Société
Tuerie au Texas : l'Amérique désarmée face à la spirale du massacre
La terrible fusillade mardi dans une école primaire au Texas (à Uvalde, 21 morts dont 19 enfants) relance le débat sur les armes aux États-Unis. Avec l’avortement, ce sujet électrise la société américaine, même si l’inflation proche des 10 % est ce qui l’inquiète le plus en ce moment.
Les carnages à répétition laissent pantoise une opinion européenne pacifiée et assoupie. Comment l'Amérique, cette machine à rêves si désirable et si désirée, peut-elle engendrer une réalité si cauchemardesque ? Car « cela ne se passe nulle part ailleurs qu'ici, aux États-Unis », pointe le sénateur Chris Murphy, élu du Connecticut, où un déséquilibré de 20 ans tua 26 personnes à Sandy Hook en 2012. Vingt enfants y avaient péri, âgés de 6 et 7 ans.
Se disant « écœuré et fatigué », Joe Biden dénonce « ceux qui empêchent (…) des lois de bon sens sur les armes à feu ». Comme si le légendaire pragmatisme US butait sur un obstacle insurmontable. « Quand, pour l'amour de Dieu, allons-nous affronter le lobby des armes ? », s’écria le président américain.
Pas simple. Le culte du colt est sanctuarisé par le second amendement de la Constitution, texte aussi sacré que la Bible. Là-bas, l’arme, c'est l’âme. Tous les westerns montrent qu’un homme sans arme est déjà mort. C’est du woke version white : face aux Indiens, aux bandits et aux animaux sauvages, l’homme blanc se tient en éveil et brave tous les dangers. Et face au « monstre du wokeness » (Alexandre Mendel) version Black Lives Matter, la vigilance du pionnier européen n’est pas près de faiblir. D'autres peuples, comme les Boers en Afrique du Sud, cultivent encore cette mentalité survivaliste. Une phrase la résume : toucher à mon arme, c’est me tuer. Citons-en certains arguments :
« Le problème, ce n’est pas l’arme mais celui qui s’en sert ». La Suisse est le troisième pays le plus armé du monde par habitant et il n’y a pas de tuerie, celle de Zoug (14 morts en 2001) faisant exception. L’Amérique latine regorge d’armes et les massacres y sont rarissimes. N’excluons pas néanmoins le fait que des armes en accès libre incite à s'en servir. Aux USA, il y avait deux fois moins d’armes par habitant dans les années 60 pour un seul mass-shooting (au moins 4 personnes tuées en même temps), sur le campus de l’université du Texas (18 morts en 1966). Sinon, toutes les fusillades surviennent après 1980 et, selon Harvard, leur taux a triplé depuis 2011. Cette contagion est-elle irréversible ? Pas forcément. On le voit bien sur l’avortement, autre sujet touchant à la vie : l’Amérique, au niveau de la Cour suprême, s’apprête à « débanaliser » une pratique, jouant ainsi sur la politique de l'offre.
« Les armes protègent la société ». Car dans les pays où les armes sont hors-la-loi, seuls les hors-la-loi sont armés. Toute régulation, aboutissant à empêcher les honnêtes gens de se défendre, serait perçue comme un abus de pouvoir, une injustice. Chaque fois qu’y survient une tuerie, les Américains s’arment encore plus. Cet argument fonctionne si l'usage demeure défensif, évidemment.
« Les armes empêchent les massacres ». On n’en parle peu ici mais les armes sauvent aussi des vies, quand le tueur est neutralisé à temps par un citoyen. Des statistiques existent sur ce point. Uvalde est toutefois un mauvais exemple. C’est l’unité d'élite de la police aux frontières qui liquida Salvador Ramos, « environ une heure » après qu’il fut entré dans l'école. Personne, dans cette ville de 16000 habitants, ne put ou ne sut réagir rapidement. Mardi, l’Amérique se laissa piéger comme les Français au Bataclan.
Il y aurait des mesures faciles à prendre : vérifier les antécédents psychologiques et judiciaires, sauf qu'en l'espèce ce jeune assassin n'en avait pas et que son bégaiement ne suffit pas en fournir. Relever l’âge minimum paraît aussi opportun. « Vous devez attendre d'avoir 21 ans pour acheter de l'alcool, pourquoi laissent-ils des gens de 18 ans acheter des fusils ? » s’interrogeait une mère venue rendre hommage aux victimes d’Uvalde.
Dans plusieurs États fédérés (mais aucun du sud), des red flag laws (lois sur le drapeau rouge) permettent à la police ou aux membres de la famille d’ordonner la confiscation d’une arme, si son détenteur présente un danger pour lui-même ou pour autrui.
Après la tuerie de Las Vegas (59 morts en 2017), Donald Trump interdit les bump stocks, système transformant un fusil semi-automatique en mitrailleuse. L’ancien président américain doit assister aujourd’hui à Houston à la réunion annuelle de la NRA (National Rifle Association), laquelle parle de l'acte « d'un criminel isolé et dérangé ».
Il est difficile de tirer une leçon d'ordre général d'un acte si extrême. Ce passage à l’acte est-il attribuable à la « crise de la masculinité », comme le prétend le sociologue Michel Maffesoli (Cf : article en référence) ? Quelle est l'influence de jeux vidéo comme Fortnite et Call of Duty que surconsommait Salvador Ramos ? Quid de sa famille ? Cet enfant déscolarisé se vengea-t-il sur l'école ?
