les autorités vont interdire d’aller à Lourdes ! »
Existerait-il un clivage entre l’Église qui est dans le monde et l’Église qui n’est pas du monde ? S’il est absurde de les opposer, ces visions semblent commander des attitudes différentes. Les uns seraient enfin dépouillés des superstitions du paganisme chrétien qui priait publiquement pour avoir la pluie. Les seconds seraient toujours habités par une croyance irrationnelle et obtuse qui leur ferait traverser toutes les tempêtes de l’histoire. Et la République dans tout ça ? Elle le sait depuis Voltaire : à Lisbonne, Dieu n’était pas là.
- proposer la communion uniquement dans les mains des fidèles et refuser de la donner dans la bouche ;
- ne pas proposer de communion au calice pour les fidèles ;
- demander aux concélébrants de communier par intinction (tremper l’hostie dans le calice) ;
- demander aux fidèles de ne pas échanger de poignée de main en signe de paix pendant les messes ;
- vider les bénitiers présents dans l'église.
L’archevêché prit cette initiative après que l’un de ses prêtres, de retour d'Italie, eut été contaminé (sans gravité puisqu’il a quitté l’hôpital). Réflexe de médecin, Mgr Aupetit invite « à prier pour les malades et les soignants, qu'il confie à l'intercession de sainte Geneviève, patronne de Paris ». La situation n’est pas comparable à celle de l’Oise, où une centaine de messes furent supprimées dimanche dernier, d’où une controverse axée en gros sur trois reproches :
1. L’épiscopat enverrait un énième signal de sa soumission à la République. Il devancerait même l’intention des anticléricaux de faire fermer les églises. Il suffit d'agiter la peur d'un virus moins dangereux que la grippe (10.000 à 15.000 décès annuels en France) pour que les catholiques se liquéfient.
2. Le clergé ferait preuve d’un manque de confiance en Dieu. Laïcisés jusqu’à la moelle, les curés réagiraient comme des bureaucrates à la tête d’un ministère (avec un petit m).
3. Conséquence : cette peur priverait les fidèles de l'accès aux sacrements – qui justement pourraient renforcer leur immunité naturelle et surnaturelle. Un auditeur de RND : « Pour les curés, Jésus est moins fort et moins important que le virus puisque, dès que le pays tousse, on fait en sorte de s'en passer. »
Ces points mérite un petit commentaire :
1. L’Église est une institution qui, partout, joue un rôle capital sur le plan humanitaire et sanitaire. À ce titre-là, elle collabore avec des pouvoirs publics qui la perçoivent comme compétente et légitime. Les clercs ne veulent pas être tenus pour responsables de la propagation du virus, comme cela est le cas en Corée du Sud. Que dirait-on si l’Église ne faisait rien et si l’épidémie se révélait plus grave que prévue ? On aurait assez d’audace pour l’accuser d’être restée silencieuse, une fois de plus. La pression que les affaires sexuelles lui font subir l’oblige à monter en première ligne.
2. Mgr Denis Jachiet affirme sur RND : « Croire que parce qu’on prie, on ne doit pas prendre des mesures d’hygiène, c’est une mauvaise compréhension de que le Seigneur nous demande. » Pourquoi la foi contredirait-elle la prudence, indexée au rang des vertus cardinales ? C’est comme laisser son bébé sans surveillance dans sa baignoire en pensant que son ange gardien va l’empêcher de se noyer (c’est l’une des scènes du film Les Éblouis épinglant les dérives d’une communauté charismatique).
3. Nul ne souhaite que les églises soient désertées. Néanmoins, certains le comprennent ainsi, comme Mgr Pascal Rolland, évêque de Belley-Ars : « Alors que les moyens sanitaires n’étaient pas ceux d’aujourd’hui, dit-il, les populations chrétiennes se sont illustrées par des démarches de prière collective, ainsi que par le secours aux malades, l’assistance aux mourants et la sépulture des défunts. Bref, les disciples du Christ ne se sont ni détournés de Dieu ni dérobés au semblable. Bien au contraire ! » Assimiler des mesures de précaution à une dérobade relève du malentendu, au sens strict du mot.
Il n’empêche. Si malentendu il y a, ce n’est pas sans raisons (même si cela ne concerne pas tout le monde). On peut en distinguer trois :
1. Tout ce qui vient des media est rejeté. L’épidémie serait passée sous silence, nul doute que ceux qui se plaignent des directives ecclésiales les auraient applaudies.
2. La peur de disparaître l’emporte sur tout. Les migrants lâchés par la Turquie sont perçus comme une nuée de criquets venant ravager la culture occidentale. Dans l’Oise, cœur du domaine capétien, le culte musulman sera-t-il le seul à être célébré, par la faute de l’évêque ?
3. L’épidémie est une occasion de se montrer, pas de se cacher ni de se coucher. Un auditeur de RND : « Que craignent les chrétiens à se rassembler dans la maison de Dieu ? Bientôt les autorités vont interdire d’aller à Lourdes ! »
Existerait-il un clivage entre l’Église qui est dans le monde et l’Église qui n’est pas du monde ? S’il est absurde de les opposer, ces visions semblent commander des attitudes différentes. Les uns seraient enfin dépouillés des superstitions du paganisme chrétien qui priait publiquement pour avoir la pluie. Les seconds seraient toujours habités par une croyance irrationnelle et obtuse qui leur ferait traverser toutes les tempêtes de l’histoire. Et la République dans tout ça ? Elle le sait depuis Voltaire : à Lisbonne, Dieu n’était pas là.