Sept ans de guerre au Yémen, un désastre qui ne mobilise pas l’opinion
International

Sept ans de guerre au Yémen, un désastre qui ne mobilise pas l’opinion

Par Philippe Oswald. Synthèse n°1547, Publiée le 30/03/2022
Selon l'ONU, la famine provoquée par la guerre au Yémen comptera parmi les pires que l'humanité aura connues depuis un siècle. Née d’un conflit tribal et religieux (sunnites contre chiites), la guerre s’est très tôt internationalisée avec l’intervention d’une coalition dirigée par l'Arabie Saoudite pour contrer la rébellion soutenue par l’Iran. Les bombardements de la capitale Sanaa, tombée aux mains des rebelles houthistes en 2014, ont débuté le 26 mars 2015. Sept ans plus tard, malgré un bilan exorbitant de 380 000 morts, en majorité victimes de la faim, de maladies et du manque d’eau potable aggravés par le blocus naval et aérien qu’exerce la coalition, l’opinion internationale est peu mobilisée. La guerre en Ukraine et la crise sanitaire du Covid-19 occupent le champ médiatique.

« Nous voyons déjà des enfants tellement déshydratés qu’ils ne peuvent même plus pleurer », témoigne depuis Sanaa pour La Croix (en lien ci-dessous) Sukaina Sharafuddin, humanitaire de l’ONG Save the Children. Elle est sans illusion : pour elle, la situation ne peut qu’empirer. La guerre éclair que croyait lancer l’Arabie saoudite avec l’appui d’une coalition de neuf pays soutenue et armée par les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, s’est enlisée face à la détermination des rebelles houthistes soutenus par l’Iran. Aujourd’hui, la coalition s’est étiolée. L’Arabie saoudite n’est directement épaulée que par les Émirats arabes unis (EAU), surnommés la « petite Sparte », particulièrement aidée par la France (un accord de défense lie les deux pays depuis 1995 ; les EAU sont le cinquième client le plus important de l’industrie d’armement française). Mais l’ardeur militaire des EAU leur a valu trois attaques en janvier contre des installations pétrolières et l’aéroport de la capitale, Abu Dhabi, malgré la présence protectrice de bases française et américaine sur leur sol.

Non seulement les combattants houthistes tiennent toujours la capitale du Yémen et le nord du pays, mais ils lancent d’humiliantes attaques en territoires saoudien et émirien, touchant avec des drones et des missiles fournis par l’Iran des cibles stratégiques (la dernière attaque en date, le 25 mars, a frappé une raffinerie du pétrolier Aramco à Jeddah). Riyad et les EAU répliquent en intensifiant les bombardements et en armant des milices loyalistes. Sous la pression de l’Arabie saoudite, le groupe d’experts chargés en 2017 par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU d’enquêter sur les atrocités commises de part et d’autre, n’a pas été renouvelé en octobre dernier. Depuis, les « dégâts collatéraux » dans la population ont redoublé, notamment à Sanaa où se concentrent 60% de la population, et à Saada, fief des houthistes dans le nord du pays.

Les organisations humanitaires relancent leurs cris d’alarme au vu des conséquences de la guerre en Ukraine. Non seulement celle-ci détourne le peu d’attention que l’opinion internationale portait au Yémen, mais elle capte l’essentiel des dons alors que la crise du blé, qui va frapper particulièrement l’Afrique, ne peut qu’aggraver la famine dont souffrent déjà 23 millions de Yéménites.
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Au Yémen, sept ans d’une « guerre ignorée »
La Croix
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