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Toujours menacée, l'Arménie veut un accord de paix

Par Max George. Synthèse n°2341, Publiée le 09/12/2024 - Le président arménien Nikol Pachinian au Sommet de la Communauté politique européenne, le 7 novembre 2024 à Budapest. Photo : Attila Kisbendek via AFP
Coincée entre de puissants voisins musulmans, l'Arménie, petit État chrétien du Caucase, a pris la douloureuse habitude de lutter pour sa survie. Victime d'un génocide par les Turcs au début du XXe siècle, le peuple arménien reste menacé par l'Azerbaïdjan, qui a envahi le Haut-Karabakh en septembre 2023, et doit encore compter sur son ambigu allié russe comme médiateur.

Depuis sa défaite contre l'Azerbaïdjan en 2020 et la conquête du Haut-Karabakh, l'Arménie est en position de faiblesse face à son ennemi azerbaïdjanais, aussi bien militairement que diplomatiquement. L'Arménie est aussi en froid avec les Russes depuis sa défaite dans cette même guerre, au cours de laquelle son voisin et allié a refusé de prendre parti en sa faveur. Dès lors, le gouvernement arménien doit chercher des compromis pour éviter une tentative d'invasion de l'Azerbaïdjan, qui aurait toutes les chances d'aboutir du fait des capacités militaires disproportionnées de cette dernière, armée par son allié turc. La tenue de la COP29 à Bakou, bien que symbolique, n'a pas contribué à l'apaisement des relations entre les deux pays. La COP17 sur la biodiversité, à Erevan, prévue en 2026, certes moins médiatisée que celle sur le climat, n'aidera pas non plus.

Pour autant, la volonté des deux parties est bien d'aboutir, dans un futur proche, à un accord. Le 16 novembre, l'Arménie a signé avec la Russie un accord qui dispose que l'armée arménienne reprendra un poste de contrôle à la frontière iranienne. C'est donc la première fois depuis 32 ans que l'Arménie peut envisager de reprendre progressivement le contrôle de ses frontières, jusqu'à présent surveillées par l'armée russe, même après la chute de l'URSS. L'accord prendra effet le 1er janvier 2025. Les autres points de passage restent, pour le moment, surveillés par les Russes.

En contrepartie, les Arméniens ont autorisé la Russie à participer à la construction des routes et des voies ferrées pour relier l'Azerbaïdjan à la région du Nakhitchevan. Cette République azerbaïdjanaise autoproclamée, située le long de la frontière entre l'Arménie et l'Iran, est un sujet de controverse historique entre Bakou et Erevan. Le gouvernement azerbaïdjanais réclame depuis les années 1950 l'accès direct à ce territoire peuplé presque exclusivement d'Azéris musulmans et enclavé entre l'Iran, la Turquie et l'Arménie. Selon la tradition arménienne, la capitale de cette enclave, Nakhitchevan, du même nom que le territoire, abriterait le tombeau du patriarche Noé.

La dernière Assemblée générale de l'ONU, au mois de septembre, a aussi permis d'entrevoir une possibilité d'accord territorial entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Lors de son allocution, le président arménien, Nikol Patchinian, a appelé à la conclusion d'un traité de paix avec l'Azerbaïdjan. Selon ses mots, une paix entre les deux pays « est non seulement possible, mais à portée de main ». Parmi les signaux positifs figure la signature d'un accord sur la délimitation des frontières entre les deux pays, le 30 août, qui devrait permettre de les fixer de façon plus pérenne.

Les efforts diplomatiques salués par le président arménien à l'ONU l'ont été tout autant par le ministre des Affaires étrangères azéri, Jeyhun Bayramov, au mois de septembre. Durant son discours, le ministre a salué « les progrès significatifs » dans « le processus de normalisation » des relations entre son pays et l'Arménie. Il a toutefois appelé l'Arménie à « compléter le processus de normalisation » et à « abandonner ses réclamations territoriales contre l'Azerbaïdjan au niveau légal, en mettant en œuvre des réformes constitutionnelles ». Dans une réponse à une députée, le 13 novembre, le président arménien a formellement rejeté cette accusation, répondant « qu'aucun article de la Constitution de la République d'Arménie ne contient de référence directe ou indirecte au Haut-Karabakh ». Nikol Pachinian s'est ensuite engagé à ce que l'accord de paix signé entre les deux pays prévale sur les dispositions territoriales inscrites dans la constitution arménienne : « Selon l'article 5, paragraphe 3, de la Constitution de la République d'Arménie, en cas de contradiction entre les normes des traités internationaux ratifiés et celles des lois nationales, les normes du traité international prévalent. » Il a ensuite conclu sa déclaration en affirmant que « le traité de paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan acquerra une force juridique supérieure à celle des lois de la République d'Arménie et d'autres actes juridiques normatifs une fois qu'il aura été ratifié par le Parlement ».

L'Azerbaïdjan, qui est en position de force depuis sa victoire d'octobre 2020 et l'invasion du Haut-Karabakh trois ans plus tard, obtiendra certainement un traité à son avantage. En attendant, l'ancien président du Haut-Karabakh, Arayik Haroutiounian, est toujours emprisonné par les Azéris avec d'autres personnalités politiques de l'ancienne république arménienne. L'invasion de septembre 2023 avait causé l'exode des quelque 120 000 habitants du territoire vers l'Arménie. Par ailleurs, il est difficile de savoir ce qu'est devenu tout le patrimoine chrétien du Haut-Karabakh, qui possède à ce jour quatre mille monuments chrétiens, dont 33 monastères, 252 églises, 83 chapelles, 1 840 « khachkars » (nom donné aux croix en pierre arméniennes) et 218 cimetières. Des images satellites diffusées le 4 avril ont montré la destruction complète de l'église Saint-Jean-Baptiste, construite au XIXe siècle. Celle-ci avait déjà été bombardée pendant la guerre de 2020 et n'existe désormais plus qu'à l'état de ruines.

La sélection
L’Arménie prend partiellement le contrôle de ses frontières pour la première fois depuis trente-deux ans
Lire l'article sur le site du journal Le Monde
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