International
Sanctions contre la Russie : l’Allemagne tire les marrons du feu
Emmanuel Macron assure actuellement la présidence tournante du Conseil de l’UE, mais le vrai patron reste allemand. On vient d’en avoir une nouvelle preuve avec le choix des sanctions européennes contre la Russie. Celles qui ont été annoncées à l’issue du sommet européen de Versailles, le 11 mars, épargnent les achats énergétiques. Suivant la proposition de la présidente de la Commission européenne, l’allemande Ursula von der Leyen, les dirigeants des pays membres de l’UE ont décidé de présenter d’ici la mi-mai « un plan pour la sortie de la dépendance » aux énergies fossiles russes à l’horizon 2027… (le projet de la Commission de réduire des deux tiers la dépendance des pays membres de l’UE au gaz russe dès cette année n’étant guère crédible). En attendant, les sanctions contre la Russie semblent taillées sur mesure pour favoriser l’Allemagne, au premier chef, en protégeant ses sources d’énergie et son industrie. C’est notamment l’avis que l’essayiste Laurent Herblay (dernier livre : « Le néolibéralisme est un oligarchisme » , éd Librinova) a développé dans une tribune au Figaro du 14 mars (en lien ci-dessous).
L’Allemagne importe de Russie plus de la moitié (65%) de son gaz. Berlin a insisté auprès des autres membres de l’UE pour que les livraisons se poursuivent. Concrètement, si les banques russes ont été bannies de la messagerie internationale Swift (qui permet le règlement interbancaire entre les établissements du monde entier), celles qui financent le commerce de l'énergie entre la Russie et l'UE sont préservées. C’est la « limitation ciblée » prônée d’une voix par les ministres allemands des Affaires étrangères, Annalena Barbock, et de l'Économie, Robert Habeck : « Nous travaillons à la manière de limiter les dommages collatéraux d'une déconnexion de Swift (...) Ce dont nous avons besoin, c'est d'une restriction ciblée et fonctionnelle », avaient-ils annoncé dans un communiqué commun le 26 février, quand tous les autres pays européens militaient officiellement pour une exclusion totale. De passage à Berlin ce même 26 février, le Premier ministre Polonais Mateusz Morawiecki avait qualifié « d'égoïsme en béton », l'attitude de son voisin. Mais l’Allemagne est loin d’être la seule à dépendre des sources d’énergie fournies par la Russie, premier exportateur mondial de gaz et deuxième exportateur de pétrole : elles représentaient avant la guerre 60% des exportations de la Russie vers l'UE. Rien que pour le gaz naturel, Moscou fournit 40% de la consommation annuelle du vieux continent, certains pays – la République tchèque, la Lettonie – en dépendant à 100%. L'Europe paie aujourd’hui l’erreur stratégique de son addiction au gaz russe.
Finalement, le sommet européen de Versailles n’aura abouti qu’à deux engagements concrets : le doublement du fonds de l’UE destiné à fournir des armes à Kiev, et le (sage) refus de faire entrer l’Ukraine dans l’UE. Tandis qu’on occupe l’opinion publique en fermant les médias RT et Sputnik financés par la Russie, un commerce vital entre ce pays et les membres de l’UE se poursuit. Il est probablement plus vital pour ceux-ci que pour la Russie, Moscou ayant tissé des liens étroits avec la Chine pour mettre en place une alternative au système Swift. En revanche, l'UE a annoncé à l’issue de Versailles la fin des exportations des produits de luxe vers la Russie. La France et l’Italie, championnes de la mode et du luxe, vont en souffrir.
