Politique
Un PC pour Jupiter
Quand la presse joue son rôle, elle répond à la mission du journalisme : être les yeux des lecteurs. L’homme de plume passe inaperçu et paraît inoffensif à l'ère de la toute-puissance audiovisuelle. Il peut aller dans des endroits où caméras et micros ne passent pas. Serait-ce la revanche inédite de l'écrit sur l'image et le son ? Récemment, Le Figaro nous plongea dans le secret du Conseil de défense et de sécurité nationale. À 70 m sous terre, dans le bunker antiatomique de l’Élysée, « on a l’impression d’entrer dans un sous-marin », rapporte un participant. La salle exiguë abrite le PC Jupiter, le cœur de la dissuasion nucléaire. « Nous sommes en guerre », s’était écrié Emmanuel Macron. Cette rhétorique lui fut peut-être inspirée par ce lieu confiné, comme si l’exécutif devait éprouver ce qu’il infligeait à la population.
Tous les mercredis matins, le pouvoir « se drape dans sa gravité », pointe Le Figaro. À côté, le Conseil des ministres ressemble à une « pâle copie ». Depuis belle lurette, ce rituel figure parmi les rendez-vous les plus routiniers du journalisme politique : « "La plupart des échanges (…) sortaient toutes les semaines dans Le Canard enchaîné", rappelle Manuel Valls. Jamais ceux du Conseil de défense. » Le Figaro mobilisa trois journalistes pour pénétrer « le saint des saints du pouvoir régalien » – d’où partent « quelques discrets tunnels, prévus pour exfiltrer le chef de l’État en cas d’attaque ». Furent-ils dépoussiérés quand les Gilets jaunes s’approchèrent trop près du Château ? Nul ne le sait.
Car « c’est dans cette salle que se déroulent (…) les réunions souterraines les plus décisives de la République. Elles sont censées durer une heure (…) et seuls ceux qui ont "besoin d’en connaître" seront informés ». L’expression vient du monde du renseignement. Les abonnés du Figaro auront l’impression d’y être quand les journalistes décrivent le protocole de sécurité : « Les éléments inutiles doivent être détruits via un procédé ad hoc. Et le reste doit être conservé dans un coffre-fort. "Il m’est arrivé une seule fois d’oublier une feuille sur mon bureau en rentrant chez moi un soir. J’ai compris le lendemain que cela ne devait absolument pas se reproduire" », confie un ministre. Un autre habitué explique pourquoi ce conseil restreint n’a plus lieu dans le Salon vert, jouxtant le bureau du chef de l’État : « Ce n’était pas très prudent en matière de protection contre l’espionnage et d’écoute, y compris par nos alliés. » Remarque intéressante. La France se méfierait-elle des grandes oreilles de l’Oncle Sam ?
Relancé par François Hollande après les attentats de 2015, le Conseil de défense devint sous son successeur le lieu de l'exercice du pouvoir. Cette gouvernance resserrée et continue n’est pas une bonne nouvelle en soi. Même au plus fort de la guerre froide, l’exécutif ne transforma point l’exception en habitude. Cela montre plusieurs choses :
1. Que le pouvoir cherche à s’émanciper de l’administration. Il y a volonté de retrouver le goût (et les frissons) de la politique.
2. Que celui-ci prend un tour autoritaire car ce genre de cénacle digne des Cigares du pharaon peut refléter une certaine faiblesse des institutions démocratiques. Je ne sache pas que d'autres pays européens agissent de la sorte.
3. Gouverner du PC nucléaire est paradoxal, comme si le pouvoir s’accrochait à l’expression ultime de la souveraineté, alors que l'intégration promue par l'UE se propose de la dépasser.
4. L’article du Figaro parle des conseils de défense dédié au Covid-19 comme d’un « cadre idéal » qui, selon l’amiral Rogel, chef d’état-major particulier du président de la République, « correspondait bien à la façon dont nous voulions aborder la crise : non pas en silo, mais avec une vision globale de toutes les décisions ». Cadre idéal ou pas, le résultat suscite moins d’enthousiasme. La communication brouillonne du gouvernement paraît aux antipodes de l'efficacité voulue par les réunions du PC Jupiter.
Tous les mercredis matins, le pouvoir « se drape dans sa gravité », pointe Le Figaro. À côté, le Conseil des ministres ressemble à une « pâle copie ». Depuis belle lurette, ce rituel figure parmi les rendez-vous les plus routiniers du journalisme politique : « "La plupart des échanges (…) sortaient toutes les semaines dans Le Canard enchaîné", rappelle Manuel Valls. Jamais ceux du Conseil de défense. » Le Figaro mobilisa trois journalistes pour pénétrer « le saint des saints du pouvoir régalien » – d’où partent « quelques discrets tunnels, prévus pour exfiltrer le chef de l’État en cas d’attaque ». Furent-ils dépoussiérés quand les Gilets jaunes s’approchèrent trop près du Château ? Nul ne le sait.
Car « c’est dans cette salle que se déroulent (…) les réunions souterraines les plus décisives de la République. Elles sont censées durer une heure (…) et seuls ceux qui ont "besoin d’en connaître" seront informés ». L’expression vient du monde du renseignement. Les abonnés du Figaro auront l’impression d’y être quand les journalistes décrivent le protocole de sécurité : « Les éléments inutiles doivent être détruits via un procédé ad hoc. Et le reste doit être conservé dans un coffre-fort. "Il m’est arrivé une seule fois d’oublier une feuille sur mon bureau en rentrant chez moi un soir. J’ai compris le lendemain que cela ne devait absolument pas se reproduire" », confie un ministre. Un autre habitué explique pourquoi ce conseil restreint n’a plus lieu dans le Salon vert, jouxtant le bureau du chef de l’État : « Ce n’était pas très prudent en matière de protection contre l’espionnage et d’écoute, y compris par nos alliés. » Remarque intéressante. La France se méfierait-elle des grandes oreilles de l’Oncle Sam ?
Relancé par François Hollande après les attentats de 2015, le Conseil de défense devint sous son successeur le lieu de l'exercice du pouvoir. Cette gouvernance resserrée et continue n’est pas une bonne nouvelle en soi. Même au plus fort de la guerre froide, l’exécutif ne transforma point l’exception en habitude. Cela montre plusieurs choses :
1. Que le pouvoir cherche à s’émanciper de l’administration. Il y a volonté de retrouver le goût (et les frissons) de la politique.
2. Que celui-ci prend un tour autoritaire car ce genre de cénacle digne des Cigares du pharaon peut refléter une certaine faiblesse des institutions démocratiques. Je ne sache pas que d'autres pays européens agissent de la sorte.
3. Gouverner du PC nucléaire est paradoxal, comme si le pouvoir s’accrochait à l’expression ultime de la souveraineté, alors que l'intégration promue par l'UE se propose de la dépasser.
4. L’article du Figaro parle des conseils de défense dédié au Covid-19 comme d’un « cadre idéal » qui, selon l’amiral Rogel, chef d’état-major particulier du président de la République, « correspondait bien à la façon dont nous voulions aborder la crise : non pas en silo, mais avec une vision globale de toutes les décisions ». Cadre idéal ou pas, le résultat suscite moins d’enthousiasme. La communication brouillonne du gouvernement paraît aux antipodes de l'efficacité voulue par les réunions du PC Jupiter.