Un discours plus « macronien » que « churchillien » !
Politique

Un discours plus « macronien » que « churchillien » !

Par Philippe Oswald. Synthèse n°936, Publiée le 14/04/2020
Caramba, encore trop long ! « L’adresse aux Français » du chef de l’Etat, hier soir, 13 avril, a duré 27 minutes… Beaucoup plus qu’il en aurait fallu pour annoncer « du sang, de la sueur et des larmes » en avouant que le gouvernement, par son imprévoyance et ses mensonges, nous a mis dans une panade noire ! On nous avait annoncé un discours « churchillien », mais le célèbre discours de Winston Churchill à la Chambre des communes, le 13 mai 1940, n’avait duré que cinq minutes trente. Celui de Boris Johnson, sortant de l’hôpital la semaine dernière, n’a pas été plus long. Celui de la reine Elisabeth II, qui l’avait devancé, n’avait pris que quatre minutes. Hier soir, une fois de plus, le président de la République a noyé les nouvelles fâcheuses dans les circonlocutions. Le « en même temps » macronien a tué la clarté française : « Ce que l'on conçoit bien s’énonce clairement/Et les mots pour le dire arrivent aisément » (Boileau, « L'Art poétique »).

Quand c’est flou, c’est qu’à défaut de masque, y’a un loup ! La pommade passée aux Français pour leur résilience et l’annonce de la fin -ô combien hypothétique- du confinement pour le lundi 11 mai, ne sauraient compenser les incertitudes persistantes sur les masques, les tests de dépistage, les traitements, les respirateurs et les lits d’hôpitaux disponibles : sur tous ces moyens vitaux, indispensables pour sortir du confinement, trop de mensonges ont brisé la confiance. Et l’humilité relevée ici et là dans les propos d’Emmanuel Macron n’avait pas les accents d’une véritable et féconde repentance. Ce ne sont pas des « failles » et des « insuffisances » qui nous ont mis dans un tel pétrin, mais une faillite nationale dont la plus grande responsabilité incombe à ce gouvernement, à ceux qui l’ont précédé, et à une administration multi-strates prétendant tout régenter mais rendue impuissante par son obésité. Le mantra du « meilleur système de santé du monde » a révélé son inanité.

Après ce discours présidentiel, rien n’est acquis, rien n’est réglé. Pourquoi persister à affirmer que « tester toutes les Françaises et les Français, cela n’aurait aucun sens » quand d’autres pays ont entrepris avec succès un dépistage systématique, l’Allemagne notamment, dont le déconfinement, lancé à la mi-mars, devrait se poursuivre par étapes jusqu’au 19 avril ? Comment sortir d’un confinement indifférencié si l’on ne sait pas quels sont les porteurs de la Covid-19 à mettre en quarantaine ? Quelle logique y-a-t-il à s’en tenir à la fermeture des frontières de l’espace Schengen sans verrouiller les frontières nationales, alors que la France est frontalière avec les deux pays européens les plus contaminés, l’Italie et l’Espagne ? Comment rouvrir les écoles le 11 mai sans la certitude de disposer à cette date de moyens de protection et notamment de masques ? Pourquoi autoriser l’ouverture des écoles mais pas des universités ? Et pourquoi maintenir la fermeture des restaurants où il semble moins acrobatique d’organiser l’espacement des clients que celui d’écoliers d’autant plus turbulents qu’ils sortiront d’un long confinement ? Quant aux entreprises, leur réouverture progressive – évidemment vitale ! – est elle aussi conditionnée par la capacité de tester les salariés et de sécuriser leurs moyens de transport et leurs lieux de travail. Or l’expérience des semaines passées rend craintif et méfiant : à défaut d’avoir défini le confinement et su le faire appliquer (notamment dans les « banlieues »), et faute d’avoir su le moduler en fonction de l’état sanitaire des régions, le déconfinement ne va-t-il pas tourner à la déconfiture ?

Terminons toutefois sur une note positive : l’annonce de l’assouplissement des règles dans les EHPAD pour que leurs proches puissent rendre visite aux personnes en fin de vie : enfin un sursaut d’humanité et de civilisation ! Cette annonce – si elle est promptement suivie d’effet –, met fin à un scandale, sans doute le pire de tous ceux auxquels cette crise sanitaire nous aura confrontés.
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