Quand le « confesseur » des djihadistes français prêchait dans le désert
Islam

Quand le « confesseur » des djihadistes français prêchait dans le désert

Par Equipe LSDJ. Synthèse n°99, Publiée le 10/07/2017
David Thomson a reçu le 4 juillet le prix Albert Londres pour son ouvrage d'enquête "Les Revenants". Dans ce livre, ce journaliste à Radio France Internationale (RFI) rapporte les confidences de djihadistes partant ou revenant de Syrie et d'Irak. S’il ne souhaite plus aujourd’hui continuer à travailler sur le sujet, il explique dans cet entretien à Vanityfair comment il est devenu peu à peu un « confesseur » des combattants de l’Etat islamique. Il y fait part notamment du scepticisme auquel il s’est heurté quand il alertait sur la menace terroriste que ces « revenants » faisaient planer sur la France

Etudiant en histoire insouciant et fêtard, il s’était installé dans une cité de Saint-Denis, loin de sa famille et de son milieu d’origine « bourgeois, blanc, catholique », pour s’y adonner surtout à la musique « rap, reggae, punk , néo- metal » qui l’a initié à la langue des cités. C’est à Tunis, où RFI l’a envoyé couvrir la révolution tunisienne, qu’il rencontre des « salafistes djihadis » en rupture avec les « salafistes quiétistes » (non violents). « L’un s’avérera être un intime du dirigeant salafiste Abou Ayad et l’autre deviendra un émir important de l’EI, proche du chef de l’État islamique d’Irak Abou Bakr Al-Baghdadi. » Les jeunes des quartiers populaires qui les entourent n’ont qu’une idée en tête : partir se battre en Syrie, «l’accès VIP pour le paradis ».

A l’époque -avant les attentats de 2015-, personne ne les traque et ils s’expriment sans retenue sur Skype, sur Facebook, au téléphone… « Ils étaient décontractés. On parlait d’un djihadisme tranquille », se souvient David Thomson. « Les services de renseignement ont pris ces gens pour des guignols : on les croyait confinés sur Internet. »

Pendant cinq ans, le journaliste poursuit rencontres et conversations sur les réseaux sociaux avec des djihadistes apprentis ou chevronnés. Connaissant leur langage et leurs codes, il a obtenu leur confiance. Quand ils tentent de le convertir, il leur répond : « Non c’est bon, je suis catholique. Je veux juste expliquer aux gens ce que vous avez dans la tête.» Ils le suivent sur Facebook et Twitter. « J’étais de leur milieu sans y être, explique David Thomson. Ils me parlaient comme si j’étais un djihadiste. Ils m’appelaient, me menaçaient, se confiaient, se vidaient la tête. » L’un d’eux, un parisien, lui dira : « Je vais tout te raconter pour que ma mère comprenne. »

Sentant la menace terroriste grandir, il tente de sonner l’alerte dès 2012, en vain. « Je savais que les attentats allaient arriver en France, poursuit-il. J’attendais. C’était un sentiment horrible (…) Je me demandais sans cesse : quand ? Quelle cible ? De quelle manière ? » Son premier livre, Les Français jihadistes paru au printemps 2014, tire la sonnette d’alarme. Invité de l’émission « Ce soir (ou jamais !) » sur France 2, il a le sentiment, lui simple reporter, d’être tourné en ridicule par les « experts » quand il rapporte que tous ces djihadistes souhaiteraient que des attentats soient commis dans l’Hexagone « parce que, pour eux, la France est l’ennemi d’Allah ». On l’accuse de « stigmatiser » une population, de «faire le jeu du populisme ». David Thomson sort de cette émission en colère et humilié : « C’était d’une grande violence. »

Mais ça, c’était avant… Quelques mois plus tard, le 7 janvier 2015, les frères Kouachi exterminent la rédaction de Charlie Hebdo. Le 13 novembre 2015, ce sont les mitraillages du Bataclan et des alentours. David Thomson connaissait deux des assassins : « Foued Mohamed-Aggad et Abdelhamid Abaaoud étaient des vedettes du djihadisme francophone. Ils annonçaient depuis trois ans ce qu’ils feraient… » David venait de commencer l’écriture des Revenants. Ce livre est devenu aujourd’hui une précieuse source d’information pour la justice et l’administration, mais a fait de son auteur une cible -placée sous protection policière- des tueurs de Daech.
La sélection
Quand le « confesseur » des djihadistes français prêchait dans le désert
Le confesseur : David Thomson raconte sa vie avec les djihadistes de l'État islamique
Vanity Fair 10/07/17
S'abonner gratuitement
Ajoutez votre commentaire
Valider
Pourquoi s'abonner à LSDJ ?

Vous êtes submergé d'informations ? Pas forcément utiles ? Pas le temps de tout suivre ?

Nous vous proposons une sélection pour aller plus loin, pour gagner du temps, pour ne rien rater.

Sélectionner et synthétiser sont les seules réponses adaptées ! Stabilo
Je m'abonne gratuitement
LES DERNIÈRES SÉLECTIONS
Lire en ligne
L'émission sur C8
Lire en ligne
Lire en ligne
Lire en ligne
Lire en ligne
Lire en ligne
Lire en ligne