Quant au réarmement de l’Allemagne, il va profiter à son industrie et à celle de son encombrant allié américain. Berlin a choisi de renouveler sa flotte de combat avec le F-35 américain de préférence au Rafale français (suivant en cela « l’exemple » de nombreux pays européens : l’Italie, la Belgique, la Pologne, les Pays-Bas, le Danemark, la Norvège, la Finlande – et hors UE, la Grande-Bretagne et la Suisse). Un choix dicté par Washington : les F-35 sont les seuls avions autorisés par les États-Unis à embarquer des charges nucléaires au sein de l’OTAN. Voilà pour le présent. Pour l’avenir, l’Allemagne veut imposer ses choix dans le « Système de combat aérien du futur » (SCAF, intégrant des drones et un chasseur de nouvelle génération) copiloté par Berlin, Madrid et Paris, au grand dam de Dassault qui craint un transfert de technologie à nos dépens. Le vieux lien de vassalité qui lie Berlin à Washington jette une forte suspicion sur l’indépendance ou simplement la faisabilité de ce moyen de défense supposé être 100% européen.
L’Allemagne importe de Russie plus de la moitié (65%) de son gaz. Berlin a insisté auprès des autres membres de l’UE pour que les livraisons se poursuivent. Concrètement, si les banques russes ont été bannies de la messagerie internationale Swift (qui permet le règlement interbancaire entre les établissements du monde entier), celles qui financent le commerce de l'énergie entre la Russie et l'UE sont préservées. C’est la « limitation ciblée » prônée d’une voix par les ministres allemands des Affaires étrangères, Annalena Barbock, et de l'Économie, Robert Habeck : « Nous travaillons à la manière de limiter les dommages collatéraux d'une déconnexion de Swift (...) Ce dont nous avons besoin, c'est d'une restriction ciblée et fonctionnelle », avaient-ils annoncé dans un communiqué commun le 26 février, quand tous les autres pays européens militaient officiellement pour une exclusion totale. De passage à Berlin ce même 26 février, le Premier ministre Polonais Mateusz Morawiecki avait qualifié « d'égoïsme en béton », l'attitude de son voisin. Mais l’Allemagne est loin d’être la seule à dépendre des sources d’énergie fournies par la Russie, premier exportateur mondial de gaz et deuxième exportateur de pétrole : elles représentaient avant la guerre 60% des exportations de la Russie vers l'UE. Rien que pour le gaz naturel, Moscou fournit 40% de la consommation annuelle du vieux continent, certains pays – la République tchèque, la Lettonie – en dépendant à 100%. L'Europe paie aujourd’hui l’erreur stratégique de son addiction au gaz russe.
Finalement, le sommet européen de Versailles n’aura abouti qu’à deux engagements concrets : le doublement du fonds de l’UE destiné à fournir des armes à Kiev, et le (sage) refus de faire entrer l’Ukraine dans l’UE. Tandis qu’on occupe l’opinion publique en fermant les médias RT et Sputnik financés par la Russie, un commerce vital entre ce pays et les membres de l’UE se poursuit. Il est probablement plus vital pour ceux-ci que pour la Russie, Moscou ayant tissé des liens étroits avec la Chine pour mettre en place une alternative au système Swift. En revanche, l'UE a annoncé à l’issue de Versailles la fin des exportations des produits de luxe vers la Russie. La France et l’Italie, championnes de la mode et du luxe, vont en souffrir.
Quant au réarmement de l’Allemagne, il va profiter à son industrie et à celle de son encombrant allié américain. Berlin a choisi de renouveler sa flotte de combat avec le F-35 américain de préférence au Rafale français (suivant en cela « l’exemple » de nombreux pays européens : l’Italie, la Belgique, la Pologne, les Pays-Bas, le Danemark, la Norvège, la Finlande – et hors UE, la Grande-Bretagne et la Suisse). Un choix dicté par Washington : les F-35 sont les seuls avions autorisés par les États-Unis à embarquer des charges nucléaires au sein de l’OTAN. Voilà pour le présent. Pour l’avenir, l’Allemagne veut imposer ses choix dans le « Système de combat aérien du futur » (SCAF, intégrant des drones et un chasseur de nouvelle génération) copiloté par Berlin, Madrid et Paris, au grand dam de Dassault qui craint un transfert de technologie à nos dépens. Le vieux lien de vassalité qui lie Berlin à Washington jette une forte suspicion sur l’indépendance ou simplement la faisabilité de ce moyen de défense supposé être 100% européen.