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Séisme politique en Slovaquie : le soutien européen à l'Ukraine est-il en péril ?

Par Jesus Colina. Synthèse n°2010, Publiée le 16/10/2023 - Photo : Vladimir Simicek / AFP - Robert Fico lors d'un débat télévisé le 26 septembre 2023 à Bratislava.

Robert Fico, à la tête de la nouvelle coalition gouvernementale slovaque, a pris l'engagement de mettre un terme au soutien militaire en faveur de l'Ukraine et de contester les sanctions européennes à l'encontre de la Russie de Vladimir Poutine. Cette décision pourrait bouleverser la politique étrangère de l'Union européenne. Fico, fondateur du parti Smer-SD (Direction-Socialdémocratie slovaque), a remporté 22,9 % des votes lors des récentes élections législatives en Slovaquie, où 68,5 % des électeurs se sont mobilisés. Le 11 octobre, a annoncé la formation d'une coalition gouvernementale avec le parti de centre-gauche HLAS, « Voix », ayant recueilli 14,7 % des suffrages, ainsi qu'avec le Parti national slovaque (SNS), représentant la droite nationaliste avec 5,6 % des voix.

Fico a réitéré sa position sur l'Ukraine, affirmant qu'il maintiendra l'aide humanitaire tout en mettant fin à l'aide militaire. Dans sa première déclaration après les élections, Fico a confirmé son message de campagne : « La Slovaquie ne vendra plus une seule balle à l'Ukraine ». Selon lui, son pays a des problèmes plus urgents et fera tout pour encourager les pourparlers de paix. En même temps, il a réaffirmé sa volonté de rester au sein de l'Union Européenne et de l'OTAN : « La politique étrangère de la Slovaquie ne changera pas, mais cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas critiquer l'Union Européenne sur certains points ».

Pendant la campagne électorale, Fico, comme les gouvernements polonais et hongrois, s'est opposé à l'importation de céréales ukrainiennes, arguant que cela nuisait aux agriculteurs slovaques. Le vétéran politique slovaque considère la guerre en Ukraine comme la principale raison des difficultés économiques rencontrées par la population.

C'est la même position que le premier ministre hongrois Viktor Orbán, qui s'oppose à l'envoi d'armes à Kiev et critique les sanctions contre la Russie. Orbán, voyant en Fico un possible allié au Conseil européen où il utilise souvent son droit de veto, a salué sur le réseau social X (anciennement Twitter) la victoire de son voisin slovaque.

Comment est-il possible que les Slovaques aient voté de manière aussi décisive pour des positions pro-russes ? Le pays, à 66 % catholique, garde encore vif le souvenir de l'invasion de la Tchécoslovaquie par les forces du Pacte de Varsovie, dirigées par l'Union soviétique en 1968. Cet épisode semblait appartenir au passé après que la Slovaquie, séparée de la République tchèque en 1993, ait rejoint l'OTAN et l'UE en 2004, et contrairement à la Pologne, adopté l'euro le 1er janvier 2009.

Selon une enquête de mars commandée par le think-tank Globsec basé à Bratislava, une majorité de Slovaques, 51 %, estime que l'Occident ou l'Ukraine sont responsables de la guerre. La moitié voit les États-Unis comme une menace pour leur sécurité, contre 39 % en 2022. Seuls 48 % des Slovaques considèrent que la démocratie libérale est bénéfique pour leur pays. En février 2022, la Slovaquie a ouvert ses frontières aux réfugiés ukrainiens et envoyé des armes à Kiev. Cependant, de nombreux Slovaques ressentent toujours une certaine affection pour leurs frères et sœurs slaves russes et sont reconnaissants à l'Armée rouge de les avoir libérés à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les opérations de désinformation russes ont également joué un rôle : la propagande pro-Moscou est désormais répandue dans les médias slovaques.

Fico parviendra-t-il à remodeler le soutien de l'Union européenne envers l'Ukraine ? Si la Slovaquie arrête de fournir des armes à l'Ukraine, cela ne signifie pas nécessairement qu'elle entravera l'assistance militaire de l'UE et de l'OTAN au pays. Étant donné que les décisions en matière de politique étrangère et de sécurité au sein de l'Union européenne nécessitent le consensus de tous les États membres, avec le retour de Fico au pouvoir, Viktor Orbán sortira de l'isolement dans lequel il s'est trouvé lors de plusieurs sommets européens. Il est à souligner que l'intégration du parti HLAS à la coalition gouvernementale, partisan de la position de l'UE envers l'Ukraine et favorable aux livraisons d'armes au bénéfice de l'industrie slovaque, pourrait tempérer l'enthousiasme pro-russe de Fico. Certains analystes voient un risque de paralysie pour l'Europe. D'autres soulignent que Fico a toujours évité pragmatiquement les désaccords majeurs ou nuisibles avec les principaux partenaires de son pays au sein de l'Union Européenne et de l'OTAN.

Ce qui est certain, c'est que la campagne électorale pour le Parlement européen, qui culminera du 6 au 9 juin 2024, fera de l'Europe un champ de bataille idéologique où les positions de la Slovaquie et de la Hongrie auront plus de résonance que jamais.

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Robert Fico, à la tête de la nouvelle coalition gouvernementale slovaque, a pris l'engagement de mettre un terme au soutien militaire en faveur de l'Ukraine et de contester les sanctions européennes à l'encontre de la Russie de Vladimir Poutine. Cette déc
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