On ignore les motivations du tueur. Il n'en avait donné aucune. De toute façon, le mal qui arma son bras n'en avait pas besoin.
Les carnages à répétition laissent pantoise une opinion européenne pacifiée et assoupie. Comment l'Amérique, cette machine à rêves si désirable et si désirée, peut-elle engendrer une réalité si cauchemardesque ? Car « cela ne se passe nulle part ailleurs qu'ici, aux États-Unis », pointe le sénateur Chris Murphy, élu du Connecticut, où un déséquilibré de 20 ans tua 26 personnes à Sandy Hook en 2012. Vingt enfants y avaient péri, âgés de 6 et 7 ans.
Se disant « écœuré et fatigué », Joe Biden dénonce « ceux qui empêchent (…) des lois de bon sens sur les armes à feu ». Comme si le légendaire pragmatisme US butait sur un obstacle insurmontable. « Quand, pour l'amour de Dieu, allons-nous affronter le lobby des armes ? », s’écria le président américain.
Pas simple. Le culte du colt est sanctuarisé par le second amendement de la Constitution, texte aussi sacré que la Bible. Là-bas, l’arme, c'est l’âme. Tous les westerns montrent qu’un homme sans arme est déjà mort. C’est du woke version white : face aux Indiens, aux bandits et aux animaux sauvages, l’homme blanc se tient en éveil et brave tous les dangers. Et face au « monstre du wokeness » (Alexandre Mendel) version Black Lives Matter, la vigilance du pionnier européen n’est pas près de faiblir. D'autres peuples, comme les Boers en Afrique du Sud, cultivent encore cette mentalité survivaliste. Une phrase la résume : toucher à mon arme, c’est me tuer. Citons-en certains arguments :
« Le problème, ce n’est pas l’arme mais celui qui s’en sert ». La Suisse est le troisième pays le plus armé du monde par habitant et il n’y a pas de tuerie, celle de Zoug (14 morts en 2001) faisant exception. L’Amérique latine regorge d’armes et les massacres y sont rarissimes. N’excluons pas néanmoins le fait que des armes en accès libre incite à s'en servir. Aux USA, il y avait deux fois moins d’armes par habitant dans les années 60 pour un seul mass-shooting (au moins 4 personnes tuées en même temps), sur le campus de l’université du Texas (18 morts en 1966). Sinon, toutes les fusillades surviennent après 1980 et, selon Harvard, leur taux a triplé depuis 2011. Cette contagion est-elle irréversible ? Pas forcément. On le voit bien sur l’avortement, autre sujet touchant à la vie : l’Amérique, au niveau de la Cour suprême, s’apprête à « débanaliser » une pratique, jouant ainsi sur la politique de l'offre.
« Les armes protègent la société ». Car dans les pays où les armes sont hors-la-loi, seuls les hors-la-loi sont armés. Toute régulation, aboutissant à empêcher les honnêtes gens de se défendre, serait perçue comme un abus de pouvoir, une injustice. Chaque fois qu’y survient une tuerie, les Américains s’arment encore plus. Cet argument fonctionne si l'usage demeure défensif, évidemment.
« Les armes empêchent les massacres ». On n’en parle peu ici mais les armes sauvent aussi des vies, quand le tueur est neutralisé à temps par un citoyen. Des statistiques existent sur ce point. Uvalde est toutefois un mauvais exemple. C’est l’unité d'élite de la police aux frontières qui liquida Salvador Ramos, « environ une heure » après qu’il fut entré dans l'école. Personne, dans cette ville de 16000 habitants, ne put ou ne sut réagir rapidement. Mardi, l’Amérique se laissa piéger comme les Français au Bataclan.
Il y aurait des mesures faciles à prendre : vérifier les antécédents psychologiques et judiciaires, sauf qu'en l'espèce ce jeune assassin n'en avait pas et que son bégaiement ne suffit pas en fournir. Relever l’âge minimum paraît aussi opportun. « Vous devez attendre d'avoir 21 ans pour acheter de l'alcool, pourquoi laissent-ils des gens de 18 ans acheter des fusils ? » s’interrogeait une mère venue rendre hommage aux victimes d’Uvalde.
Dans plusieurs États fédérés (mais aucun du sud), des red flag laws (lois sur le drapeau rouge) permettent à la police ou aux membres de la famille d’ordonner la confiscation d’une arme, si son détenteur présente un danger pour lui-même ou pour autrui.
Après la tuerie de Las Vegas (59 morts en 2017), Donald Trump interdit les bump stocks, système transformant un fusil semi-automatique en mitrailleuse. L’ancien président américain doit assister aujourd’hui à Houston à la réunion annuelle de la NRA (National Rifle Association), laquelle parle de l'acte « d'un criminel isolé et dérangé ».
Il est difficile de tirer une leçon d'ordre général d'un acte si extrême. Ce passage à l’acte est-il attribuable à la « crise de la masculinité », comme le prétend le sociologue Michel Maffesoli (Cf : article en référence) ? Quelle est l'influence de jeux vidéo comme Fortnite et Call of Duty que surconsommait Salvador Ramos ? Quid de sa famille ? Cet enfant déscolarisé se vengea-t-il sur l'école ?
On ignore les motivations du tueur. Il n'en avait donné aucune. De toute façon, le mal qui arma son bras n'en avait pas besoin.