Qui contrôle réellement la Géorgie ?
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Qui contrôle réellement la Géorgie ?

Par Peter Bannister. Synthèse n°1852, Publiée le 21/03/2023 - L'ancien président géorgien Mikheïl Saakashvili, détenu à la clinique Vivamedi à Tbilissi, février 2023. Crédit photo : Irakli Gedenidze / Pool / AFP
Au début du mois de mars, l'ancienne république soviétique de Géorgie a été brièvement sous les feux de l'actualité lorsque des manifestations populaires ont éclaté contre une proposition de loi visant à déclarer comme des « agents étrangers » les ONG et médias géorgiens recevant plus de 20% de leur financement de l'extérieur. Lorsque la proposition, largement perçue comme calquée sur une loi similaire adoptée en Russie en 2012, a ensuite été retirée, cette décision a été saluée par beaucoup comme une victoire pour la démocratie, mais accueillie froidement à Moscou. La question reste toutefois de savoir qui contrôle réellement la Géorgie et comment le pays caucasien pourrait évoluer dans les mois à venir, en particulier en fonction de la situation en Ukraine.

L'ambiguïté de la situation actuelle est largement due aux tensions internes concernant les aspirations de la Géorgie à l'adhésion à l'Union européenne et à l'OTAN, objectifs inscrits dans la constitution. En 2022, à l'instar de la Moldavie et de l'Ukraine, Tbilissi a demandé le statut de candidat à l'adhésion à l'UE, demande pourtant rejetée au motif, notamment, de la nécessité d'une « désoligarchisation » de la Géorgie. Soutenue par une large majorité de la population (dont seulement 2% se déclarent pro-russes), ainsi que par la présidente franco-géorgienne Salomé Zourabichvili, l’orientation pro-occidentale de la Géorgie avait été approuvée dans le programme électoral du parti au pouvoir, le « Rêve géorgien ». Cependant, au cours des deux dernières années, le « Rêve géorgien » a pris un tournant anti-occidental dans ses déclarations et est considéré par certains comme essayant activement de saper les campagnes en faveur d'un rapprochement avec l'UE. Les raisons de ce revirement de la politique du gouvernement géorgien ne sont pas tout à fait claires, mais de nombreux commentateurs estiment qu'elles sont liées au fondateur du « Rêve géorgien », Bizdina Ivanichvili. De loin l'homme le plus riche de Géorgie, dont la fortune est estimée par Forbes à 4,9 milliards de dollars, Ivanichvili avait prospéré en Russie dans les années 1990 en fondant la banque Rossiysky Kredit, devenant l'un des membres du groupe qui a financé la réélection de Boris Eltsine et qui, en retour, a profité de la vente aux enchères d'entreprises publiques par le gouvernement russe. Entré sur la scène politique géorgienne en 2011, premier ministre entre octobre 2012 et novembre 2013, Ivanishvili a affirmé avoir pris ses distances avec le Kremlin, mais a été décrit en 2012 par l’oligarque Boris Berezovsky comme jouant « selon les règles établies par le gouvernement russe ».

Même si Ivanishvili a officiellement pris sa retraite en 2021, plusieurs analystes considèrent qu'il reste aux manettes du « Rêve géorgien » et qu'en réalité, aucune décision politique ne peut être prise en Géorgie ; il aurait tenté « sans aucune responsabilité formelle, de gouverner le pays par l'intermédiaire de ses marionnettes [...] agissant dans l'intérêt du Kremlin ». Selon Gakharia, la politique étrangère du gouvernement géorgien est également dictée par un calcul stratégique selon lequel l'Ukraine perdra la guerre contre la Russie. La position de la Géorgie envers le conflit est paradoxale : Tbilissi a certes condamné l'invasion de l'Ukraine, mais a refusé d'appliquer des sanctions à l'encontre de Moscou (qui contrôle depuis 2008 les régions séparatistes d'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud).

L'une des pommes de discorde actuelles entre le gouvernement géorgien et la communauté internationale concerne le sort de Mikheïl Saakashvili, président au moment de la guerre russo-géorgienne en 2008, que Vladimir Poutine aurait menacé de « pendre par les couilles » lors d'une réunion avec Nicolas Sarkozy le 12 août 2008. Dénoncé comme un tyran par le « Rêve géorgien », Saakashvili est rentré en Géorgie en 2021 après 8 ans en exil et a été immédiatement jugé et emprisonné pendant 6 ans pour des raisons que beaucoup considèrent comme politiques. Suite à des grèves de la faim, Saakashvili a perdu la moitié de son poids et, selon le toxicologue David Smith, pourrait avoir subi un empoisonnement aux métaux lourds (mercure, arsenic). Les appels à sa libération pour des raisons humanitaires, venant notamment du parlement européen et du gouvernement polonais, sont restés vains jusqu'à présent.

Quant à la réaction russe aux événements récents en Géorgie, le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a accusé des « agents étrangers » d’être derrière les manifestations qui, pour lui, ressemblaient beaucoup à celles de Maïdan à Kiev en 2014, les qualifiant de « tentative de changement de régime par la force ». Fidèle à sa réputation combative, la directrice de Russia Today Margarita Simonyan a appelé sur Telegram le 10 mars à des frappes directes sur Tbilissi « en cas de répétition d’août 2008 ». Pour elle, il « n’y a pas de temps pour des sentiments ».
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