Santé
Un sondage intéressant sur l'IVG
Dans une précédente LSDJ (n°1077), nous faisions valoir que, contrairement aux États-Unis, l’avortement n’est pas chez nous un sujet politique. Au sens où aucun personnage ne s’avise d’en dire du mal ou simplement de parler de ses effets. Son plan de carrière, sa vie sociale même, s’en trouveraient laminés. L’IVG, c'est un acquis, ou alors tu prends le maquis. Néanmoins, l’histoire ne s’arrête jamais et du côté des jusqu’auboutistes, on en réclame toujours plus. Pourra-t-on bientôt avorter jusqu'à la 14e semaine de grossesse ? Cette question sera débattue demain à l’Assemblée nationale. Elle est portée par une ancienne marcheuse, Albane Gaillot, membre du groupe Écologie Démocratie Solidarité. Sur ce coup, LREM soutient sa dissidence de gauche. Christophe Castaner, recasé à la tête des parlementaires En Marche, indique qu'il votera cette proposition de loi, comme « un grand nombre de députés de la majorité ». Une manière de leur faire passer une consigne.
De son côté, le gouvernement se montre plus prudent. Il veut à la fois se défausser et se border, comme le montre la réaction de son porte-parole Gabriel Attal : l'exécutif fera valoir une « position de sagesse » tout en s'en remettant « à la décision des parlementaires ». En fait, il attend l'avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), saisi mardi par le ministre de la Santé. Cet avis devrait être rendu avant le passage du texte au Sénat.
Pourquoi cette prudence, alors que l’exécutif ne se met pas en danger ce sujet ? Le nombre d'IVG atteint son plus haut niveau depuis 45 ans (232000 en 2019). Sans doute craint-il la réaction d’une partie des médecins – qui flairent le coup fourré. Car ils sont de moins en moins nombreux à faire des avortements. Comme des centres IVG ferment, il s’écoule souvent plusieurs semaines entre le premier rendez-vous et l'intervention. « On ne peut pas compenser cela en allongeant le délai car on accroît le risque du geste », s’insurge le professeur Israël Nisand, président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Son syndicat souhaite que l'on « donne les moyens aux hôpitaux de recevoir les femmes en demande d'IVG en urgence, sans les faire traîner ». Qui peut croire qu’en pleine séquence Covid, la rhétorique des moyens puisse peser dans ce débat ? Allonger le délai légal est une manière de piéger le corps médical, de lui dire qu'il ne se dérobera pas. Cette proposition de loi focalise sur les 3000 à 4000 femmes « hors délai » qui partiraient avorter à l'étranger, principalement en Espagne, où l'IVG est permise jusqu'à 14 semaines, et aux Pays-Bas (22 semaines).
On le voit : ce débat ne vole pas très haut. Près d’un demi-siècle après la loi Veil, l’avortement n’est traité que sous l’angle de sa faisabilité. Une association « pro-vie » prend le sujet par un autre bout, celui du caractère indolore de l’IVG. Gouvernement comme associations féministes dénient le syndrome post-traumatique. Or, un sondage de l’IFOP commandé par Alliance Vita dit l’inverse. Le Figaro s’en fait l’écho sous le titre : « 92% des Français considèrent qu'un avortement laisse "des traces psychologiques" difficiles à vivre pour les femmes. » D’ordinaire, on sait quoi penser de beaucoup d’enquêtes d’opinion. Celles-ci amènent le sondeur à satisfaire le payeur, à formuler les questions d’une certaine manière qu’on y réponde dans un certain sens. Quand les résultats sont tangents, l’enquête n’est pas probante. Ici, la réponse est massive et toutes les autres questions posées sur ce sujet produisent des résultats d’une ampleur comparable. Ce sondage crée un effet boomerang. Il renvoie l’argument de la « détresse psychosociale » avancé par les pro-IVG. Cette détresse aux contours flous justifierait de passer à l’acte au-delà du délai légal. Le sondage dit que c’est l’avortement qui provoque une détresse, de surcroît à long terme. Une bataille sémantique se noue autour de ce concept. Va-t-elle perdurer ? Sera-t-elle relayée ? Sémantique ne veut pas dire politique. Gabriel Attal parle de « sagesse ». Chacun pourra vérifier sur ce sujet la définition qu’il en donne.
De son côté, le gouvernement se montre plus prudent. Il veut à la fois se défausser et se border, comme le montre la réaction de son porte-parole Gabriel Attal : l'exécutif fera valoir une « position de sagesse » tout en s'en remettant « à la décision des parlementaires ». En fait, il attend l'avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), saisi mardi par le ministre de la Santé. Cet avis devrait être rendu avant le passage du texte au Sénat.
Pourquoi cette prudence, alors que l’exécutif ne se met pas en danger ce sujet ? Le nombre d'IVG atteint son plus haut niveau depuis 45 ans (232000 en 2019). Sans doute craint-il la réaction d’une partie des médecins – qui flairent le coup fourré. Car ils sont de moins en moins nombreux à faire des avortements. Comme des centres IVG ferment, il s’écoule souvent plusieurs semaines entre le premier rendez-vous et l'intervention. « On ne peut pas compenser cela en allongeant le délai car on accroît le risque du geste », s’insurge le professeur Israël Nisand, président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Son syndicat souhaite que l'on « donne les moyens aux hôpitaux de recevoir les femmes en demande d'IVG en urgence, sans les faire traîner ». Qui peut croire qu’en pleine séquence Covid, la rhétorique des moyens puisse peser dans ce débat ? Allonger le délai légal est une manière de piéger le corps médical, de lui dire qu'il ne se dérobera pas. Cette proposition de loi focalise sur les 3000 à 4000 femmes « hors délai » qui partiraient avorter à l'étranger, principalement en Espagne, où l'IVG est permise jusqu'à 14 semaines, et aux Pays-Bas (22 semaines).
On le voit : ce débat ne vole pas très haut. Près d’un demi-siècle après la loi Veil, l’avortement n’est traité que sous l’angle de sa faisabilité. Une association « pro-vie » prend le sujet par un autre bout, celui du caractère indolore de l’IVG. Gouvernement comme associations féministes dénient le syndrome post-traumatique. Or, un sondage de l’IFOP commandé par Alliance Vita dit l’inverse. Le Figaro s’en fait l’écho sous le titre : « 92% des Français considèrent qu'un avortement laisse "des traces psychologiques" difficiles à vivre pour les femmes. » D’ordinaire, on sait quoi penser de beaucoup d’enquêtes d’opinion. Celles-ci amènent le sondeur à satisfaire le payeur, à formuler les questions d’une certaine manière qu’on y réponde dans un certain sens. Quand les résultats sont tangents, l’enquête n’est pas probante. Ici, la réponse est massive et toutes les autres questions posées sur ce sujet produisent des résultats d’une ampleur comparable. Ce sondage crée un effet boomerang. Il renvoie l’argument de la « détresse psychosociale » avancé par les pro-IVG. Cette détresse aux contours flous justifierait de passer à l’acte au-delà du délai légal. Le sondage dit que c’est l’avortement qui provoque une détresse, de surcroît à long terme. Une bataille sémantique se noue autour de ce concept. Va-t-elle perdurer ? Sera-t-elle relayée ? Sémantique ne veut pas dire politique. Gabriel Attal parle de « sagesse ». Chacun pourra vérifier sur ce sujet la définition qu’il en donne.