International
Turquie : la victoire électorale d’Erdogan perturbe les Occidentaux
Avec 52% des voix au second tour de l’élection présidentielle dimanche 28 mai, voilà Recep Tayyip Erdogan réélu président pour un 3e mandat, jusqu’en 2028. Un score, certes, attendu après le premier tour (14 mai) qui l’avait mis en ballottage favorable, mais qui enterre les illusions occidentales sur la « démocratisation » d’une Turquie qui n’a décidément pas envie d’épouser le modèle libéral dont semblait moins éloigné l’adversaire d’Erdogan, Kemal Kiliçdaroglu (48% des voix au second tour). C’est d’ailleurs en appuyant sur le rejet de l’Occident décadent qu’Erdogan a mené campagne, en s’alliant à une extrême-droite dont on ne soupçonne pas la radicalité en Europe, souligne Alexandre Del Valle au micro d’André Bercoff sur Sud-Radio (en lien ci-dessous). Mais, explique-t-il, Erdogan est avant tout un pragmatique : « Il est passé de l’islamisme intégriste (…) à un islamiste nationaliste » pour se concilier les bonnes grâces du monde « multipolaire » (Chine, Inde, Russie, Brésil), opposé à la domination occidentale en général, et américaine, en particulier.
Dans son discours de remerciement prononcé dimanche soir, depuis le palais aux 1000 pièces qu’il s’est fait bâtir à Ankara, Erdogan a adopté un ton martial : « Ces dix dernières années, tous les pièges que l’on nous a tendus, toutes les tractations dont la Turquie a été victime, tous les poignards plantés dans notre dos n’étaient faits que pour empêcher les élections d’aujourd’hui. » Quant à l’avenir, il l’annonce prometteur : « Le prochain siècle sera celui de la Turquie ». La fatigue aura empêché le vainqueur de se rendre lundi à Istanbul, pour remercier Allah sous les coupoles de Sainte-Sophie comme cela avait été envisagé (il y avait fait ses dévotions avant le scrutin). C’est lui qui avait ordonné la reconversion de la basilique en mosquée en 2020 alors qu’elle avait le statut de musée depuis 1934. Le « sultan » Erdogan aura néanmoins savouré, ce lundi 29 mai, le 570ème anniversaire de la première transformation de la basilique Sainte-Sophie en mosquée, le 29 mai 1453, à l’issue de la prise de Constantinople par les Ottomans.
Autre anniversaire de grande portée symbolique : Erdogan est réélu l’année du centenaire de la fondation de la République (29 octobre 1923) qu’il ne manquera pas de célébrer avec faste à l’automne prochain. Son succès électoral le pose en successeur de l’Atatürk, « le Père des Turcs », Mustafa Kemal (1881-1938), dont il épouse le nationalisme et les méthodes musclées, tout en rejetant la laïcité forcée qui aurait affaibli la Turquie en bridant son identité musulmane. Contrairement à ce qu’espéraient les Occidentaux, la majorité des électeurs n’a pas été rebutée par un pouvoir autocratique indifférent aux droits de l’homme, par la ruine économique (succédant, il est vrai, à des années de prospérité), par un pouvoir d’achat en berne (jusqu’à un pic de 80% d’inflation l’an dernier !), ni par la gestion calamiteuse du tremblement de terre du mois de février. Tout cela a certes affaibli le candidat Erdogan, le contraignant à un second tour, mais il s’est rétabli par une campagne revancharde, exaltant l’Empire ottoman sur fond d’islamo-nationalisme. Notons que la diaspora turque en Europe a très majoritairement voté en faveur d’Erdogan, notamment en Allemagne, premier pays d’immigration turque (entre 4 et 7 millions de personnes, selon les estimations). Le chancelier allemand Olaf Scholz a d’ailleurs annoncé lundi 29 mai avoir téléphoné à Recep Tayyip Erdogan, pour l’inviter à Berlin afin de redonner « un nouvel élan » à la coopération entre les deux pays.
