Travail du dimanche : la salutaire révolte d’une salariée
Société

Travail du dimanche : la salutaire révolte d’une salariée

Par Philippe Oswald. Synthèse n°661, Publiée le 25/05/2019
Deux salariés du supermarché Cora de Saint-Malo ont été licenciés sans indemnités à quelques semaines d’intervalle pour avoir refusé de travailler le dimanche. Ils voulaient protéger leur vie familiale. L’un des deux, une caissière présente depuis 18 ans dans l'enseigne, s’est publiquement rebiffée après avoir été licenciée à la fin du mois d’avril. « Pour moi, le dimanche, c’est sacré ! On le passe en famille », ose-t-elle proclamer. L’affaire est devenue virale via les réseaux sociaux. Les syndicats se sont mobilisés, en particulier la CFTC qui demande que soit acté le principe du volontariat pour le travail du dimanche. Résultat : « La direction du groupe a accepté d'ouvrir les négociations avec les syndicats pour que le travail dominical se fasse désormais sur la base du volontariat », annonçait Europe 1 le 24 mai. Toutefois, « les salariés licenciés ne seront pas réintégrés » selon les informations d’Europe 1, mais ils partiront avec « des indemnités qui dépassent largement le minimum légal ».

Il faut attendre l’issue des négociations entre la direction et les syndicats prévues les 11 et 26 juin pour savoir si l’ouverture le dimanche des enseignes Cora se fera effectivement désormais sur la base du volontariat. Quant aux deux personnes licenciées, même si les prud’hommes leur donnaient raison, comme c’est probable, et si elles étaient mieux indemnisées que le strict minimum (les ordonnances Macron de 2017 plafonnent les indemnités prud'homales pour licenciement abusif entre 1 et 20 mois de salaire brut), elles auront perdu leur emploi et ne le retrouveront pas. C’est cher payer leur refus de sacrifier le repos dominical alors que leur contrat de travail n’en faisait pas mention et qu’aucun avenant n’y aurait été apporté en mars 2018, lorsque la direction de la grande surface avait ouvert son magasin tous les dimanches matin. Un établissement à prédominance alimentaire a en effet le droit d’ouvrir le dimanche jusqu'à 13 heures sans autorisation, mais pour que l’employeur y fasse venir ses employés, il faut que leur contrat de travail le prévoie. La polémique prenant de l’ampleur, le ministère du Travail a demandé à l'inspection du travail de procéder à « l'analyse juridique » du licenciement des deux salariés.

Cette affaire aura au moins eu le mérite d’obliger à revisiter la complexité des règles du travail dominical, encadré par la loi Macron de 2015 : les droits des salariés varient selon le secteur d’activité de l’entreprise, sa localisation et les clauses inscrites sur le contrat de travail du salarié. Reste surtout posée la question du volontariat : les personnes « invitées » à travailler le dimanche (généralement pour un minuscule bonus financier) sont-elles réellement libres d’accepter ou de refuser ? Bien sûr que non, affirme avec beaucoup d’autres, Joseph Thouvenel, Vice-Président confédéral et Président de l'Union départementale 75 de la CFTC : dans la pratique, « c’est la loi du plus fort qui commande ». Le fond du problème, explique-t-il dans un entretien à Boulevard Voltaire (en lien ci-dessous), c’est que « notre société ne privilégie pas la vie familiale, la vie associative, personnelle et spirituelle » mais le matérialisme : « On fait passer les biens matériels et le profit de quelques-uns avant le bien commun. »

 
La sélection
Travail du dimanche : la salutaire révolte d’une salariée
Joseph Thouvenel : « Le dimanche, c’est l’affirmation de la transcendance de chacun dans la société ! »
Boulevard Voltaire
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