International

Le Venezuela alimente les velléités nationalistes de sa population

Par Benoit Bertan de Balanda. Synthèse n°2059, Publiée le 13/12/2023 - Photo AFP - Federico Parra - Le président vénézuélien Nicolas Maduro, le président du Conseil national électoral (CNE) Elvis Amoroso et le président de l'Assemblée nationale bolivarienne Jorge Rodriguez, donnent une conférence de presse au lendemain du ré

Dimanche 3 décembre, un référendum a été organisé au Venezuela, posant sur la question de l'annexion de l'Essequibo au Venezuela. Ces 160 000 km² de jungle qui appartiennent au Guyana voisin représentent plus des 2/3 de son territoire et abritent 125 000 de ses citoyens, sur 800.000 au total.

Le litige est ancien mais il a été réactivé récemment. En 1811, quand le Venezuela acquiert son indépendance, l'Essequibo lui appartient. Cependant, alors qu'il fait face à plusieurs difficultés, le Royaume Uni, alors colonisateur du Guyana annexe l'Essequibo, ce qui n'a jamais été reconnu par le Venezuela. En 1899, une commission d'arbitrage est formée à Paris, opposant deux Etatsuniens, représentant les intérêts vénézuéliens (le Venezuela s'était reposé sur les Etats-Unis pour peser dans la décision), et deux Britanniques (le Guyana est encore une colonie), sous la houlette d'un juge russe. La décision fut finalement prise d'octroyer définitivement l'Essequibo au Guyana. En 1963, alors que le Guyana marchait vers son indépendance, des voix se font entendre au Venezuela pour réclamer le territoire. Le gouvernement vénézuélien argue de la nullité de l'arbitrage de 1899, le juge russe ayant été soumis aux pressions britanniques. Malgré quelques incidents ces dernières années, cette position est restée une position de principe.

Selon les autorités locales, le Venezuela a voté à 95 % « oui » à ce referendum déclaré illégal par la Cour Internationale de Justice de La Haye (CIJ) . Pourquoi ces vieilles tensions se réveillent-elles en ce moment ? Cette décision de Caracas est motivée par des raisons internes et des raisons externes. Nicolàs Maduro, président vénézuélien fait face à une situation économique des plus compliquées. Le Venezuela présente l'inflation la plus élevé du monde, pour la dixième année consécutive, avec une hausse des prix estimée à 360 % en 2023 (ce taux avait atteint 65 000 % en 2018 selon le FMI). Les élections présidentielles sont dans un an, il cherche donc à décentrer l'attention des Vénézuéliens en réveillant des vieilles querelles nationalistes. Cela oblige également l'opposition à se prononcer soit en sa faveur soit en faveur d'une opinion que ne partage quasiment aucun Vénézuélien.

Par ailleurs, en 2015, ExxonMobil a découvert au large du Guyana d'impressionnantes réserves de pétrole qui pourraient faire du Guyana le pays ayant le plus de réserves de pétrole par habitant du monde, devant le Koweït, qui détient actuellement le record. Grâce à ces réserves, la croissance du PIB guyanien a ainsi été de 62 % en 2022 et de 38 % en 2023, soit un doublement de la croissance en deux ans. Caracas louche sur ces réserves, y voyant un moyen possible de sortir de sa crise économique.

Plus largement, ce conflit pourrait lui aussi avoir une portée mondiale. Le Brésil, puissance militaire de la région a commencé à mis ses troupes en état d'alerte sur la frontière pour prévenir toute velléité militaire provocante, sans annoncer quel camp il soutiendrait. Il cherche surtout à éviter des troubles, qui rendraient la région instable. Par ailleurs, s'il éclatait, ce conflit serait un nouveau conflit de proxies  : le Venezuela est un allié proche de la Russie, qui a un grand intérêt à allumer des feux dans l'environnement proche des Etats-Unis pour les forcer à se déconcentrer de l'Ukraine. L'une des Majors pétrolières américaines – ExxonMobil – est impliquée. Le Venezuela est considéré comme un Etat voyou par les Etats-Unis, qui lui imposent des sanctions depuis plusieurs années. En cas de conflit, un soutien américain aux ennemis du Venezuela est très probable. Les intérêts de la France sont également en jeu. D'abord par ce que le Guyana se situe dans la même aire géographique que la Guyane française. Ensuite parce que l'entreprise française Total a investi dans la prospection des eaux guyaniennes. Enfin, le Guyana faisant partie du Commonwealth, les Britanniques pourraient vouloir défendre ce petit pays.

Alors que tous les regards sont tournés vers l'Ukraine et la Palestine, Maduro pourrait vouloir en profiter pour récupérer l'Essequibo. Mais il est aussi possible que ce ne soit qu'une campagne de bluff en vue des élections.

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Venezuela : comme attendu, le référendum est un « oui » massif au rattachement de l'Essequibo
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1 commentaire
Le 17/12/2023 à 02:26
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