On peut prédire que le président turc va poursuivre sur sa lancée électorale en se posant en partenaire-adversaire des Européens : reprise du chantage migratoire, double-jeu avec l’Otan (dont la Turquie est membre), menaces contre les Kurdes, les Arméniens, les Grecs, ententes discrètes avec Israël, ambiguïté à l’égard de la Russie, connivences avec la Chine. Mais pour combien de temps ? Jusqu’en 2028, soit un règne de 20 ans ? Plus tard encore, dans un scénario de prise du pouvoir à la Poutine ou à la Xi Jinping ? L’horloge biologique pourrait en décider autrement : durant cette campagne électorale, Recep Tayyip Erdogan (69 ans) a donné des signes d’une santé dégradée.
Dans son discours de remerciement prononcé dimanche soir, depuis le palais aux 1000 pièces qu’il s’est fait bâtir à Ankara, Erdogan a adopté un ton martial : « Ces dix dernières années, tous les pièges que l’on nous a tendus, toutes les tractations dont la Turquie a été victime, tous les poignards plantés dans notre dos n’étaient faits que pour empêcher les élections d’aujourd’hui. » Quant à l’avenir, il l’annonce prometteur : « Le prochain siècle sera celui de la Turquie ». La fatigue aura empêché le vainqueur de se rendre lundi à Istanbul, pour remercier Allah sous les coupoles de Sainte-Sophie comme cela avait été envisagé (il y avait fait ses dévotions avant le scrutin). C’est lui qui avait ordonné la reconversion de la basilique en mosquée en 2020 alors qu’elle avait le statut de musée depuis 1934. Le « sultan » Erdogan aura néanmoins savouré, ce lundi 29 mai, le 570ème anniversaire de la première transformation de la basilique Sainte-Sophie en mosquée, le 29 mai 1453, à l’issue de la prise de Constantinople par les Ottomans.
Autre anniversaire de grande portée symbolique : Erdogan est réélu l’année du centenaire de la fondation de la République (29 octobre 1923) qu’il ne manquera pas de célébrer avec faste à l’automne prochain. Son succès électoral le pose en successeur de l’Atatürk, « le Père des Turcs », Mustafa Kemal (1881-1938), dont il épouse le nationalisme et les méthodes musclées, tout en rejetant la laïcité forcée qui aurait affaibli la Turquie en bridant son identité musulmane. Contrairement à ce qu’espéraient les Occidentaux, la majorité des électeurs n’a pas été rebutée par un pouvoir autocratique indifférent aux droits de l’homme, par la ruine économique (succédant, il est vrai, à des années de prospérité), par un pouvoir d’achat en berne (jusqu’à un pic de 80% d’inflation l’an dernier !), ni par la gestion calamiteuse du tremblement de terre du mois de février. Tout cela a certes affaibli le candidat Erdogan, le contraignant à un second tour, mais il s’est rétabli par une campagne revancharde, exaltant l’Empire ottoman sur fond d’islamo-nationalisme. Notons que la diaspora turque en Europe a très majoritairement voté en faveur d’Erdogan, notamment en Allemagne, premier pays d’immigration turque (entre 4 et 7 millions de personnes, selon les estimations). Le chancelier allemand Olaf Scholz a d’ailleurs annoncé lundi 29 mai avoir téléphoné à Recep Tayyip Erdogan, pour l’inviter à Berlin afin de redonner « un nouvel élan » à la coopération entre les deux pays.
On peut prédire que le président turc va poursuivre sur sa lancée électorale en se posant en partenaire-adversaire des Européens : reprise du chantage migratoire, double-jeu avec l’Otan (dont la Turquie est membre), menaces contre les Kurdes, les Arméniens, les Grecs, ententes discrètes avec Israël, ambiguïté à l’égard de la Russie, connivences avec la Chine. Mais pour combien de temps ? Jusqu’en 2028, soit un règne de 20 ans ? Plus tard encore, dans un scénario de prise du pouvoir à la Poutine ou à la Xi Jinping ? L’horloge biologique pourrait en décider autrement : durant cette campagne électorale, Recep Tayyip Erdogan (69 ans) a donné des signes d’une santé dégradée.